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les collections aristophil
651
MIRBEAU OCTAVE (1848-1917)
Cinq lettres autographes signées adressées
à Claude MONET
[Kérisper par Auray, septembre 1887-mars 1888]. 4 pages
in-8 et 1 page in-12 avec adresse (petites fentes à une lettre).
1 000 / 1 500 €
Lettres de K
é
risper dans le Morbihan, où Mirbeau est venu achever
son roman
L’Abbé Jules
.
Il invite Monet à venir, après Rodin qui a été enthousiaste. Il voudrait à
son tour lui dire « tous mes dégoûts de moi-même, tout le halètement
de mon travail, pour un livre qui ne vaut certes pas, la plus rapide
de vos impressions. Moi aussi, allez, je suis bien malheureux. Et il
faudra que je me soulage une fois de toutes mes tortures. Cela me
fera peut-être du bien ».
Il enrage contre la candidature de Coquelin Cadet au dîner des Bons
Cosaques : « formez un petit groupe pour empêcher ce cadet de
passer. Prévenez Renoir, Helleu […] Arrangez-vous de manière à ce
qu’il soit blackboulé. Si malgré tout, il passait, je vous assure que je
ne remettrais plus les pieds aux Bons Cosaques ». « Rodin est admi-
rable ! À la campagne il se laisse aller à parler. Et il sait tout, mon
cher ami ! Et l’on est étonné des grandes et belles choses qu’il vous
dit. Je connais peu de plus belles âmes que la sienne. Devant lui,
tout mon orgueil tombe ; et je reste comme un Cabanel conscient,
devant un Velasquez ! ». « Quand venez-vous ? Le Morbihan vous
attend, admirable. Et puis, j’ai besoin de vous. Il y a un violet que je
ne puis attraper. J’ai beau faire toutes les combinaisons de couleur,
toutes les juxtapositions, toutes les superpositions de ton, impossible
d’y arriver ».
« Je vais reprendre mon roman qui doit paraître au Gil Blas le 20
décembre ; et rentrer au Figaro où j’ai fait tout ce que j’ai pu, mais
en vain, pour avoir la critique d’art. »
[Janvier 1888]
: « Où êtes-vous ? Dans le soleil ? Vous avez de la
chance. Moi, je ne suis dans rien. Je travaille comme un bagneux à
terminer mon stupide Abbé Jules. Et les transes ! Et les angoisses de
ne pas arriver. Je suis aux trois-quarts fous ! […] Ce pauvre RODIN !
Je crois bien qu’il est fâché avec moi. Et cela me fait de la peine. Je
lui ai écrit un mot à propos de sa décoration, lui disant qu’il restait
pour moi après sa décoration, ce qu’il était avant. Et que s’il était
content, j’étais content. […] Je serais désolé de perdre son amitié.
Ce que c’est pourtant que la décoration ! Et un grand bonhomme
comme lui, qu’est-ce que ça peut bien lui faire ? » Son livre est fini et
va paraître : « Je n’en suis pas content, malgré qu’à Paris, quelques
amis aient voulu me consoler. Je sens que c’est mauvais, déhanché,
que l’originalité, qui aurait pu y être, n’est pas sortie. Enfin, je ne suis
pas un homme de génie, pas même un homme [de] talent. Il faut me
résigner à ce que je suis … »
Il espère que Monet va rapporter de belles choses d’Antibes ; eux
sont dans la neige et le froid. Il a évoqué Gustave Geffroy, lui aussi
furieux des toiles détruites par Monet : « C’est un véritable meurtre !
Prenez garde d’avoir la folie du toujours parfait ! … ».
provenance
Artcurial, 13/12/2006