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… / …
Citons encore ces lignes méditatives, du dernier feuillet,
j
: « Pour comprendre l’homme et ses besoins, pour le connaître dans ce
qu’il a d’essentiel il ne faut pas opposer l’une à l’autre l’évidence de vos vérités. […] Il faut par conséquent, oublier un instant ces
divisions qui une fois admises entraînent tout un Coran de vérités inébranlables et le fanatisme qui en découlent. On peut ranger ces
hommes en hommes de droite et en hommes de gauche, en bossus et en non bossus, en fascistes et en démocrates, et ces distinctions
sont inattaquables. Mais la vérité vous le savez c’est ce qui simplifie le monde et non ce qui crée le chaos. La vérité c’est le langage qui
dégage l’universel »…
339.
Claude-Henri de SAINT-SIMON
(1760-1825) philosophe et économiste. L.A.S., [Péronne 27 mars 1791], au banquier
Jean-Frédéric
P
erregaux
, « Commandant du Bataillon N.D. de Bonne Nouvelle », à Paris ; 1 page ¾ in-4, adresse.
800/1 000
« Je vous ai prié par ma derniere lettre de vouloir bien vous charger de faire faire le recouvrement d’un mandat de 40,000
ll
que je vous
ai envoyé. Cet argent est destiné à fournir aux faux frais de notre speculation pour lesquels le credit que M. de
R
edern
m’avoit ouvert
sur vous est très insufisant. Voulez vous bien avoir la bonté d’être depositaire de cette somme et m’autoriser à tirer sur vous jusqu’à
concurrance de son montant. J’imagine que vous approuverez le parti que j’ai pris de profiter de tous les delais que les decrets accordent
aux acquereurs des domaines nationaux pour éffectuer leur premier payement. Il est vrai qu’il en coutera a Redern trois mois d’interets
mais d’un coté il a l’esperance de voir pendant ce tems monter ses éffets et d’un autre je presume que s’il paye des interets d’une main
il en recevra de l’autre »… Il a lieu de croire que ses prochaines acquisitions seront plus avantageuses encore… Il évoque un prêt voulu
par la sœur aîné de Redern, et demande son appui pour placer le jeune Louet à Paris : « On organise dans ce moment les burreaux du
tresor public. Un mot de vous au ministre l’y feroit placer à l’instant »…
340.
Constance de
T
heis
, Madame
P
ipelet
puis princesse de SALM
(1767-1845) femme de lettres, elle épousa en secondes
noces (1803) Joseph de Salm-Dyck (1773-1861), et tint un brillant salon littéraire rue du Bac dans l’hôtel de Ségur. L.A.S.
« Constance de Salm », Dyck 8 juin 1816 ; 4 pages in-4.
100/150
Elle annonce à son ami que « le Roi de Prusse [
F
rédéric
-G
uillaume
III] vient d’accorder à mon mari le titre de
Prince
: il en avait déjà
le rang en Allemagne ; mais le
nom
n’y était pas encor [...] bien entendu que je partage, dans tout cela, les sentiments de mon mari, et
fais mon bonheur du sien »... Elle a adressé il y a quelques mois un poème, dont elle cite 6 vers, au Roi de Prusse qui lui a répondu
en termes très flatteurs : « C’est quand on est bien loin de son pays que l’on sent le mieux les avantages qui tiennent au talent quel
qu’il soit »... Elle a passé un triste hiver : « mon mari était à Berlin, et quoique je puisse aller dans une ville (soit Cologne, soit Aix-la-
Chapelle) la crainte d’avoir à y changer ma manière de vivre m’a fait rester à la campagne »... Elle a été malade et a souffert de douleurs
vives dans l’oreille... Elle demande des nouvelles d’amis... « Je ne suis plus au courant de rien et je sens vivement le besoin de tout ce
qui me rattache à mes amis, et les rattache à moi »... Elle espère se rendre à Paris cet hiver...
341.
George SAND
(1804-1876). L.A., Nohant 17 septembre [1821], à Émilie de
W
ismes
, à Angers ; 3 pages in-8 très remplies
d’une petite écriture, adresse.
1 000/1 500
J
olie
lettre
de
jeunesse
à
une
condisciple
du
couvent
des
D
ames
augustines
A
nglaises
.
La santé de grand-mère lui a causé « les plus douloureuses inquiétudes » ; elle a été administrée, mais est « beaucoup mieux et hors de
danger ». Elle remercie Émilie de ses lettres « si gentilles ! J’aime à te suivre dans tes récits. Je te vois d’ici, comme au couvent, faisant
de l’esprit avec un grand sang-froid et disant des choses charmantes avec ton petit air tranquille et posé ». Parfois elle a envie de tourner
la bride de sa jument Colette pour aller voir Émilie : « je ne sais à quoi il tient que je n’arrive en Bradamante et que tu ne me voies
apparaître comme un revenant sous un vieux if, dans les ruines du couvent. – J’ai ri trois heures de la figure de ton cheval avec ton
voile et ton chapeau. […] pour te faire aimer de lui bien davantage il faut lui donner des restes de côtes de melon. J’ai un jeune cheval
que je nomme
Pépé
à cause de son caractère latin il mord tout le monde. On pourrait faire une petite collection de tous les doigts &c
qu’il a presque mangé. Mais je lui ai adouci le caractère avec du melon dont il est très friand »… Elle parle aussi de son petit taureau
noir. « Tu vas dire que je suis bien bête de te conter de pareilles
nonsense
. […] Je vis au fond de ma tanière d’une manière fort monotone
et rarement, quelqu’évenement vient faire diversion à mon petit train de vie accoutumé. Je m’occupe tant que je peux et je philosophe
dans mon petit coin. Eh bien je suis assez bête pour préférer ma solitude à tous les plaisirs
mondains
. Et cela ne crois pas que ce soit
par scrupule, (c’est une maladie dont je suis revenue), c’est par goût. Quelle conversation vaut celle de mes livres, quelle société quels
plaisirs seront aussi doux pour moi qu’une belle campagne ? »… Et de citer des vers de
D
elille
… « Non. Je ne pourrais plus vivre à la ville.
J’y mourrais d’ennui. J’aime ma solitude
passionément
[…]. Mais tu vas me prendre pour une sauvage. Sans ta politesse, tu me qualifierais
presque d’
ours mal léché
. Mais je ne le suis pas plus qu’une autre. Quand je fuis la société c’est celle des ennuyeux, des indifférens »…
Correspondance
, t. I, p. 71.
342.
George SAND
. L.A.S. « George », [Paris 6 mai 1833], à Adolphe
G
uéroult
; 3 pages in-4, adresse (quelques légères fentes).
1 800/2 000
É
tonnante
lettre
féministe
,
sur
ses
vêtements masculins
,
et
sur
le
saint
-
simonisme
.
George Sand a renvoyé à Guéroult sa lettre, sur laquelle elle a commencé à écrire sa réponse. Guéroult (journaliste au
Globe
et au
Journal des Débats
) écrivait notamment à Sand : « Vous êtes née, et vous mourrez femme. Quand vous portez le costume de votre sexe,
j’éprouve près de vous une sorte de respect, car comme femme, vous avez souffert assez noblement pour le mériter. En homme vous
êtes gentille, vous êtes un joli page qu’on a envie d’embrasser pour ses beaux yeux, mais il y a là-dessous quelque chose où perce le
travestissement, l’espièglerie de carnaval. En homme, je ne vous prends nullement au sérieux »...