300
537.
George SAND
(1804-1876).
M
ANUSCRIT
autographe signé « Victor Borie, ex-vidangeur »,
Premier Nohant
, Nohant [novembre 1847 ?] ; 1 page
in-fol.
1 200/1 500
538.
George SAND
(1804-1876).
Lettre autographe signée « George Sand », Nohant 18 janvier 1854, à C
HAMPFLEURY
; 8 pages in-8 à l’encre bleue.
3 000/3 500
T
RÈS
INTÉRESSANTE
ET
LONGUE
LETTRE
SUR
LA
POÉSIE
ET
LA
MUSIQUE
POPULAIRES
. [Champfleury a publié dans la
Revue de Paris
du
15 novembre 1853 une « Lettre à M. Ampère touchant la poésie populaire » (reprise en 1857 dans
Le Réalisme
), au sujet du comité
présidé par Jean-Jacques Ampère pour publier un « Recueil des poésies populaires de la France ».]
Elle ne veut pas avoir l’air de « critiquer l’œuvre entreprise », et, en ce qui concerne le Berry, « il y aurait un rude travail à faire,
rien que pour retrouver la véritable version littéraire et musicale d’une seule de nos admirables chansons. […] J’ai vu C
HOPIN
, un
des plus grands musiciens de notre époque, et Mme Pauline V
IARDOT
, la plus grande musicienne qui existe, passer des heures à
transcrire quelques phrases mélodiques de nos chanteuses et de nos sonneurs de cornemuse. Ce n’est donc pas si aisé qu’on croit
[…] À bien prendre, l’œuvre est quasi impossible, et pour des chants très anciens, où les versions varient à l’infini, il eût fallu
qu’un homme comme Meyerbeer ou Rossini fût chargé, et eût bien voulu se charger de suppléer par la logique de son génie (le
seul juge sinon infaillible, du moins compétent en pareil cas) à des lacunes et à des incertitudes graves. Très peu de chants ayant
une valeur originale et une ancienneté établie, sont complets aujourd’hui, paroles et musique. Il s’agissait, au moins parmi ceux-
là, de choisir des types, et en cela encore, il fallait le sens du génie. […] Vous avez encore raison pour l’impossibilité de certaines
traductions. Ce n’est pas seulement l’harmonie qui échappe aux lois de la musique moderne, c’est le plus souvent la tonalité ».
Sans parler de la gamme chinoise ou indoue, « nous avons au cœur de la France, ici et en Bourbonnais, la tonalité des cornemuses
qui est intraduisible. L’instrument est incomplet, et pourtant le sonneur sonne en majeur et en mineur sans s’embarrasser des
impossibilités que lui présenterait
la loi
. Il en résulte des combinaisons mélodiques d’une étrangeté qui paraît atroce et qui est
peut-être
magnifique. Elle me paraît magnifique à moi ! »…
A
MUSANT
PASTICHE DU
STYLE
SOCIALISTE
SUR
LA VIE À
N
OHANT
,
qui semble
INÉDIT
.
[George Sand pastiche le style du journaliste socialiste
Victor B
ORIE
(1818-1880), rédacteur en chef de
L’Éclaireur
de l’Indre
, journal d’opposition fondé par George Sand et les
républicains du Berry ; il exerça les fonctions de secrétaire
de George Sand et devint son amant. À Nohant, il écrivit
un ouvrage intitulé
Travailleurs et prolétaires
, que préfaça
George Sand.]
« La situation se prolonge infiniment. La question sociale
s’agite en vain au foyer de la famille. L’économie extérieure
n’en éprouve aucun retentissement. C’est en vain que des
hommes politiques, chers au pays, des hommes éminens
par leur travail et leur dévouement à la cause, un B
ORIE
,
un F
LEURY
, un P
LANET
, s’essayent à ranimer l’esprit public
dans ces âmes engourdies par des questions de ventre. Des
artistes, des hommes de personnalité étroite et envieuse,
des limaçons accroupis dans la carapace de l’égoïsme,
les L
AMBERT
, les Maurice [S
AND
], les Titines [Augustine
B
RAULT
], les George S
AND
(écrivain sans conviction et sans
portée), les M
ARQUIS
(chien sans croyance et sans pudeur), les
H
ETZEL
, vagabond politique, éditeur sans caractères et sans
responsabilité morale, un ramassis de misérables engraissés
par le budget et le monopole de la lêchefrite, persistent
à décrier notre famille et à étouffer dans l’atmosphère
infecte des retraits, les idées saines dont elle est l’organe.
Combien de tems la providence verra-t-elle avec inertie les
scandales amoncelés par cette coterie impudente, ces fronts
qui ne rougissent plus, ces estomachs qui ne désemplissent
point ? Nous l’avons dit, nous le disons chaque jour, nous
le dirons jusqu’à ce que notre voix ait obtenu justice, il
faut que la conscience du pays se soulève de dégoût devant
ces impuretés et qu’elle expectore ces alimens boueux et
délateurs dont on l’a trop longtemps gorgée ainsi que d’une
vidange intellectuelle et morale ». Elle signe : « Victor Borie,
ex vidangeur ».
Vente 6 juin 1963
(n° 97).