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les collections aristophil
A
: «
1. La petite préface – avec étoile et note à la fin du livre.
/ 2. Choix
sévère des poèmes non espagnols.
/ 3. Suite espagnole (datée). 4. Il
faudrait finir sur un chef d’œuvre – mais voilà
!
»
Cet ensemble donne un panorama très complet de l’avant-texte,
montrant les étapes très diverses du travail, allant de premières
notes jetées au crayon, à des brouillons surchargés de biffures et
de corrections, à des mises au net, souvent provisoires et corrigées
à nouveau, parfois signées et datées. Outre les dates, on relève
d’intéressantes précisions
; ainsi sur un brouillon des 3 premières
strophes de l’
Hommage à Goya
: « L’hommage à Goya a été écrit le
même jour mais l’hommage à Gréco était fait dans ma tête depuis
Tolède
». Outre des indications chronologiques ou contextuelles,
on trouve parfois dans les marges des notes prises pour mémoire,
sans rapport direct avec le texte, par exemple
: « Misia Sert disait de
Ravel
: il met la ponctuation et n’écrit pas dessous
».
Les poèmes de la dernière partie, où la recherche formelle est la
plus poussée, portent la trace des tâtonnements et de récritures
successives
: les brouillons pour
Hommage à Pouchkine
occupent
10 feuillets dont 9 datés, les étapes de la fabrication du poème
s’échelonnant du 25 juin au 5 juillet 1954
; sur le dernier feuillet, donnant
une «
autre version de la strophe finale
» encore très raturée, on lit
:
«
à peu près définitif
/ 5 juillet 1954
/ mon anniversaire
».
Le poète procède surtout en raturant, ne conservant que quelques
lignes soulignées et reportées sur de nouveaux essais dans un
désordre apparent et trompeur, qui feront progressivement émerger
la version quasi définitive que l’on découvrira dans le manuscrit B.
La quasi-totalité des poèmes est écrite lorsque Cocteau opère une
première mise au net qui les reprend tous et les ordonne.
Le dossier A présente également 5
dessins
originaux
: * au verso
d’une version de premier jet de « Votre arme, Éros
»… (« Votre beauté
n’est pas celle qui me gouverne
»…) : profil stylisé de jeune homme
au stylo bille bleu
; la ligne du cou se termine en signature « Jean
»
;
il porte la date 1953 sur le front
; l’œil est cerné d’une arabesque
qui évoque une clé de sol (21 x 13,5 cm). * au verso du poème « Un
automne
»..., un portrait analogue mais plus épuré (21 x 13,5 cm).
* sur un grand feuillet de papier dessin (35 x 27 cm) plié en deux
pour servir de chemise
: «
Brouillon de Clair-obscur
», deux sujets
B. Manuscrit mis au net
. 228
feuillets in-4 (27 x 21 cm) écrits au recto
au stylo bille bleu sur vélin ivoire Lalo filigrané
GL Paris Renage
,
comportant la page de titre, une note sur la numérotation, et 222
pages paginées au crayon de 1 à 210 avec des
bis
et des
ter
(et
quelques incohérences) avec numérotation des poèmes (elle aussi
parfois incohérente)
; le tout sous chemise cartonnée verte à rubans
élastiques portant la mention
: « manuscrit
1 (mis en ordre)
».
La page de titre porte le plan du recueil
: «
Strophes
/ Divers
/
Hommages et Poèmes espagnols
»
; la deuxième page porte la
recommandation de «
renuméroter les poèmes et repaginer
». Cette
mise au net comprend encore plus de 400 corrections avec des
passages biffés qui présentent d’intéressantes variantes. Le recueil
subira de nouvelles modifications lors des dactylographies et épreuves
corrigées
; sur le manuscrit déjà, des suppressions de strophes et
de poèmes sont envisagées, confirmant une exigence qui ira jusqu’à
élaguer le recueil de presque un quart du volume. Notons que la page
de titre de la section
Strophes
(qui deviendront les
Cryptographies
)
porte le sous-titre
: «
variations sur des thèmes connus
».
Le manuscrit A permet de reconstituer la laborieuse genèse du
recueil, les textes présentant fréquemment des dates de composition,
situées d’août 1952 à juillet 1954. La «
petite préface
» est fixée dès
les premiers brouillons, avec la phrase célèbre et éclairante
: «
La
poésie est une langue à part que les poètes peuvent parler sans
crainte puisque les foules ont coutume de prendre pour cette langue
une certaine manière d’employer la leur
». Dans le manuscrit A, elle
s’intitule
Art poétique
, et se complète d’une note autographe qui en
donne la source
: « Sartre cite de moi une phrase où je dis qu’enfant
je ne croyais pas que les étrangers parlaient une langue mais faisaient
semblant d’en parler une. C’est la croyance de nombre de personnes
qui parlent des poètes
»… Dans le manuscrit B, elle porte le titre
antérieur biffé et remplacé par
Préface
, suivie d’un paragraphe qui
sera finalement écarté
: «
La poésie oblige à nouer et dénouer le fil
du verbe de telle sorte que sa pelote déroule et jamais ne se dévide
jusque dans la rue
».
La division du livre en trois parties bien distinctes est présente très tôt,
comme l’indique une ébauche manuscrite de plan dans le manuscrit