ADER. Paris. Femmes de lettres et manuscrits autographes - page 388

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Sa lettre l’a touchée profondément. En elle, ils ont rencontré une personne dont la vie spirituelle ressemble tant à tout ce qu’ils
chérissent, qu’ils se sont sentis aussitôt à l’aise avec elle… Elle se félicite de voir que sa correspondante commence à croire à ses
forces ; elle espère que sa visite à Iasnaïa Poliana y a été pour quelque chose… Aujourd’hui Léon Nicolaievitch [T
OLSTOI
] est parti
avec Tania et Liova pour la province de Ryazan pour voir quelle aide ils peuvent y apporter dans l’année à venir [pour pallier
la famine, à la suite de récoltes désastreuses]. Dès leur retour, elle partira avec les garçons pour Moscou. Leur vie est à présent
perturbée. Mais Léon Nicolaievitch devrait vivre avec les petits et avec leurs filles à la campagne, autant que possible…
Vente 1
er
-2 avril 2004
(n° 316).
740.
Caroline R
ÉMY
, dite SÉVERINE
(1855-1929) femme de lettres et journaliste, révolutionnaire
et féministe, amie de Jules Vallès.
9 lettres autographes signées « Séverine », 1892-1925 et s.d. ; 12 pages in-8.
400/500
20 décembre 1892
. Demande de places pour un spectacle. – Elle
convie son correspondant à venir la voir le soir vers dix heures :
« J’aurai fini mon article de
L’Éclair
, tandis que je dînerai – car j’en
suis réduite à dîner à ces heures-là ! »...
14 mai 1897
. « Le prix de mes
articles est, aujourd’hui, de trois cent francs. C’est ce que me les
paie le
Journal
et je ne supposais pas le
Gaulois
moins riche »... Un
éventuel rabais ne saurait « excéder l’ancien taux de mes chroniques
chez lui, soit 175 frs »...
17 juin 1901
. « Quand vous viendrez, vous
serez la bienvenue – comme vous êtes la bien-espérée »...
1
er
mars
1905
, remerciant pour un article dans
Le Temps
sur Jules V
ALLÈS
et
G
ORKI
: « Je suis gênée pour vous dire ce que j’en pense ; peut-être
qu’un mot suffira : on ne se venge pas plus noblement »...
1907
, à Jules C
LARETIE
.
31 janvier
. Elle donnera une conférence
le 16 février au Gymnase sur la poésie féminine contemporaine :
« Mon désir est que ce soit, pour celles dont je parlerai, une belle
apothéose littéraire ». Elle aimerait avec le concours de « quelques-
unes de vos pensionnaires »...
4 février
. Elle rectifie : « Ce n’est
pas le théâtre du
Gymnase
qui organise la chose ; il s’agit d’une
conférence privée, d’une manifestation vraiment extraordinaire en
l’honneur du génie poétique féminin ». Et elle dresse la liste des
poétesses (de Tola Dorian et Judith Gautier à Hélène Picard) et des
comédiennes (de Marthe Mellot à Mme Le Bargy) qui les liront...
14 mai 1907,
à M. H
OUDIN
: « La bonne compagne de vingt-trois
ans de ma vie, la chère et bonne fille qui m’avait donné tout son
cœur et tout son dévouement vient de mourir. C’est vous dire
quelle est ma peine et mon désarroi »...
Pierrefonds
12 octobre 1925
,
à une collègue et amie, signalant quelques ouvrages pour un prix
littéraire, dont
La Beleba
d’Emmanuel B
OURCIER
...
Vente 4 octobre 2005
(n° 159).
741.
Isabelle EBERHARDT
(1877-1904) romancière, voyageuse et journaliste d’origine suisse, elle vécut et mourut en
Algérie à l’âge de 27 ans ; elle y avait épousé (1901) Slimane Ehnni.
M
ANUSCRIT
autographe,
Bled-el-Attar
; 2 pages in-fol. avec quelques ratures et corrections.
4 000/5 000
R
ARISSIME MANUSCRIT DU DÉBUT D
UNE NOUVELLE
, très différent du texte portant le même titre,
Bled-el-Attar (La Cité des parfums)
,
recueilli par Victor Barrucand à la fin de
Dans l’ombre chaude de l’Islam
(Fasquelle, 1906).
Émouvante histoire d’une jeune prostituée mauresque des bas-fonds de Bône : « Mannoubia était la fille d’une veuve, Khadoudja,
qui vendait le pain sur le marché arabe de Bône ». À la mort de sa mère, la petite « alla mendier, dans les rues. Mannoubia était
gracieuse. Son visage un peu bronzé par le soleil était d’une grande pureté de traits et, dans son regard, il y avait quelque chose de
déjà conscient, de déjà femme, qui troublait. Un soir, elle rencontra Téboura [...] une vieille Mauresque dont la fille, pendant dix
ans, avait affolé les jeunes Musulmans de Bône et de Constantine. Puis, la fille était morte […] Dans cette âme étrange, faussée,
d’où le sens moral semblait absent, il y avait des trésors d’amour et de bonté... Et, cependant, toute sa vie s’était écoulée parmi les
courtisanes Mauresques, dont l’existence est comme voilée de mystère, qui gîtent en des maisons d’aspect farouche [...] Servante
d’abord, puis duègne, Téboura avait aimé ces femmes, d’un amour de mère... [...] Maintenant que sa fille était morte, la pitoyable
vieille souffrait de sa solitude et de son abandon »... Lorsqu’elle rencontra Mannoubia, elle l’adopta et celle-ci devint courtisane :
« Sa beauté avait quelque chose de mystérieux, d’indéfinissable, et, en même temps, de voluptueux jusqu’à l’angoisse ». Mannoubia
était fantasque, folle de joie puis profondément dépressive, prostrée : « Parfois elle renvoyait tout à coup les plus riches et les plus
généreux d’entre ses amants, et recherchait l’amour brutal des soldats et des portefaix »... Elle crut tomber amoureuse, quitta la
ville pour une grande ville arabe, puis sombra dans l’ennui : « Elle était, à dix-huit ans, presque riche déjà et, un jour, elle dit à
Téboura : – Je vais mourir de langueur, tante Téboura. Nous sommes riches. Invente un moyen de me distraire ! ». Le récit s’arrête
ici.
O
N
JOINT
une carte postale de la tombe d’Isabelle Eberhardt à Aïn-Sefra, au dos de laquelle le Dr Chobaut a relevé l’inscription,
le 15 mai 1923.
Les Neuf Muses, 2004
.
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