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D

EBUSSY

ENCHAÎNE

SUR

LA

PLACE

DE

L

ARTISTE

DANS

LA

SOCIÉTÉ MODERNE

:

Je sens comme vous l’utilité absolue de l’effort, mais

quand il est entaché des médiocrités de l’existence il devient quelquefois attristant, quand on voit surtout le peu d’intérêt qu’il

inspire aux gens, qui font si facilement changer l’effort en de “l’habileté”, et si l’on veut garder des éclaboussures l’idéal ou

l’Illusion de cette chose pour laquelle nous souffrons, c’est-à-dire l’Art, cela devient effroyable

[…]

L’Artiste dans la civilisation

moderne sera toujours un être dont on n’aperçoit l’utilité qu’après sa mort, et ça n’est que pour en tirer un orgueil souvent idiot,

ou une spéculation toujours honteuse, donc il faudrait mieux qu’il n’est

[sic]

jamais à se mêler à ses contemporains

[…]

il suffirait

que l’on vous “découvre” beaucoup plus tard, car certaines gloires récentes auront vraiment de terribles responsabilités à assumer,

quand

[sic]

à l’avenir.

Correspondance (1872-1918),

éd. par F. Lesure et D. Herlin, Gallimard, 2005, p. 150-151.

Restauration à la pliure centrale.

132. DEBUSSY (Claude). L

ETTRE

AUTOGRAPHE

SIGNÉE

À

G

EORGES

H

ARTMANN

, datée

Mardi. 9 Août

[18]

98

,

2 pages et demie in-12 (166 x 105 mm), sous chemise demi-maroquin rouge moderne.

1 500 / 2 000 €

Q

UELQUES

SEMAINES

APRÈS

LA

PREMIÈRE

REPRÉSENTATION

,

À

L

ONDRES

,

DU

P

ELLÉAS

ET

M

ÉLISANDE

DE

G

ABRIEL

F

AURÉ

, D

EBUSSY

S

INSURGE

CONTRE

SON

RIVAL ET TENTE DE RASSURER

SON

ÉDITEUR

.

Précieuse lettre relative à la célèbre pièce de Maeterlinck, source d’inspiration et de division entre les deux musiciens. Depuis 1893,

Debussy travaille avec acharnement à son

Pelléas,

toujours inachevé, mais Fauré l’a devancé. Hartmann craint que cet événement

nuise à l’opéra de Debussy. Aussi, devant l’inquiétude de son éditeur, tente-t-il de minimiser l’affaire.

Je viens encore une fois de traverser des tas d’ennuis

[...]

Votre dernière lettre m’a beaucoup contrarié par l’importance que vous

attachez à un fait qui me semble, purement anecdotique

.

Il y a à peu près trois ans, Mauclair m’avait parlé de cette histoire, au

nom de Maeterlinck, j’avais naturellement répondu que je n’avais pas à faire de musique de scène pour Pelléas, ayant compris et

voulu ce drame d’une façon toute lyrique, je ne pouvais faire une chose qui aurait ressemblé à une dénégation. Maintenant, il

est

certain que Maëterlinck aurait pu m’en avertir la chose se faisant malgré tout, mais il est Belge ! partant, un peu grossier et sûrement

mal élevé, = j’en ai d’autres preuves

[…]

Je crois que

cette musique a été commandée à Fauré par cette tragédienne anglaise

[Mrs Patrick Campbel]

l’effet de cette musique me semble devoir se limiter à cette représentation, et sans y mettre beaucoup de

vanité, il me paraît impossible qu’il y est

[sic]

matière à confusion, quand ce ne serait que par le poids

[…]

Puis Fauré est le porte-

musique d’un groupe de snobs et d’imbéciles qui n’auront jamais rien à voir ni à faire dans l’autre Pelléas — le plus ennuyeux,

encore une fois, c’est que cela vous est

[sic]

aussi vivement ému, quand à moi je vous jure que rien ne m’est aussi profondément

indifférent

[…]

Je suis ennuyé et malade, et j’aspire à un peu de tranquillité, sans quoi je deviendrai sûrement fou et enragé.

Correspondance (1872-1918),

éd. établie par F. Lesure et D. Herlin, Gallimard, 2005, p. 414-415.

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