Previous Page  135 / 268 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 135 / 268 Next Page
Page Background

133

Littérature

443

FLAUBERT Gustave (1821-1880).

MANUSCRIT

autographe pour

L’Éducation sentimentale

 ;

2 pages in-fol. au recto et verso d’un grand feuillet

numéroté 7 (fentes réparées, petite déchirure au bord

supérieur sans perte de texte, un peu jauni et sali).

5 000 / 6 000 €

Précieux et rare canevas du début de la deuxième partie de

L’Éducation sentimentale.

[Flaubert travailla de 1864 à 1869 à son roman, qui parut en novembre

1869 chez Michel Lévy.]

Ce brouillon, titré « II », est abondamment raturé et corrigé et biffé,

avec des additions en marge ; la première page est entièrement

barrée d’une grande croix.

Flaubert a tracé les grandes lignes de la deuxième partie de son grand

roman, plus particulièrement du premier chapitre. Nous y retrouvons

Frédéric Moreau, qui revient enthousiaste à Paris après trois années

de vie provinciale, ainsi que les principaux protagonistes dont Flaubert

résume l’évolution respective et les motivations. Certaines scènes

sont d’ores et déjà mises en place, des trames de discussions sont

esquissées, parfois sous la forme de bribes d’échanges plus précis.

«

Frédéric arrive à Paris par un matin d’octobre

. Il hume le brouillard

avec délices, il est plein d’espoir, de bonheur vague. La saleté des

rues, le temps affreux tout lui semble beau. Toutes les routes de la

vie sont ouvertes devant lui. Il est riche. Et puis il va la revoir, elle !

à peine débarqué, il court chez les Arnoux. Mais ils sont déménagés.

La journée se passe à chercher leur logement avec un émoi fiévreux.

Arnoux est maintenant fabricant de porcelaines opaques, genre

artistique, son établissement est aux environs de Paris. Logement

au second étage rue Paradis Poissonnière. Par suite de sa nouvelle

position, il vit dans un milieu moins intelligent. Fr entre le soir, tard

& y reste peu de temps. M

e

Arn a maintenant un fils & escortée de

ses deux enfants elle lui parait un peu bourgeoise, commune, un

tricot sur la tête. Fr ne retrouve plus le cadre de sa passion. – & sa

passion en est déroutée, diminuée. Il avait monté l’escalier le cœur

battant, il en sort très calme & un peu attristé d’être désillusionné.

Dîne tout seul au Café Anglais – solidement. Mais n’en est pas

plus gai. […] Il s’installe rue Rumfort, entresol coquet, ameublement

perse. […] Il invite à déjeuner pour pendre la crémaillère

Deslauriers,

Senecal & Pellerin

. […] Pellerin a échoué (par injustice) à une place

d’agrégation à l’école de droit, il vient d’entrer dans la fondation

d’un journal borgne. Enragé d’ambition politique, suit les débats des

Chambr avec soif. Par suite des difficultés de l’existence, il est devenu

sombre & plus âpre. Senecal ne donne plus de leçons, s’est fâché

avec les chefs d’institution & en est aux expédients – reste taciturne ;

il frotte les allumettes contre les tentures. Pellerin n’est pas dans une

meilleure position. Ils admirent peu le mobilier de Fr ce qui le vexe.

[…] Cependant il retourne chez Arnous. Il arrive un soir tout habillé

par le 1

er

tailleur de Paris car il se disposait à aller en visite chez Me

Dambreuse. Arnoud l’emmène au bal chez M

elle

Rose Bron. On prend

des costumes en route. Arn s’habille en cuisinier […] & fait son entrée

dans le bal avec une gde corbeille sur la tête ».

Des notes biffées en marge donnent ici des indications supplémentaires

sur les dispositions des protagonistes : « Le déjeuner après le bal

& dans l’éblouissement du chic afin qu’il soit plus déplaisant à ses

amis. / Ici montrer que les amis sont sur le point de changer ». Etc.

La seconde page est consacrée aux revers de fortune rencontrés

par M. Arnoux (chapitre 3) et à ses rapports avec M. Dambreuse,

l’un de ses prêteurs hypothécaires, qui « a fait sur son usine une 1

ère

hypothèque qui n’est censé absorbé que le terrain. Cette hypothèque

absorbe tout. […] A. a besoin d’argent. Il a un ami qui lui doit 10 mille

fr. Cet ami est dans l’impossibilité de le payer. – Si vous n’avez pas

d’argent, dit A., vous avez des valeurs à négocier – Oui, dit l’ami, mais,

je ne peux les escompter moi-même vu que mon crédit est ébranlé.

Trouvez-moi un escompteur et je vous paie. – J’ai mon homme, dit

Ar., qui va trouver Freder et lui propose l’affaire. […] Dans tous les

cas il a du temps pour se retourner – à l’échéance le bonhomme ne

paie pas – rage d’Arn. ».