212
les collections aristophil
516
PROUST Marcel (1871-1922).
DESSIN original, [
Deux personnages
du faubourg Saint-Germain
, adressé
à Reynaldo HAHN] ; encre et plume,
10, 5 x 16, 5 cm (encadrement sous
verre).
8 000 / 10 000 €
Dessin à la plume fait pour Reynaldo Hahn
.
Nathalie Mauriac Dyer a signalé
« l’importance du corpus, partiellement
publié des “dessindicaces” [...] c’est ainsi
que Proust appelait parfois les dessins qu’il
dédiait à Reynaldo Hahn, et où, à travers le
décalque, puis le détournement d’illustrations
[...], il manifestait déjà en toute liberté son
goût du pastiche, voire de la profanation «
(article « Dessins », in
Dictionnaire Marcel
Proust
, Champion, 2004, p. 298).
Le dessin représente une femme élégante en
buste, de face ; à ses côtés, un homme en
habit de profil, monoclé, semble lorgner vers
son décolleté. On peut penser à la princesse
de Guermantes et au marquis de Palancy au
théâtre, dans
Le Côté de Guermantes
: « Le
marquis de Palancy, le cou tendu, la figure
oblique, son gros œil rond collé contre le
verre du monocle, se déplaçait lentement
dans l’ombre transparente et paraissait ne
pas plus voir le public de l’orchestre qu’un
poisson qui passe, ignorant de la foule des
visiteurs curieux, derrière la cloison vitrée
d’un aquarium. Par moment il s’arrêtait,
vénérable, soufflant et moussu, et les
spectateurs n’auraient pu dire s’il souffrait,
dormait, nageait, était en train de pondre ou
respirait seulement. […] Cependant, parce que
l’acte de
Phèdre
que jouait la Berma allait
commencer, la princesse vint sur le devant
de la baignoire ; alors, comme si elle-même
était une apparition de théâtre, dans la zone
différente de lumière qu’elle traversa, je vis
changer non seulement la couleur mais la
matière de ses parures. Et dans la baignoire
asséchée, émergée, qui n’appartenait plus au
monde des eaux, la princesse cessant d’être
une néréide apparut enturbannée de blanc
et de bleu comme quelque merveilleuse
tragédienne costumée en Zaïre ou peut-
être en Orosmane ; puis quand elle se fut
assise au premier rang, je vis que le doux nid
d’alcyon qui protégeait tendrement la nacre
rose de ses joues était, douillet, éclatant et
velouté, un immense oiseau de paradis ». Ce
dessin pourrait aussi évoquer l’atmosphère
d’un salon proustien.
Les lettres illustrées de Proust à son ami le
compositeur Reynaldo HAHN (1874-1947),
entrées en possession de Marie Nordlinger,
cousine de Reynaldo Hahn et amie de Proust,
furent publiées par Philip Kolb en 1956, puis
dispersées lors d’une vente aux enchères à
l’Hôtel Drouot à Paris les 15 et 17 décembre
1958.
Reproduit dans Philippe SOLLERS,
L’Œil de
Proust. Les dessins de Marcel Proust
(Stock,
1999, p. 73).
Ancienne collection Pierre et Franca
BELFOND (14 février 2012, n° 97).