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Lettres & Manuscrits autographes
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26 mai 2020
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ARTAUD Antonin (1896-1948)
TAPUSCRIT signé « Antonin Artaud » avec ADDITIONS et corrections
autographes,
La vieille boîte d’amour Ka-Ka
, Paris 27 décembre 1946 ;
7 pages in-8 sur 4 feuillets montés sur onglets, reliure bois des îles
aux lames articulées, doublures de daim gris, plat sup. titré à l’endroit
et à l’envers, dos de veau havane, étui en bois à dos titré (
Antonio
).
Réponse à Gilbert Lely sur l’amour et la sexualité
.
[Gilbert LELY, poète et spécialiste de Sade, avait demandé un texte à
Artaud pour un numéro spécial de la revue
Variété
consacré à l’amour.
Ce texte fut recueilli dans les
Œuvres complètes
d’Artaud, Gallimard,
t. XIV, pp. 147-151. Ce tapuscrit comprend de nombreuses additions et
corrections à l’encre bleue.]
Il n’a depuis longtemps plus rien à dire sur l’amour. « C’est un sentiment
que j’ai cru avoir et comprendre au temps où je me faisais sur la vie
des idées fausses, car en vérité je n’y ai jamais trouvé d’amour, sauf en
moi ; attachement (et encore), amitié intéressée, estime, considération
provisoire, sympathie extérieure, mais amour dans le sens on pourrait
dire alchimique du terme, jamais »... Il s’en réfère à Nerval (
Le Roi de
Thulé
), Poe, Baudelaire et Breton ; le sujet est galvaudé… « L’amour
est un sentiment unique, si unique, que l’idée de le partager avec
d’autres, d’avoir ce sentiment
concomittamment
avec d’autres me fait
horreur. Ce que j’en pense, à part cela, est pour moi. Pour moi seul,
et j’interdis à qui que ce soit d’en parler, me parlant à moi-même, d’en
parler en même temps que moi. Je crois, d’ailleurs, maintenant que ce
sentiment s’appelle la haine, et pour moi il s’appelle la flagellation d’une
haine dont je ne sais même plus où elle me mènera »… Il se rappelle
ses pensées lorsque Marthe Robert et Arthur Adamov vinrent, en mars
1946, le sortir de neuf ans d’internement à l’asile de Rodez, où il a
beaucoup pensé à l’amour, et « rêvé quelques filles de mon âme qui
m’aimeraient comme des filles et non comme des amantes, moi leur
père impubère, lubrique, salace, érotique, incestueux et chaste, – si
chaste qu’il en est dangereux. On ne peut aimer que ses créations »…
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BALZAC Honoré de (1799-1850)
P.A.S. « de Balzac », [Paris 8 août 1834] ; demi-page in-8.
Billet inédit à son nouvel éditeur
.
« Je reconnais avoir à M. Werdet la facture par laquelle M. Gosselin
déclare ne conserver aucun exemplaire des ouvrages qu’il avait eu à
vendre et la joindre aux pièces qui me libèrent, et je la lui communiquerai
toutes les fois qu’il en aura besoin »…
1 000 - 1 200 €
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BATAILLE Georges (1897-1962)
Écrivain
L.A.S. « Georges Bataille », Orléans 27 mars 1961,
[à Jean-Marie LO DUCA] ; 3 pages in-8.
Sur l’illustration des
Larmes d’Éros
, essai sur l’érotisme paru en
1961 chez Pauvert
.
Il lui envoie deux clichés en couleurs, et « deux négatifs : a) portrait
d’Erszebeth Bathory ; b) château d’Erszebeth Bathory. Je ne retrouve
pas les légendes du Supplice chinois que vous m’avez données »… Il
donne l’instruction de faire photographier aux Estampes, en s’adressant
à Adhémar, une gravure de Marie-Madeleine nue, ou les seins nus,
et, puisqu’ils n’ont « stupidement » aucun Max Ernst, de reproduire
d’après le livre de Patrick Waldberg la
Messaline enfant
et
Les Filles
de Loth
. « N’hésitez pas en cas de difficulté à m’appeler à Vézelay […]
Naturellement une des questions importantes sera celle des dates pour
les légendes. Je n’aurai comme dictionnaire qu’un très vieux Larousse
(vers 1880) en 12 ou 15 vol. »…
200 - 300 €
Suivent quelques jugements sur le mystique de l’amour, et le dévouement,
et l’objection que toute cette enquête lui paraît indiscrète : « L’amour est
cette chose intouchable dont on ne parle que bouche obstruée sous
combien d’étages de terre. Il n’y a pas de tiroir secret, il n’y a pas de
registre sombre qui rende compte de ce qu’il est, ce paria des réalités
satisfaites. L’amour est un sentiment.
Et c’est tout
. Non. Le corps pas-
sionnel de l’homme ne se complaît plus au roi de Thulé. Trop d’amantes
m’ont fait cocu pour que je puisse croire que ce sentiment existe encore.
Et je ne dis pas hors chez elle, hors son vieil habitacle à elle, à Madame
la Poésie. Car j’interdis à la Poésie de receler encore l’infidèle »… Il
s’oppose au légendaire Roi de Thulé de Nerval, imaginant que le roi lui
envie sa diabolique « machine de rouille, aimantée entre le sang et la
merde d’être, appelée
sexualité
» : « C’est en désespoir de l’amour
que tous les vieux singes dans le Ramayana, inventèrent la machine
obtuse, la vieille boîte d’humus caca, appelée sexe, anus et ça. Ça
quoi ? La langue de gouine en pente, qui dans les soupentes de
l’esprit frétille au-dessus de cela. Le désir du magma : Ka-Ka. Et
que le souffle, de Ka en Ka, finisse par étrangler la Vierge. Et après
cela on verra »... En post-scriptum : « Mais il faudra beaucoup
de sang pour assainir la boîte à merde, lavée non de merde mais
d’amour-dieu. C’est le vieux chipoteur du Sinaï qui a répandu l’amour
essence mais comment n’a-t-on jamais pensé que fricoter dans les
essences (infinitésimaux de principe, principes, embryons, larves
du magma) c’était faire entrer tous les microbes qui sont les prurits
d’esprit, truies, escarbilles de la vie »…
2 800 - 3 000 €
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