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16

les collections aristophil

855

BARBEY D’AUREVILLY Jules

(1808-1889).

MANUSCRIT

autographe signé

« J. Barbey d’Aurevilly »,

Lettres à

la Princesse par Sainte-Beuve

,

[1873]

; 2 pages in-fol. découpées pour

l’impression et remontées.

2 500 / 3 000 €

Sur la publication des lettres de

SAINTE

-

BEUVE

à la Princesse

MATHILDE

.

Cet article sur les

Lettres à la Princesse

de SAINTE-BEUVE (Michel Lévy, 1873) a

paru dans

Le Gaulois

du 13 avril 1873 sous la

rubrique « Essais critiques sur les hommes et

les choses du jour », et fut recueilli dans

Der-

nières polémiques

(Savine, 1891). Le manuscrit

est écrit à l’encre noire, avec quelques lignes

écrites en rouge.

C’est une sévère critique, pleine d’esprit et de

verve, contre cette publication : « ces lettres

sont... mauvaises. Elles sont insignifiantes &

mal tournées et ne feront aucun honneur à la

mémoire de Sainte-Beuve ». Elles n’auraient

jamais dû sortir de leur tiroir, mais le légataire

(Troubat, le secrétaire de Sainte-Beuve) a

voulu « faire de ces petits papiers, de petits

écus pour mettre dans le petit boursicot ».

Sainte-Beuve n’est pas dans ces lettres, « le

Sainte-Beuve de ses livres, qui y met donc

tout, dans ses livres, pour qu’il ne lui reste

absolument rien à mettre dans ses lettres,

car il n’y a rien, absolument rien, que l’em-

barras de les écrire pendant qu’il les écrit

[...] Elle sont lourdes et pataudes [...] Qui me

l’aurait dit, je ne l’aurais pas cru ! Comment

Sainte-Beuve ? Oui, Sainte-Beuve, faisant,

en lettres, un pareil

fiasco

! Des lettres, c’est

si charmant & c’est si facilement charmant !

Pourvu qu’on ait un peu d’entrain, un peu

de grâce, un peu de vie, on écrit toujours

bien une lettre ! On tourne toujours bien un

billet, – un pauvre petit amour de billet, qui

fait la pirouette et s’en va ! Et quand c’est

à une femme qu’on écrit ! Et quand cette

femme est une princesse ! Et quand cette

princesse est celle que vous savez et à qui

écrivait Sainte-Beuve ! N’y avait-il pas là une

inspiration, toute une source de coquetteries

pour l’homme le moins soucieux de plaire et

pour rendre cet homme heureux bien sédui-

sant à bon marché !... » Mais Sainte-Beuve

n’est « que respectueux et c’est tout, mais

monotone et de petite bourgeoisie dans les

formes de son respect », restant sur le bord

de sa chaise en brossant son chapeau de sa

manche. Qu’on songe à Voltaire qui savait

« de cette plume osée et légère » enlever

les princesses, « même vertueusement »...

Sainte-Beuve a « la gaucherie immémoriale

du professeur ». Il avait été pourtant un temps

« homme du monde » ; Barbey l’avait vu « en

habit bronze » et « ses cheveux aventurine,

et galantisant chez la princesse Belgiojoso

[...] Mais l’habit noir du professeur avait suc-

cédé à l’habit bronze du Dandy [...] L’amour

est un grand rabâcheur. L’embarras aussi ».

Que la Princesse a dû s’ennuyer à lire ces

lettres, à « supporter avec sourire l’ennui

que lui

crachinait

incessamment Sainte-

Beuve dans la petite pluie de ses lettres »...

Et Barbey de conclure : « Comme Epistolier,

Sainte-Beuve est donc absolument Nul. [...]

cette publication est tout à la fois impudente

& honteuse »...