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les collections aristophil

465

HUYSMANS Joris-Karl

(1848-1907).

42 L.A.S. « JHuÿsmans », Paris et

Ligugé 1889-1903, [à Henri GIRARD] ;

environ 130 pages in-8, in-12 et in-16

(nom et adresse du destinataire

soigneusement effacés aux versos

des cartes-lettres, réparations à

une lettre), chaque lettre montée

sur onglets sur une feuille de papier

vélin fort, certaines sous fenêtre

découpée, page de titre calligraphiée

en rouge et noir, le tout relié en un

volume grand in-8 maroquin rouge

janséniste, dos à nerfs, filet doré

sur les coupes, bordure intérieure

de même maroquin orné d’un filet

doré et d’un listel de maroquin

bordeaux, doublures et gardes de

soie lie-de-vin, tranches dorées

(

Devauchelle

).

10 000 / 12 000 €

Intéressante correspondance à un ami

intime

.

Henri GIRARD, piètre acteur, qui jouait de

petits rôles dans de petits théâtres, fut pris

en affection par Huysmans en 1886 et, entre

ses tournées, devint un habitué des dîners

du dimanche soir de la rue de Sèvres. Il

rendit visite à Huysmans à Ligugé, et finit

par abandonner le théâtre pour acheter

une librairie rue Saint-Sulpice. Lors de ses

tournées théâtrales, Huysmans le conseille

dans ses visites : à Troyes, où il y a « des

églises curieuses », à Valenciennes et

Besançon où il verra « quelques tableaux

de primitifs allemands dans les musées », à

Berlin dont il vante l’admirable musée avec

des Botticelli et un Cranach, ou encore en

Grèce : « Tout le monde a déféqué la Grèce

et ses rastas qui vous possèdent. Je ne suis

nullement surpris de ce que vous me dites

de la dégoutation méridionale de ces lieux.

Il s’y joint d’insipides souvenirs classiques,

et le fantôme immonde, dans le moderne,

du Moréas »…

La correspondance s’échelonne entre 1889

et 1903 ; espacée et écrite de Paris d’abord,

elle s’étoffe ensuite à partir de l’installation

de Huysmans à Ligugé en 1899. Huysmans

y aborde, sur un ton très familier et sans

aucune retenue, les sujets les plus divers,

évoquant son entourage, ses séjours à

la Trappe, ses travaux littéraires, sa vie à

Ligugé, les événements politiques dans

le tumulte de l’Affaire Dreyfus, et la lutte

des catholiques contre le gouvernement

républicain et ses lois « scélérates » sur la

séparation de l’Église et de l’État, sur les

associations, etc. Il cite souvent les deux

commensaux de Girard, Georges LANDRY,

fidèle de Barbey d’Aurevilly et Huysmans, et

Gustave BOUCHER, bouquiniste sur les quais,

qui suivit Huysmans dans sa conversion

jusqu’à Ligugé. Il évoque aussi Lucien

DESCAVES, François COPPÉE, Gustave

GUICHES, Léon BLOY, Charles DULAC, pour

lequel il organise une exposition posthume en

1899 ; on peut également suivre ses démêlés

avec son éditeur Pierre-Victor STOCK. Il

évoque aussi quelques figures de femmes :

Anna MEUNIER, sa maîtresse, dont l’état ne

cesse de l’inquiéter et qui mourra folle ; Julie

THIBAULT la mystique, qui tint son ménage à

Paris mais qu’il refusa de faire venir à Ligugé ;

et « la Sol » (comtesse de GALOEZ), qui le

persécute et « pond des lettres de plus en

plus enflammées ». Sont aussi très présents

les ecclésiastiques qui l’ont accompagné

dans ses recherches documentaires puis

spirituelles : l’abbé BOULLAN, prêtre

occultiste ; l’abbé MUGNIER, qui l’oriente vers

la Trappe ; l’abbé FERRET, son confesseur ;

Dom BESSE, père abbé de Ligugé ; l’abbé

BROUSSOLLE, historien d’art ; Louis

LE

CARDONNEL

, poète religieux qu’il côtoie

à Ligugé.

Huysmans encourage Girard, en tournée à

Lyon (

1892

), à rendre visite à « l’ami Boullan »,

dont la mort suspecte lui causera ensuite bien

des tracas : « Si l’affaire Boulan est arrangée

dans la presse, elle ne l’est pas, du tout, dans

la vie privée » (

19 janvier 1893

). C’est alors qu’il

commence son cheminement vers l’oblature.

10 juillet 1893

 : après 8 jours passés « chez les

bons trappistes » où on l’a « traité comme un

ami et la règle si dure a été desserrée autant

que l’on a pu », il rêve de « pouvoir vivre ma

vie d’oblat à la Trappe. J’y serais à coup sûr

heureux et j’y aurais un bien extraordinaire au

moins, la paix de l’âme. Mais tout cela, c’est

des rêves ; il va falloir rentrer au bureau et

recommencer la fétide existence de tous les