67
130. CHAUSSON (Ernest). L
ETTRE
AUTOGRAPHE
SIGNÉE
À
C
LAUDE
D
EBUSSY
, datée
Luzancy, jeudi
[4 mai 1893],
4 pages in-12 (179 x 116 mm), sous chemise demi-maroquin rouge moderne.
700 / 800 €
T
OUCHANT TÉMOIGNAGE DE
LA
PROFONDE AMITIÉ
ENTRE
LES DEUX
COMPOSITEURS
.
Voilà déjà que je vous tombe sur le dos pour une commission
, ironise-t-il. Mais, il ajoute :
je suis très sûr de votre amitié. Cette
certitude m’est tout à fait délicieuse. Et comme elle est réciproque, n’est-ce pas, tout est pour le mieux
[...]
Je me sens une féroce
envie de travailler
.
Il y a des moments où il me semble que je ne vais faire qu’une bouchée du “Roi Arthus”
[…]
Je fais la dernière
toilette du “Concert” et je m’aperçois que j’ai oublié d’emporter les parties séparées du quatuor. Voudriez-vous être assez gentil
pour passer les prendre chez moi
[…]
Je puis être rappelé à Paris, d’un moment à l’autre, par une naissance imminente, et je
voudrais porter à Bailly
[Edmond Bailly, leur éditeur commun]
le manuscrit complet
. Il peste contre le bruit :
Un marchand forain
qui joue de la trompette, une odieuse trompette. Ça, ça n’est plus de jeu ! Et le silence de la nature, alors !
En post-scriptum, il
demande de ses nouvelles
et aussi de l’Or du Rhin
[
Das Rheingold
] donnant au passage un coup de patte à Wagner :
être sourd, par
intermittences, et à volonté, voilà qui serait agréable.
Au début de l’année 1894, Debussy donna plusieurs récitals d’œuvres de
Wagner et avait l’habitude d’emprunter à Chausson des partitions.
131. DEBUSSY (Claude). L
ETTRE AUTOGRAPHE
SIGNÉE
À
E
RNEST
C
HAUSSON
, datée
Samedi 26 Août
[18]
93
, 4 pages
in-4 (261 x 205 mm), enveloppe autographe, sous chemise demi-maroquin rouge moderne.
1 800 / 2 500 €
L’A
RTISTE DANS
LA CIVILISATION MODERNE
SERA
TOUJOURS UN
ÊTRE DONT ON N
’
APERÇOIT
L
’
UTILITÉ QU
’
APRÈS
SA MORT
.
Ernest Chausson vient de partir pour Royan. Plongé dans la solitude et le désespoir, Debussy lui redit son amitié et son admiration.
Il juge avec sévérité la civilisation moderne.
Claude-Achille a dû remettre la joie de vous écrire à cause d’une mauvaise fièvre qui m’a tenu au lit, morne, hébété, et fait courir
mes doigts comme des lièvres sur les couvertures. Cela a commencé par une triste soirée, ou après vous avoir dit adieu, nous
errâmes tous les deux Bonheur et moi
[
…
]
votre départ me semblait décidément un accident irréparable ! J’apercevais une suite de
longs jours, pareils à une allée d’arbres morts ! et me sentais naïvement orphelin de toute votre amitié ! Vous, là-bas, moi ici, et
rien à faire
[…]
vous pour qui le Bonheur est une chose méritée, tellement vous mettez de grâce affectueuse à en montrer les côtés
que généralement l’on cache avec soin, et vraiment tout en vous étant Dieu sait combien reconnaissant, je suis profondément
heureux de vous aimer entièrement puisque en vous l’homme complète l’artiste ! et quand vous voulez bien me montrer de votre
musique, vous ne pouvez pas vous figurer l’ardente amitié que je mets à vous sentir formuler des sentiments qui à moi me sont
défendus, mais dont la réalisation chez vous me remplit de joie
[…]
Quant à vos sermons, ils me seront toujours très doux, n’êtes-
vous pas un peu comme un grand frère aîné, en qui l’on a toute confiance, dont on accepterait même les gronderies !
130
131