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chose enfin qui me surmonte, – est un théâtre désert où le rayon qui pénètre par une porte, montre des formes grises au lieu de

pourpre et de prestiges. Je suis tout désaffecté, inerme […] livré sans défense à cette fureur impuissante, qui répond bêtement

à l’assaut quotidien de tous les événements incroyables et vrais. J’ai beau me dire que les événements ne sont que l’écume des

choses ; cette écume nous bat, nous veut couvrir »… Il a beaucoup travaillé, et de façon inhabituellement suivie. « Mais je suis

aussi loin des vers, aujourd’hui, que je l’ai jamais été, – c’est-à-dire, infiniment loin. Comment – pourquoi ? Mystères. Je suis

d’ailleurs, – et hélas, – tout aussi éloigné de toute autre application »… Il raconte un bombardement nocturne, avec femme et

enfants… Il encourage Viélé à faire cet hymne qui le hante…

Samedi [fin 1918 ?]

. Il compte publier le recueil de ses vers en

fin d’année… Il dit longuement son ennui de lire dans le

Mercure de France

des mots « perfides » : « L’auteur (évident) que je

croyais mon ami, a cru devoir me piquer personnellement à même la chair, et pas dans ma littéraire substance »... Il dit sa gêne

d’y sentir « un inexplicable parfum de mauvais gré à mon endroit. […] j’ai à plusieurs reprises ressenti je ne sais quel malaise,

quelle défaveur. Ainsi, en juin dernier, P. Louÿs a demandé de faire un article sur la

Parque

, et il a été refusé »…

30 décembre 1918

. Il n’a ni le temps ni la patience de lire, il s’occupe lui-même de son chocolat matinal : « Cigarette alors,

et la muse ! Mais muse qui a soixante à quatre-vingts minutes devant elle, qui a l’œil sur la pendule, et l’oreille plus ou moins

disputée par les rumeurs de l’immeuble qui s’éveille […]. La pendule, à l’heure fatale, assassine la Muse ; cache le cadavre dans

un buvard, m’enfonce un melon sur la tête, me met une canne à la main, et me jette à la porte. La journée est déclenchée ! Et me

voici Maître de moi, précisément comme de l’univers ! Eh bien, ce mécanisme devient presque supportable, quand les soixante

et quelques minutes sus-mentionnées ont été relativement favorables, exemples de désespoir et de résolutions farouches »…

Cap-Breton 28 septembre 1919

. Il se repose : « Tête rompue, nerfs en vrille, estomac etc. tel un bag-pipe mélancolique ». Il

se propose de venir chez Viélé à la Thomasserie, après Bayonne, Biarritz et Saint-Jean de Luz. « Mon temps se passe, entre

les averses, sur les sables de la mer. Je regarde les vagues avec une attention touchante. Elles sont admirables ici, et d’un

mécanisme de grand pianiste. Hauteur, volume, marbres de barre, accords plaqués sur un kilomètre de rivage et l’infinité des

détails infiniment variés »…

Paris 1

er

juillet 1920

. Il a couru au Colombier pour la générale de

Phocas 

: « je n’avais aucune

idée de l’effet dramatique de votre poème. Cet effet est pleinement obtenu. La simplicité des moyens, la pureté du langage, la

vérité poétique sans effort m’ont tenu très captif »…

La Graulet [septembre 1920]

. Il est « chez Mme Pozzi », et espère voir

Viélé sur le chemin de retour…

24 décembre 1920

. « Votre mot ce matin, si superbement affectueux, me remplit d’une espèce

intime d’orgueil, que vous seul, je crois, pouviez me faire connaître. […] Vos vœux, je les accepte comme un homme qui en a le

plus véritable besoin. – Hélas, je ne suis pas en bon point. Fatigué, et en somme las de bien des choses… de presque tout ! »…