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Belle critique littéraire érudite

citant Baudelaire, Chénier, Homère et Hugo

— S.l., [vers la fin de juin

1905

]. Lettre n°

16

7

»).

Proust rend compte du recueil poétique

L'Or des Minutes

, publié par Fernand Gregh : «

Mon cher Fernand, je suis obligé

de t'envoyer encore un post-scriptum. Pour te dire que quand je t'ai écrit je n'avais pas encore lu les deux dernières

pièces du livre. De sorte que comme

"

L

es

ancêtres

"

ne

sont

pas

seulement

la

plus

belle

pièce du

livre mais

aussi

sa

pièce

capitale

,

tu pourrais faussement induire de mon silence que je ne l'ai pas aimée. Mon opinion est au contraire celle que

tu as exprimée sur "Ève" (enfin la pièce de Victor Hugo, tu sais ce que je veux dire)

[allusion au poème de Victor Hugo

« Les Malheureux » dans

Les Contemplations

]

, que

c

'

est

une des

plus

belles

"

inventions

"

poétiques qu

'

on

puisse

faire

.

On ne peut guère détacher des parties dans une chose si grande qui justement est écrite très différemment du reste,

un peu rudement, un peu à fresque, mais enfin l'étymologie de Gregh est très jolie, c'est du

C

henier

au sein de l'Hugo

[Gregh écrivait que son nom de famille maltais serait une déformation arabe du mot « grec »].

C'

est

aussi

hugolien

,

homérique

,

cette double rangée de morts.

T

u

excelles dans ce

"

donne

"

du rêve

comme dans ton rêve d'Hugo – la "force

des lions" dans les reins est magnifique.

J

e

fais une demi

-

réserve

pour

le

soc

. C

ar

enfin

l

'

image

est dans

B

audelaire

.

J

e

sais bien qu'ici elle prend un autre sens, une autre étendue, mais enfin

le mot

frappe

parce que

ces

vers

sont

encore

si

près de nous

.

Maintenant je sais bien que tu en as fait quelque chose de si différent. Tout à toi, Marcel Proust

»

Proust malade se reconnaît

dans un passage de

La Légende des siècles

Paris, [

18

ou

19

février

1909

]. Lettre n°

17

17

»).

Proust cite des vers du « Booz endormi » de

L

a

L

égende

des

siècles

de Victor Hugo, et évoque aussi son

propre pastiche d'Henri de Régnier

à paraître dans le supplément littéraire du

Figaro

le

6

mars

1909

. «

Mon cher

Fernand, tu as écrit une adorable féerie, une féerie de grand poète qui s'amuse, et se joue à planter partout, dans tout

genre, son pavillon

[

Prélude féerique, conte bleu en vers

, paru au Mercure de France en novembre

1908

].

Tu as eu la

gentillesse de me l'envoyer. Si je ne t'ai pas remercié (car je ne crois pas l'avoir fait), c'est que j'ai été plus malade que

je ne peux dire. Et d'ailleurs cela continue.

S

i

tu

vois

dans

un

journal

un

pastiche

de moi

,

n

'

y

vois

pas

de

contradiction

avec

ce

que

je

te

dis

de ma

santé

,

car

ce

sont de

vieilles

bribes

.

Si écrire même une lettre ne me faisait si mal à la tête, je t'écrirais une vraie lettre sur ta féerie.

Dernièrement aussi j'aurais voulu te demander où se trouvaient

ces

vers

d

'H

ugo

que je ne puis retrouver :

"Quand

on est jeune on a des matins triomphants / Le jour sort de la nuit comme d'une victoire"

, etc. J'aurais voulu le prendre

comme épigraphe, mais les épigraphes me sont devenues inutiles !

[Il semble que Proust ait eu le projet de faire paraître

un recueil d'articles en même temps que ses pastiches.]

Si j'allais mieux je te demanderais peut-être un rendez-vous pour parler de Dubois

[le professeur de neuropathologie

Paul Dubois, cf. la lettre n°

9

]

qui pourrait peut-être quelque chose pour divers

[?]

P

hénomènes

consécutifs

à mon

état

profond

, auquel il ne peut rien. Mais pour cela, pour te voir, il faudrait que j'aille mieux. Excuse ces jérémiades et crois

à ma vieille affection. Mes respectueux hommages à madame Gregh. Tout à toi mon cher ami, Marcel Proust

»

Dans cette belle correspondance, Marcel Proust mentionne également les

études de droit

qu'ils suivaient pour donner

des gages à son père, et se plaint d'un « e

xamen imminent

» qui le fait «

travailler toute la journée

» alors qu'il ne dort

plus la nuit à cause «

d'horribles crises d'asthme

» (lettre n°

2

3

», fin juillet-début août

1892

) ; il invite Fernand Gregh

à un dîner avec

Henri Bergson

(lettre n°

4

1

»,

7

novembre

1892

), repas particulier que Fernand Gregh, dans un

volume de souvenirs intitulé

L'Âge d'or

, évoquerait comme « une sorte de communion entre deux jeunes disciples et un

maître ». Proust cherche aussi à se sortir d'un mauvais pas vis-à-vis de Fernand Gregh concernant une indiscrétion qu'il

avait commise auprès de l’

égérie d'Anatole France, Léeontine Arman de Caillavet

(lettre n°

5

2

», novembre

1894

, probablement le

2

, avec, joint par Proust, la lettre à lui adressée par M

me

de Caillavet à ce sujet). Il adresse aussi ses

félicitations à Fernand Gregh après que celui-ci eut vu son recueil poétique

Maison de l'enfance

couronné par l'Académie

française (lettre n°

6

10

»,

21

mai

1897

) ; il parle encore de son

oncle Weil

et pose des questions sur le

docteur

Dubois

, «

Quand on n'est pas seulement neurasthénique..., vous soigne-t-il encore ? Vous guérit-il tout de même...

»

(lettre n°

8

9

»,

1903

, probablement le

13

août) ; il se désespère qu'une «

coupe azurée

»

de Gallé

, qu'il destinait à

Fernand Gregh comme cadeau de mariage, se soit brisée sous les doigts de l'artisan à qui il avait demandé d'y graver une

citation d'un poème de son ami (lettre n°

9

12

»,

13

novembre

1903

) ; il se désole de ne pouvoir accepter l'invitation de

Fernand Gregh au

réveillon

, cette soirée «

à laquelle notre imagination conserve malgré tout un charme légendaire

»

(lettre n°

13

13

», peu avant le

24

décembre

1904

), puis regrette de n'avoir pu lui rendre visite au lendemain de Noël,

«

Cela aurait pourtant été bien joli vos lumières dans cette brume ;

une

crèche dans

les

ténèbres

» (lettre n°

14

14

»,

26

décembre

1904

). Enfin, il trouve «

épatant

» un article de l'universitaire André Chevrillon sur la jeunesse de

John

Ruskin

, historien de l'art et théoricien anglais dont il traduisit lui-même deux ouvrages qu'il publia avec importantes

préfaces développant ses propres théories esthétiques (lettre n°

15

16

»,

4

janvier

1905

).