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Le sulfureux duc de Rovigo.
Jean-Marie René Savary (
1774
-
1833
) rendit des services distingués à Napoléon Ier
comme officier, comme diplomate, comme ministre de la police, et comme responsables de missions occultes. Il en fut
remercié de nombreuses faveurs, notamment du titre de duc de Rovigo en
1808
. Son rôle trouble dans l'arrestation et
l'exécution du duc d'Enghien ternit son image pour la postérité.
Fils du prince de Condé – le chef de l'armée contrerévolutionnaire – et père du duc d'Enghien qui
fut exécuté sous l'empire, Louis-Henri-Joseph de Bourbon
(
1756
-
1830
) garda le titre de duc de Bourbon même
après la mort de son père (
1818
). Il avait reçu la charge de gouverneur de la Franche-Comté, participé à l'expédition de
Gibraltar en
1782
, et, après
1789
, suivit son père en émigration. Envoyé en Angleterre en
1795
pour tenter de préparer
un débarquement du comte d'Artois (en vain), il y demeura jusqu'en
1814
, menant une vie frivole. Il tenta également
sans succès de soulever l'Anjou sous les Cent Jours. Après
1815
, grand-maître de la Maison du roi, il partagea sa vie entre
le château de Chantilly, le palais Bourbon à Paris, et le château de Saint-Leu acheté en
1821
.
Joint, du même
: lettre autographe signée à un duc. Paris,
18
octobre
1821
. Lettre d'accompagnement de la missive ci-
dessus : « .
.. Vous aviez bien voulu me faire espérer que vous auriez l'obligeance de remettre à Mgr le duc de Bourbon
la lettre que je projette de lui écrire depuis bien longtemps, vous le sçavez ; voicy la saison des retours en ville qui
s'approche, et je désire pour cette fois ne pas ajourner une explication à laquelle j'attache tant de prix. J'ai laissé ma
lettre ouverte afin de vous faciliter d'en prendre connaissance, et je vous prie d'avoir la bonté de la sceller avant de la
remettre à Son A
[ltesse]
R
[oyale]
...
» (
1
p. in-
4
).
« L
es
calomnies dont
j
'
ai
été
l
'
objet
... »
110. SAVARY
(Jean-Marie René). Lettre autographe signée «
le duc de Rovigo
» [adressée au duc de Bourbon]. Paris,
18 octobre 1821. 3 pp. in-folio.
400 / 500
Sa ligne de défense concernant son rôle dans l'exécution du duc d'Enghien :
honneur et devoir du soldat aux temps troubles de la Révolution
«
Monseigneur, je supplie Votre Altesse Royale de n'attribuer qu'au besoin que j'éprouve d'obtenir son estime, la liberté
que je prends de mettre mon nom sous ses yeux et de lui demander l'honneur de l'entretenir ; ma confiance dans l'équité
de Votre Altesse Royale me fait espérer qu'elle me pardonnera d'oser renouveller ses douleures pour satisfaire au cri
de l'honneur qui m'en impose le devoir.
J
e
n
'
ai
rien
ignoré
,
monseigneur
,
de
tout
ce qui m
'
a
été
imputé
dans l'événement qui me conduit devant Votre Altesse
Royale, et c'est parce que je sçais à quel point elle est prévenue contre moi que j'attache encore plus de prix à être moi-
même l'interprète d'une justification qui intéresse le repos comme la gloire de ma vie.
J
e
ne
viens
point m
'
excuser
, Monseigneur, Votre Altesse Royale verra que je n'ai pas besoin d'être ménagé, ni lui faire
des révélations sur qui que ce soit, elle pourra de même juger si j'en suis capable. Le premier de mes devoirs a dû être
d'éclairer la religion du roi, et quoique je dusse être satisfait de ce qu'il a daigné me dire, je ne trouverai un repos parfait
qu'après avoir entendu les mêmes paroles de la bouche de Votre Altesse Royale, et j'ose me flatter qu'elle concevra de
moi une opinion moins défavorable après qu'elle m'aura admis à l'honneur de lui parler.
A
ux
temps
où
les
dissentions
civiles
avoient mis
les
armes
à
la main
à
tous
les
partis
, quoique à peine dans le monde
et sans expérience, j'ai été assez heureux pour rester étranger aux honteux écarts qui ont signalé ces fatales époques ;
je
n
'
ai
fait
que
la
guerre
,
et
j
'
ai
du
tout
à
la
guerre
qui a fait de moi l'ancêtre de ma famille.
J'
y
ai
eu
l
'
honneur
de
combattre contre vous
,
monseigneur
, j'étois le comandant d'un des pelotons du centre de la ligne de cavalerie que vous
enfonçâtes personnellement à la charge de Bertsheim
[bataille de Berstheim qui, près de Haguenau, mit aux prises le
2
décembre
1793
les troupes républicaines de Gouvion-Saint-Cyr aux Autrichiens appuyés par l'amée de Condé]
, je
vous ai vu blesser dans la mêlée par un m
[aréch]
al des logis du rég
[imen]
t de Royal-Roussillon Cavalerie. J'étois alors
dans l'âge où l'amour de la gloire fait rechercher tout les genres de périls, mais Votre Altesse Royale est trop juste pour
reconnoître dans ces sentiments-là autre chose sinon que j'étois digne de la suivre dans un champ de bataille si le destin
n'en avoit pas ordonné différemment, et jusqu'à présent je lui rends grâce de m'avoir conduit à cent combats et pas
encore à un jugement. Votre Altesse Royale est trop grande pour vouloir conserver une opinion établie sur les calomnies
dont j'ai été l'objet, je suis au contraire persuadé qu'elle la redressera avec plaisir parce que les armes de révolutions
ne doivent point atteindre le cœur de Votre Altesse Royale. Le premier des biens d'un guerrier est la réputation, parce
qu'elle est son œuvre propre, et comment pourroit-il supporter la privation de l'estime du prince sous les ordres duquel
il peut être appellé à l'honneur de servir un jour.
S
i
la
rigueure
avec
laquelle
j
'
ai
rempli
mes
devoirs
m
'
a
rendu
hostile
contre
votre
maison
,
monseigneur
,
c
'
étoit
la
conséquence
d
'
un
devoir
indépendant
de moi
,
et
non
celle
d
'
une
disposition
personnelle
particulière
, et je ne serois
point autorisé aujourd'hui à réclamer votre estime si j'avois transigé avec ce qui m'etoit imposé quand j'étois ennemi,
et, digne héritier du Grand Condé, Votre Altesse Royale ne recherchera pas plus que lui ceux l'avoient combattu en
faisant leur devoir...
»