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74

« A

ujourd

'

huy

... J

e me

vois

ruiné

sans

ressource

... »

108. SAINT-SIMON

(Louis de Rovroy, duc de). Mémoire manuscrit, dicté à un secrétaire. Décembre 1747. 4 pp. 1/2

in-folio, avec quelques annotations d'une autre main.

800 / 1 000

«

M

on

entière

ineptie

en affaires

». Intéressant document sur l'état de la fortune du duc, peu florissante depuis longtemps

mais définitivement mise à mal par le décès de sa femme le

21

janvier

1743

– la succession n'en serait véritablement réglée

qu'au début des années

1780

(plus de vingt-cinq ans après la mort du duc). Âgé de soixante-douze ans, le duc de Saint-

Simon qui avait dû quitter en

1746

la demeure qu'il habitait depuis

1714

, refuse ici d'aliéner ses appointements royaux.

«

Par ce qui avoit été constaté en

1743

, il résultoit que mes biens fonds se montoient à cinq millions, mes debtes à moins de

deux, par conséquent trois millions de biens restans.

A

ujourd

'

huy

,

par les états que

je reçois

,

je me vois ruiné sans ressource

, et

les trois millions excédants toutes debtes, absorbés.

C'

est là ce que

je puis d

'

autant moins comprendre

,

que depuis

janvier

1743

,

je n

'

ai donné aucune

chose à ma

commodité

,

plaisir

,

fantaisie

en choses que ce puisse être, ce qu'il est aisé de vérifier par les

comptes... Et quant à mon équipage, garde-robe et table, on en a pu voir et connoître la plus que modicité, et telle qu'elle avoit

été réglée...

Q

uand on abandonne tout ce qu

'

on a

,

que peut

-

on exiger de plus

?

Mais abandonner des appointem

[ents]

qui ne

sont pas saisissables et qui ne font pas partie de mon bien, pour demeurer à la merci de la volonté de ceux qui me payeront

comme il leur plaira,...

C'

est

le cas d

'

aller demander

l

aumône à

la porte des églises

...

Je désire au moins deux choses, pour consolation d'un tel et si total dépouillement. La

1

ère, qu'il soit pourvu avant tout, aux

legs, tant pieux qu'autres, du testament de Mad

[am]

e de St-Simon, dont je suis exécuteur, et que quand je ne le serois pas,

je voudrois exécuter aux dépens de toutes choses. La

2

de

, qu'immédiatement après, et avant toute autre chose, il soit pourvu

au paiement de mes domestiques jusqu'au jour de l'acte qu'on me propose...

R

este à

savoir comment

je pourrai vivre

.

Je ne

crois pas qu'on puisse me proposer un estat plus court, que celui de l'estat qu'on m'envoie. Il est fait sur

40000

l

[ivres]

de

rente, et avec le plus étroit ric-à-ric, la dépense monte à

39823

l

[ivres]

. Que peut-il rester pour mile bagatelles imprévues

et indispensables. Je dis bagatelles, parce que je ne compte pas de jouer un sou, de donner un verre d'eau à personne, ny

de dépenser quoi que ce soit pour mon goust. Mais il y a des bagatelles qui se présentent à l'heure qu'on y pense le moins,

et qui sont inévitables, telles sont un voyage à Versailles, ou à pareille portée de Paris, des domestiques malades..., une

armoire, une tablette, des riens d'accommodemens de maison, quand on y est pour sa vie, et ces riens coûtent...

»

Il supplie ensuite que lui soit conservée sa maisonnée de

4

domestiques dont un secrétaire

: «

Depuis

35

ans

dans la maison,

[il]

sert

uniquement

pour mes

livres

,

mes

papiers

,

et proprement de secrétaire depuis que je n'en ai plus.

De celui-là, il m'est encore impossible de m'en deffaire, il n'a d'autre emploi que celui-là, et il en a ce qu'il en peut faire.

Je n'ai de ressource qu'en mes livres &a. C'est lui qui m'y sert en tout et pour tout,

et

sans

lui

je ne

saurois rien

faire

...

»

Il conclut sur d'autres « bagatelles » indispensables :

«

Sur la dépense proposée pour ma maison, on a oublié

l'huile et le sel et le sucre, qui sont un objet, mesme

le

caffe

et

le

tabac

à

fumer

et

à

prendre

qui

est

une

habitude

de

50

années

,

dont il n'est pas possible de me deffaire, sans d'autres bagatelles dont je ne puis me rapeller, comme

plumes

,

ancre

,

papier

,

cire

&

a

,

et de

papier

j

'

en

consomme

beaucoup

avec mes

livres

, et désormais je n'aurai plus que ce

contentement de lecture, dans le vuide de toute le reste et de toute autre occupation...

» Le duc de Saint-Simon consacra

ses dernières années à la lecture, et à la rédaction de ses fameux mémoires, poursuivie de

1739

à

1749

.

109. SARTINE

(Antoine de). Lettre signée (3 pp. in-folio) avec apostille autographe (8 lignes 1/2), adressée en qualité

de ministre de la Marine à Barthélemy Pinet, contrôleur de la comptabilité des ports et arsenaux. Versailles,

8 août 1777.

200 / 300

«

Je vous annonce avec beaucoup de plaisir... que le roi, sur les comptes que je lui ai rendus de votre zèle, de vos talens, et de

l'utilité dont vous avez été dans ses ports pour y établir la nouvelle forme de service, a bien voulu fixer le traitement dont

vous jouirez à l'avenir, en votre qualité de contrôleur de la comptabilité des ports et arsenaux de Marine. Je n'ai point laissé

ignorer à Sa Majesté que, dans la vue de vous livrer entièrement aux fonctions dont il lui avoit plu de vous charger dans Sa

Marine, vous aviez abandonné une place de finance qui vous assuroit une fortune honnête ; et sur l'observation que je lui

ai faite, qu'il étoit possible que, par la suite, des circonstances qu'on ne pouvoit prévoir vous obligeassent à vous démettre de

la place de contrôleur de la comptabilité des Ponts, il lui a paru juste d'avoir égard au sacrifice que vous avez fait, et de fixer

votre sort, tant pour le présent que pour l'avenir.

C

ette considération a engagé

sa majesté à vous accorder dix mille livres de

traitemens

,

dont cinq à titre d'appointemens, et les cinq autres à titre de pension dont vous jouirez dès à présent ; et elle a bien

voulu vous assurer d'avance ladite pension pour traitement de retraite, dans le cas où vous viendriez à quitter votre place...

»

De sa main, Antoine de Sartine a jouté : «

je

suis

très

content

de

vous

. J

e

n

'

ai

point

laisse

ignorer

à

S. M.

l

'

utilité

dont

vous

aves

été

et

dont

vous

seres

encore

pour

sa marine

;

continués et comptés sur les bontés du roy et sur mes

dispositions ainsi que sur mes sentimens pour vous.

»

Grand commis de l'État du siècle des lumières, Antoine de Sartine

fut d'abord conseiller puis lieutenant

criminel au Châtelet de Paris, avant d'être nommé lieutenant général de police de Paris (

1759

-

1774

). Déployant une

intense activité, il améliora sensiblement le confort et la sécurité des Parisiens, ce qui explique que, malgré ses affinités

avec les opposants parlementaires au pouvoir royal, il fût nommé secrétaire d'État de la Marine en

1775

puis ministre

d'État en

1775

. Là encore, son efficacité fit miracle, et il améliora sensiblement le recrutement comme la construction

navale, mais, ayant soutenu le projet d'un débarquement en Angleterre voué à l'échec, il fut renvoyé en

1780

, et demeura

loin des affaires, finissant sa vie en

1801

en Espagne où il avait émigré sous la Révolution.