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ACADÉMIE FRANÇAISE

que d’estre provoqué avec des injures, et

accusé d’incivilité et d’ingratitude, je ne me

fusse jamais resolu à vous rien escrire sur

vostre courageux ouvrage, dans la crainte

qu’en vous remerciant du bien que vous y

dittes d’elle ou plustost de moy, il ne sem-

blast que j’en demeurasse d’accord et que je

receusse vos louanges sous couleur de les

refuser. Vous scavés, Mademoiselle, qu’il y a

une modestie ambitieuse, qui est pire que la

vanité descouverte, et vous ne voudriés pas

que je fisse jamais rien qui m’en peust faire

justement soupçonner. Cette consideration

est la vraye cause de mon silence, car pour

ma gratitude vous ne l’avés peu ignorer si

Mons

r

CONRART s’est acquitté de ce qu’il

m’avoit promis, ce que je ne puis croire qu’il

ait oublié. Mais, Mademoiselle, puisque vous

en faittes l’ignorante afin de me mortifier, je

vous diray icy que la reconnoissance que j’ay

de cette faveur ne scauroit estre plus grande

ny pour l’interest de la Pucelle ny pour le

mien, et que j’estime a un point les belles et

rares choses que vous avés voulu dire sur

nostre sujet, que je ne suis plus en peine de

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CHAPELAIN Jean

(1595-1674) poète

;

membre fondateur

de l’Académie

française, où il joua un rôle

important, en rédigeant notamment

ses statuts [AF 1634, 7

e

f].

L.A.S. « Chapelain », Paris 17 juillet

1647, à Mademoiselle de

SCUDÉRY

à

Marseille ; 3 pages in-4, adresse avec

petits cachets de cire rouge sur lacs

de soie rose (portrait gravé joint).

1 000 / 1 500 €

Sur son poème héroïque

La Pucelle, ou la

France délivrée

, dont Mlle de Scudéry a

pris la défense

.

« Il ne falloit pas moins que d’aussy grands

reproches que ceux que j’ay leus dans

la derniere de vos lettres a Mad

lle

Paulet,

pour m’obliger a vous rendre graces par les

miennes du glorieux combat que vous avés

fait pour l’honneur de ma Pucelle. A moins

sa reputation ny de la mienne, et que quand

ce que j’ay essayé de dire de sa vertu et de

sa valeur devroit perir devant moy mesme je

ne laisserois pas d’esperer de voir sa gloire

conservée dans ce que vous en avés escrit,

et mon nom consacré à l’immortalité, par ce

que vous l’y avés daigné enchasser. Aureste

je ne respons rien sur la passion, à laquelle

vous imputés si galamment mon silence, et

je laisse cela à faire à Mad

lle

Robineau, a qui

je pourrois egallement desplaire, en l’avoüant

ou en la desavoüant. C’est une Personne trop

parfaitte pour qu’on mette en doute qu’elle

ne peust faire une conqueste beaucoup plus

difficile encore, et d’un autre costé elle est

trop severe pour ne trouver pas mauvais

qu’on se confesse son esclave »…

Il remercie le frère de sa correspondante

(Georges de SCUDÉRY) « de son souvenir et

du beau et genereux sonnet dont il m’a jugé

digne dans le petit nombre de ceux quil en

a voulu gratifier en cette Cour ».

L’Académie française au fil des lettres

,

p. 38-41.

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