Previous Page  75 / 108 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 75 / 108 Next Page
Page Background

75

Le sulfureux duc de Rovigo.

Jean-Marie René Savary (

1774

-

1833

) rendit des services distingués à Napoléon Ier

comme officier, comme diplomate, comme ministre de la police, et comme responsables de missions occultes. Il en fut

remercié de nombreuses faveurs, notamment du titre de duc de Rovigo en

1808

. Son rôle trouble dans l'arrestation et

l'exécution du duc d'Enghien ternit son image pour la postérité.

Fils du prince de Condé – le chef de l'armée contrerévolutionnaire – et père du duc d'Enghien qui

fut exécuté sous l'empire, Louis-Henri-Joseph de Bourbon

(

1756

-

1830

) garda le titre de duc de Bourbon même

après la mort de son père (

1818

). Il avait reçu la charge de gouverneur de la Franche-Comté, participé à l'expédition de

Gibraltar en

1782

, et, après

1789

, suivit son père en émigration. Envoyé en Angleterre en

1795

pour tenter de préparer

un débarquement du comte d'Artois (en vain), il y demeura jusqu'en

1814

, menant une vie frivole. Il tenta également

sans succès de soulever l'Anjou sous les Cent Jours. Après

1815

, grand-maître de la Maison du roi, il partagea sa vie entre

le château de Chantilly, le palais Bourbon à Paris, et le château de Saint-Leu acheté en

1821

.

Joint, du même

: lettre autographe signée à un duc. Paris,

18

octobre

1821

. Lettre d'accompagnement de la missive ci-

dessus : « .

.. Vous aviez bien voulu me faire espérer que vous auriez l'obligeance de remettre à Mgr le duc de Bourbon

la lettre que je projette de lui écrire depuis bien longtemps, vous le sçavez ; voicy la saison des retours en ville qui

s'approche, et je désire pour cette fois ne pas ajourner une explication à laquelle j'attache tant de prix. J'ai laissé ma

lettre ouverte afin de vous faciliter d'en prendre connaissance, et je vous prie d'avoir la bonté de la sceller avant de la

remettre à Son A

[ltesse]

R

[oyale]

...

» (

1

p. in-

4

).

« L

es

calomnies dont

j

'

ai

été

l

'

objet

... »

110. SAVARY

(Jean-Marie René). Lettre autographe signée «

le duc de Rovigo

» [adressée au duc de Bourbon]. Paris,

18 octobre 1821. 3 pp. in-folio.

400 / 500

Sa ligne de défense concernant son rôle dans l'exécution du duc d'Enghien :

honneur et devoir du soldat aux temps troubles de la Révolution

«

Monseigneur, je supplie Votre Altesse Royale de n'attribuer qu'au besoin que j'éprouve d'obtenir son estime, la liberté

que je prends de mettre mon nom sous ses yeux et de lui demander l'honneur de l'entretenir ; ma confiance dans l'équité

de Votre Altesse Royale me fait espérer qu'elle me pardonnera d'oser renouveller ses douleures pour satisfaire au cri

de l'honneur qui m'en impose le devoir.

J

e

n

'

ai

rien

ignoré

,

monseigneur

,

de

tout

ce qui m

'

a

été

imputé

dans l'événement qui me conduit devant Votre Altesse

Royale, et c'est parce que je sçais à quel point elle est prévenue contre moi que j'attache encore plus de prix à être moi-

même l'interprète d'une justification qui intéresse le repos comme la gloire de ma vie.

J

e

ne

viens

point m

'

excuser

, Monseigneur, Votre Altesse Royale verra que je n'ai pas besoin d'être ménagé, ni lui faire

des révélations sur qui que ce soit, elle pourra de même juger si j'en suis capable. Le premier de mes devoirs a dû être

d'éclairer la religion du roi, et quoique je dusse être satisfait de ce qu'il a daigné me dire, je ne trouverai un repos parfait

qu'après avoir entendu les mêmes paroles de la bouche de Votre Altesse Royale, et j'ose me flatter qu'elle concevra de

moi une opinion moins défavorable après qu'elle m'aura admis à l'honneur de lui parler.

A

ux

temps

les

dissentions

civiles

avoient mis

les

armes

à

la main

à

tous

les

partis

, quoique à peine dans le monde

et sans expérience, j'ai été assez heureux pour rester étranger aux honteux écarts qui ont signalé ces fatales époques ;

je

n

'

ai

fait

que

la

guerre

,

et

j

'

ai

du

tout

à

la

guerre

qui a fait de moi l'ancêtre de ma famille.

J'

y

ai

eu

l

'

honneur

de

combattre contre vous

,

monseigneur

, j'étois le comandant d'un des pelotons du centre de la ligne de cavalerie que vous

enfonçâtes personnellement à la charge de Bertsheim

[bataille de Berstheim qui, près de Haguenau, mit aux prises le

2

décembre

1793

les troupes républicaines de Gouvion-Saint-Cyr aux Autrichiens appuyés par l'amée de Condé]

, je

vous ai vu blesser dans la mêlée par un m

[aréch]

al des logis du rég

[imen]

t de Royal-Roussillon Cavalerie. J'étois alors

dans l'âge où l'amour de la gloire fait rechercher tout les genres de périls, mais Votre Altesse Royale est trop juste pour

reconnoître dans ces sentiments-là autre chose sinon que j'étois digne de la suivre dans un champ de bataille si le destin

n'en avoit pas ordonné différemment, et jusqu'à présent je lui rends grâce de m'avoir conduit à cent combats et pas

encore à un jugement. Votre Altesse Royale est trop grande pour vouloir conserver une opinion établie sur les calomnies

dont j'ai été l'objet, je suis au contraire persuadé qu'elle la redressera avec plaisir parce que les armes de révolutions

ne doivent point atteindre le cœur de Votre Altesse Royale. Le premier des biens d'un guerrier est la réputation, parce

qu'elle est son œuvre propre, et comment pourroit-il supporter la privation de l'estime du prince sous les ordres duquel

il peut être appellé à l'honneur de servir un jour.

S

i

la

rigueure

avec

laquelle

j

'

ai

rempli

mes

devoirs

m

'

a

rendu

hostile

contre

votre

maison

,

monseigneur

,

c

'

étoit

la

conséquence

d

'

un

devoir

indépendant

de moi

,

et

non

celle

d

'

une

disposition

personnelle

particulière

, et je ne serois

point autorisé aujourd'hui à réclamer votre estime si j'avois transigé avec ce qui m'etoit imposé quand j'étois ennemi,

et, digne héritier du Grand Condé, Votre Altesse Royale ne recherchera pas plus que lui ceux l'avoient combattu en

faisant leur devoir...

»