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les collections aristophil
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POULET-MALASSIS Auguste
(1825-1878).
L.A.S. « A. PMalassis », 22 mai 1860,
à son ami Ernest DAUDET ; 4 pages
in-8.
500 / 700 €
Intéressante lettre sur ses publications et
sur Baudelaire
.
Il le félicite de voyager chez les Sarmates, et
à Rome ; lui-même est si accablé de travail
qu’il n’a même pas eu le temps de lire sa
brochure. « Parmi les derniers livres que
j’ai publiés celui qui a eu le plus [de] succès
est d’un de vos co-religionnaires (je crois
que cela se dit encore) politiques, M. de
LESCURE.
Eux et elles
, c’est une critique très
nerveuse et très pénétrante de trois livres
de M
mes
Sand Colet et de Paul de Musset.
Nous sommes à la 2
e
éd. et elle s’écoule
assez rapidement pour mener peut-être à
une troisième. Je crois que vous connaissez
l’auteur. Il est fort de mes amis. Je constate
de plus en plus que la vie n’est absolument
douce et les relations tout à fait charmantes,
qu’avec les gens bien élevés qui ne pensent
pas comme nous. Je l’attends à Alençon
ces jours-ci et nous allons battre le fer de
sa réputation pendant qu’il est chaud, avec
un autre petit livre
trompette
.
La Cuisine des
journaux en 1860
.
Je viens de publier aussi un livre de
BAUDELAIRE.
Les Paradis artificiels. Opium
et haschish
. C’est une étude très curieuse
des effets de ces excitants, écrite comme
on pouvait l’attendre du traducteur de
Poë. Cela a paru il y a 8 jours seulement
et les journaux n’en ont pas parlé. Je n’en
ai encore aucune nouvelle comme effet,
qu’une lettre ahurissante de FEYDEAU.
Vous savez que décidément ce personnage
d’invention récente, remplace tout à fait M.
de Salvandy, comme sottise éclatante, et
même le distance. Paris est présentement
rempli d’anecdotes sur son compte qui
passent le croyable comme autolâtrie. Je
compte voir éclater la bombe un de ces
jours dans les petits journaux et elle sera
terriblement chargée si on y met le quart
de ce que j’entends raconter »…
Enfin il est aussi en affaires avec Philoxène
BOYER, pour une « grosse affaire », la
traduction du livre de CARLYLE sur la
Révolution française, « énorme besogne
que tout le monde a essayé de le détourner
de faire, tant elle paraît impossible, même à
ceux qui savent le mieux la langue anglaise
[…] Mais Boyer est brave, […] il aura rendu un
vrai service à nos historiens futurs »…
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PROUST Marcel (1871-1922).
L.A., [Salies-de-Béarn août 1886], à
sa grand-mère Mme Nathé WEIL ;
6 pages in-8 à en-tête et vignette
J. Biraben Hôtel de la Paix
.
5 000 / 7 000 €
Très amusante lettre de jeunesse de
Marcel Proust, écrite à l’âge de quinze
ans, évoquant ses lectures
.
[Grand-mère maternelle de Proust, Madame
Nathé WEIL, née Adèle Berncastel (1824-
1890), joua un rôle essentiel dans la formation
littéraire et musicale de son petit-fils. Le jeune
Marcel séjourne alors à Salies-de-Béarn où
sa mère est en cure.]
« Ma chère Grand’mère Je suis en ce moment
en proie à un sentiment très complexe et que
j’ai un peu honte d’analyser. 1° je suis très
triste que tu ne sois pas ici parce que…. 2°
très content parce que… » Il lui décrit ses
« gigantesques » repas et la « cuisine divine
et gargantuesque » de l’hôtel : « Ce matin (je
prends au hasard et j’ai moins englouti que
d’habitude) j’ai mangé un œuf à la coque
deux tranches de beefteack cinq pommes de
terre (entières) un pilon de poulet froid une
cuisse de poulet froid trois fois des pommes
cuites avec jus extraordinaire [...] Je t’en prie
ne montre cette lettre à personne ; on verrait
que le mangeur insatiable et raffiné y prime
ou au moins y compense le lettré délicat.
Mon cher Eugène qui croit que ma bouche
ne livre passage qu’à de doux ruisseaux de
miel attique la verrait avec effroi dévorer des
chairs succulentes ». Il évoque la « chaleur de
plomb », et la langue béarnaise à laquelle il
ne comprend rien, puis décrit les bœufs de
la région : « ils ont le corps jaune vigoureux
et splendide enveloppé dans une chemise
de toile brune comme dans un froc. Leur tête
seule sort et grave belle douce et résignée
avec deux yeux lustrés et tristes et une vaste
peau de bête recouverte de fougère leur
couvrent le crâne de là émergent deux cornes
magnifiques. Une vraie tête de Christ »…
Parlant alors de ses lectures et notamment du
Capitaine Fracasse
de Théophile GAUTIER
[que Proust évoquera dans la préface de
Sésame et les lys
], il se lance dans un
pastiche pour reprocher à sa grand-mère
de ne pas apprécier ce livre : « Ote moi
d’un doute / Avais tu bien Fracasse ? et sa
pure étincelle / N’alluma pas chez toi le feu
dont je ruisselle [...] Comment, admiratrice
surannée du Presbytère, comment abonnée
de la revue des deux mondes, comment
dévoratrice impitoyable d’abricots et de
cerises cuites, comment… “les termes effrayés
se dérobent sous moi” Tu n’as pas senti
tout ton estomac s’émouvoir à cette phrase