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serait affaire entendue, traître, dégueulasse et patata. […] Mais je suis tout vif nom de Dieu ! Et cette bonne vache
plume ! des bons comptes ! J’attends qu’on me juge – prononce – foudroye ! Alors en avant la musique ! Il faudrait bien
foutre tous mes crimes noir sur
blanc
. Jugement, réquisitoires, pataquès là le terrible
hic
le SEUL.
J’attends
. – Sortir des
insinuations, calomnies imbéciles, accoucher d’un monstre synthétique follement merdeux. Que je le ferai voir,
admirer
,
noir sur blanc aussi
moi
au monde
entier
. Mot par mot, bien joliment comme le fait Sartre – en mieux. Je suis comme
les boxeurs professionnels ça m’emm… de me battre.
Mais
si
on me force. C’est du tapis. Je fuis l’esclandre, mais si
on m’oblige alors yop ! le compte. Oh je ne pleurniche pas. Gémis pas. J’ai à faire à des coyotes imbéciles. Ils me font
perdre mon temps c’est tout »… L’opuscule est prêt : « Il fera le tour du monde. Je vous le garantis. –
La Libération des
Instincts
. – C’est pas que je cherche la bagarre. J’ai mille fois mieux à faire qu’à me démêler de ces furieux maniaques
idiots rabacheurs... Qu’on me foute la paix, et tout est dit ! Mais s’ils veulent être gâtés, ils le seront c’est le temps
qu’ils me font perdre leur crime. Ignobles, idiots, charogniers, j’y peux rien. Je me suis bien trop occupé d’eux. C’est
pas drôle »…
28.
Louis-Ferdinand CÉLINE
. L.A.S. « LFC », [Korsør] le 12 [janvier 1949], au Dr Odette
P
oulain
, avec un
tapuscrit
signé ; 2 pages in-fol., et 18 pages in-4 dactylographiées (copie carbone), enveloppe.
1 000/1 500
« À titre de rigolade voici les
faits
qui me sont reprochés et pour lesquels j’ai déjà fait
18 mois de réclusion
– au secret
absolu. Récemment Thorwald
M
ikkelsen
mon avocat danois est allé voir mon juge d’instruction à Paris. Mon dossier ne
s’est gonflé d’aucun “
fait
” nouveau ! depuis 4 ans ! Et Dieu sait pourtant si on l’a recherché
le fait
! Mais si les boches
sont des “Ia !” les français sont des “ha !”. Quand ils se sont engagés dans la connerie ils deviennent gonzesses
enragées – “ha !” Ils veulent ma crève “ha !” alors ils l’auront “ha !” Les français ont toujours raison “ha !” Ce sont les
premiers juristes du monde “ha !” les plus intelligents emmerdeurs du monde “ha !”. Rien à faire “ha !” »…
Réponses aux accusations formulées contre moi par la Justice française au titre de trahison et reproduites par la Police
Judiciaire danoise au cours de mes interrogatoires
, tapuscrit daté en fin « 6 novembre 1946 » : Céline est accusé d’avoir
écrit
Guignol’s Band
et
Histoire de Bezons
pour la propagande allemande, d’avoir été membre d’honneur du Cercle
européen, d’avoir poussé à une aggravation de la persécution antisémite, et il expose ses rapports avec l’Occupant,
ses relations littéraires avec l’Allemagne, l’accusation injuste de persécution antisémite et de dénonciation du Dr
Rouquès, etc.
O
n
joint
une L.A.S. de Charles
D
eshayes
à Céline, soupesant les chances de Céline de n’écoper que de travaux forcés
(3 p. in-4).
29.
Louis-Ferdinand CÉLINE
. 4 L.A.S., Korsør [1949], au Dr Odette
P
oulain
; 13 pages in-fol., 3 enveloppes.
2 500/3 000
B
elle
correspondance
inédite
sur
les
attaques
contre
lui
,
et
le
projet
d
’
un
comité
de
soutien
.
8 [avril ?]
. «
Z
uloaga
n’a rien transmis du tout. Il est jaloux. Je vous embrasse. Me voici défendu par Minerve ! et
Vénus ! Je suis sauvé ! Plus Esculape ! Je vous rembrasse ! Le ciel m’appartient ! Bien sûr ils vont me pendre quand
même bientôt en effigie ! Je vous embrasserais quand même ! J’y tiens ! Cromwell fut pendu une fois mort ! lui ne
pouvait plus ! Un moment tout est rire ! Depuis 5 ans que ça dure cette chasse à mes os ! Vive ces bienveillants nom de
Dieu de la Coopération intellectuelle ! Je l’ai connue aussi celle-là à Genève.
L
uchaire
en faisait partie (le père,) il
volait
des
médailles
, avec son fils (le fusillé) dans le meublé qu’ils occupaient sur le bord du Lac. Que c’était drôle ! Et la mère
C
urie
! Et sa fille (de bien jolies jambes !) les voici juges, les mêmes sans doute, (fantômes compris) en psychologie ! »…
Le 19 [avril]
. « Certes chère amie il y a qq chose de grave dans mon cas. Je suis en “pétard de mystique” avec
les Français. Cela ne s’avoue guère – et
cela
ne
se
pardonne
pas
. Vous savez j’ai à peu près depuis belle lurette tout
entendu ! Si je m’en fous ! Paroles d’Honneur ! – Mon Dieu ! Mais
S
artre
m’a bel et bien
dénoncé, désigné, calomnié
aux assassins, aux bourreaux des Cours de justice –
noir
sur
blanc
au moment précis où tous les cors sonnaient
l’hallali. Alors salut par la philosophie ! Sartre est bel et bien une petite ordure de mouchard pourvoyeur rabatteur
–
pour
ce
qui
me
concerne
. Qu’il vous en fasse
autant
et vous cesserez de philosopher. Il faut toujours se mettre à la
place du
plaignant
chère Odette. Foutre de l’Olympe ! Petite bourrique est Sartre, sale petite donneuse. J’ai reçu en
certain milieu en certains temps où ce petit genre d’actes était gentiment sanctionné, rapidement, radicalement, aux
applaudissements de tous – (des hommes je veux dire). – Au positif à présent ! Je babille aussi comme une dame ! –
Puisque vous connaissez des hommes (enfin) bien placés – et qui me veulent du bien alors d’urgence qu’ils se mettent
en rapport avec Raoul
N
ordling
consul général de Suède à Paris […]. Nordling fera le reste s’il y a qq
chose à faire
!
Mais il voudrait trouver en France, un certain appui
français
de
médecins
, et de
résistants.
Oh il ne s’agit pas de me
réhabiliter ! Grands dieux ! Il s’agit de rendre mon sort un peu moins misérable »... Il écrit, mais il a de la migraine, et
de l’âge. « J’essayerai de faire rigoler ces vaches de lecteurs encore un petit coup – puis je poserai ma chique ! »…
21 avril
. Il lui adresse un ami, « le Colonel-médecin
C
amus
[…] breveté d’État-major, ex “attaché” du G
l
Weygand – un
homme de cœur de grand savoir et distinction – et d’expérience. Il connaît tout mon pataquès. Il est aussi au courant
de mon “opération Nordling”. Il connait Nordling et ses abords – et tous mes amis et circonstances. Un petit entretien
je vous prie – pour vous entendre. Vous devez vous entendre admirablement – la liaison clinique immédiate – notre
algèbre – et l’amitié j’espère que vous me portez. Dites tout le mal que vous voudrez mais un petit peu de bien – juste
ce qu’il faut »…