ADER. Paris. Femmes de lettres et manuscrits autographes - page 395

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12 janvier [
1916
]
. Longue lettre sur leur amitié, sur l’horreur de la guerre, et ses profondes condoléances pour le fils mort au
combat : « L’amitié reste la seule douceur permise à ceux qui pleurent l’absent qui ne reviendra pas, et l’absent qui reviendra...
peut-être ! Chacun de nous ne vit plus dans sa propre vie et ne sait plus regarder qu’au loin [...] Toutes les valeurs morales sont en
train de se renverser. La guerre que des brutes et des sots déclaraient divine, ou tout au moins
utile
! – décomposera le monde et
détruira pour longtemps l’édifice lentement élevé [...]. La bête féroce s’est réveillée au fond du civilisé ». Les soldats ont changé, et
elle a entendu des récits d’atrocités abominables : « Voilà ce qu’a fait la guerre, par sa longueur plus dangereuse que son horreur
même, et qui sait voir la réalité déformée par la légende du conventionnel optimisme de la presse, n’a pas lieu de se réjouir. La
guerre est le plus grand des maux. Elle est laide, immonde et diabolique »...
Salonique 8 [août]
. En tournée de conférences à
Salonique, elle rentre en France la semaine suivant, le cœur bien triste, pour aller embrasser son fils qui va être incorporé. « Je
partirai la conscience satisfaite, car j’ai travaillé ici à une tâche que j’ai été
seule
à faire. La propagande française n’existe pas. [...]
J’ai fait douze conférences dans les écoles, hôpitaux, dépôts, etc. J’ai collaboré à quelques journaux et n’ai pas mesuré mon effort.
Je rapporte un volume de notes. Voilà trois mois bien employés »...
Salonique 23 août
. Elle a finalement prolongé son séjour : « la
crise actuelle est extrêmement intéressante à suivre et [....] des événements importants peuvent arriver d’ici quelques jours »...
26 septembre
. Elle a fait bon voyage et a eu le bonheur de pouvoir embrasser son fils : « Il est le plus gentil petit soldat qu’on puisse
imaginer, mais il a l’air d’un enfant déguisé en militaire ». Elle a vu D
OUMIC
« qui va publier bientôt mes notes, et B
ERTHELOT
à qui
j’ai rendu compte de ma mission »...
10 décembre
. La disparition du
Sufffren
et de tout son équipage lui a causé une vive douleur,
« ce drame maritime est enveloppé d’un tel mystère qu’il apparaît plus effrayant. Paris est triste et nous vivons des jours d’angoisse
[...]. Nous voici à un point critique de la guerre », mais il faut garder confiance...
6 juillet 1924
. Elle évoque le terrible accident qui a failli tuer sa fille, la vie avec sa vieille mère, le prochain mariage de sa fille,
son futur gendre, etc.
3 janvier
1925
. Avec ses vœux, elle lui envoie un conte dédicacé,
La Sirène
: « Je ne vous avais pas parlé de mon petit conte,
voulant vous laisser la surprise de cette dédicace, qui est une faible marque de notre grande amitié.
La Sirène
paraîtra dans un
volume qui aura pour titre
Histoires de l’autre monde
»...
11 mai.
Elle ne partira à Toulon qu’après avoir terminé la longue nouvelle
dont elle lui a parlé, « et que vous-même m’aiderez à mettre au point. Il y est beaucoup question de Toulon et de Bormes, c’est une
histoire amoureuse et triste – l’histoire de gens qui sont faits pour s’aimer, qui s’aiment, qui ne savent pas qu’ils s’aiment et qui
s’en aperçoivent au moment de se séparer – trop tard ! »...
23 septembre
. Elle marie sa fille, fait des projets de vacances, etc. « Mon
Drame de famille
a beaucoup plus de succès que je ne l’avais espéré. Cela vient à propos, au moment d’un mariage. Mais je n’y
pense déjà plus et je suis toute au prochain livre »... Etc.
O
N
JOINT
un poème autographe (incomplet, au crayon) ; un relevé de ventes de Flammarion pour
Le Bouclier d’Alexandre
(1939) ;
et divers documents, dont une carte d’invitation à ses vendredis rue du Cherche-Midi.
751.
Sibylle-Gabrielle-Marie-Antoinette de Riquetti de M
IRABEAU
, comtesse Roger de M
ARTEL
, dite GYP
(1849-
1932) romancière.
2 lettres autographes signées « Mirabeau Martel », [Neuilly] mars-novembre 1915, au commandant C
AZANAVE
;
21 pages petit in-4 et 28 pages in-8, enveloppes.
500/700
T
RÈS
LONGUES
ET
VIVANTES
LETTRES
SUR
LA
G
RANDE
G
UERRE
.
8 mars
. Elle se réjouit que son fils Thierry [de M
ARTEL
] ait eu la Croix « pour les journées de la Marne et pour avoir sauvé, sous
le feu, les blessés de la ferme de la Tour incendiée ». Il est maintenant chirurgien à Chaptal, transformé en annexe du Val-de-
Grâce... Elle revient sur les causes et les origines de cette guerre : l’armement de l’Allemagne par l’Empereur, le rôle de l’Archiduc
d’Autriche François-Ferdinand, « dont la seule pensée était l’écrasement des Français, parce que révolutionnaires, mauvais
catholiques » ; tous deux, souhaitant « une Allemagne énorme et envahissante », ont cherché un prétexte pour déclencher la guerre ;
elle ignore lequel, mais « ce n’était certainement pas l’assassinat de François-Ferdinand ! [...] Et quand, à la fin de juin, ce pandour
et cette intrigante avaient été assassinés – par les Hongrois ! – je m’en étais réjouie doublement, d’abord parce qu’ils me faisaient
horreur, et
surtout
parce que je croyais que la guerre allait être enrayée de ce fait. Le 26 juillet, je ne voulais pas encore y croire !...
Et puis, nous avons assisté à ces grotesques incidents de Paris, [...] et à cette merveilleuse mobilisation, sans un accroc, sans une
défaillance »... Elle relate avec humour la rencontre,
le 5 septembre, au pont de Neuilly, d’un vieux
laitier qui lui a dit avoir « rencontré les Z’Uhlans à
Argenteuil » !... Elle-même a vu les Allemands, « tant
en Normandie, pendant la guerre [de 1870], qu’en
Lorraine, pendant l’occupation, du 14 septembre 70
à la fin d’août 73 !... Et c’était dur à avaler ! Pendant
huit jours, à partir de cette rencontre, j’ai été tout
à fait le “cochon de pessimiste”. Le 13, quand les
communiqués sont arrivés, que j’ai vu l’ordre du jour
de J
OFFRE
, la victoire, la lettre à l’armée, j’ai pensé que
puisqu’on les avait battus une fois, (les Allemands),
on pouvait les battre toujours. Et je suis devenue
l’optimiste à tout crin, qui ne veut rien savoir. Il me
semble d’ailleurs que ça marche de façon inespérée,
en Champagne, sur mer, partout ! ». Elle est, devant
les grands chefs militaires, « en état d’admiration,
de confiance, et d’humilité – avec, toutefois, une
sympathie spéciale et spontanée pour F
OCH
, que je ne
connais pas plus que les autres »...
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