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les collections aristophil

512

PROUST Marcel (1871-1922).

L.A.S. « Marcel Proust », [26 mars

1908], à Louis d’A

LBUFERA

 ; 7 pages

in-8 (petit deuil, cachet de réception,

traces d’encre à la 1

ère

page, petits

trous d’épingle).

5 000 / 6 000 €

Belle lettre parlant de ses pastiches, de

son projet de roman, et de l’entrée de Zola

au Panthéon

.

Il n’a pu passer dire adieu à son ami avant

son départ, mais le verra peut-être samedi

chez les

SAUSSINE

, s’il se sent assez bien

pour sortir. « Mais je viens de passer des

jours et des nuits de crises si affreuses que je

n’ose faire de projets ». Ses actions en bourse

l’inquiètent, et il pense revendre « notre

pauvre Rio Tinto […] Qu’en penses-tu, grand

financier ? As-tu vu que dans mes pastiches

du

Figaro

j’ai parlé de ma déconfiture avec la

De Beers ? »… Il se souvient qu’un serviteur

de Louis était parent avec un télégraphiste :

« Dans ce cas tu pourrais m’être utile car

pour quelque chose que j’écris j’aurais besoin

de connaître un télégraphiste ». Il pourrait

certes demander à ceux qui lui apportent

les dépêches, mais « dans mon quartier ce

sont tous des enfants en bas âge incapables

de donner l’ombre d’un renseignement.

Mais les renseignements […] ne me suffisent

pas ; c’est surtout de voir un télégraphiste

dans l’exercice de ses fonctions, d’avoir

“l’impression” de sa vie »... Il demande des

nouvelles de son cousin le duc de

TRÉVISE

,

qui s’était blessé. On lui a rapporté « des

paroles fort peu gentilles pour moi. Cela

n’empêche pas que moi je reste toujours

fidèle et affectueux. Je ne sais si tous tes

amis sont aussi nomades que les miens,

mais j’en ai en Chine, aux Indes, en Égypte,

en Tunisie, au Japon, partout Dieu merci

excepté à Paris ! Toi seul cher Louis serais

le bienvenu si nous pouvions nous joindre,

mais hélas une fatalité nous sépare ». Il lui

souhaite un bon séjour à Nice, espérant qu’il

ne soit pas malade comme l’an passé, et lui

donnant des conseils médicaux : « Il m’est

impossible d’y aller en cette saison de fleurs

et de parfums »... Il trouve « l’envoi de

ZOLA

au Panthéon stupide », mais n’approuve

pas l’initiative du duc de

MONTEBELLO

,

dont la pensée n’est « pas très heureuse »

[ce dernier avait protesté contre l’entrée de

Zola au Panthéon, aux côtés de son ancêtre

le maréchal Lannes dont il voulait faire retirer

le corps]. Proust s’amuse : « J’avais peur

de voir ton nom dans les journaux, car ne

sachant pas si le maréchal

SUCHET

était au

Panthéon je craignais que tu imites l’initiative

du duc de Montebello. […] Il est vrai que

n’ayant aucun des miens au Panthéon je ne

peux pas être juge »…

Correspondance

(éd. Ph. Kolb), t. VIII, p. 76.