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les collections aristophil

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MAUPASSANT GUY DE (1850-1893)

Lettre autographe signée « Prunier »

Paris, 16 janvier 1874, 2 pages in-4 à l’encre brune sur un

feuillet de vélin ligné. Monogramme à l’encre rouge « M. »

dans un cœur en marge du texte. (Restauration).

1 500 / 2 000 €

Amusante lettre de jeunesse parodiant un arrêt de justice d’un

vocabulaire choisi.

« La majorité de l’Union

Attendu que le membre Roquetaillade a choisi lui-même le jour

de vendredi pour aller chez le [dénommé] Aubert qu’il était donc

parfaitement libre – et que s’il s’excuse aujourd’hui, son refus ne

peut provenir que de l’acceptation d’une invitation postérieure qui

lui paraît plus agréable :

[ligne ajoutée] ou d’un profond mépris de la réunion honorée de la

présence des membres de l’union

Attendu qu’un membre de l’Union ne doit pas manquer

A sa parole […]

Décrète –

Le membre Roquetaillade sera privé d’assister à la cérémonie du

samedi 17 janvier à savoir

la présentation à Joseph Prunier d’une femme colosse postérieure-

ment baisée emmanchée

par le membre Tomahawk qui désire la faire recevoir à l’Union et

faire admirer ses formes

nues et toutes unionesques au [mot manquant] Prunier.

Le lieu ou la dite cérémonie aura lieu sera [mot manquant] au membre

Roquetaillade …

communiqué au [dénommé] Aubert

comme réparation à l’outrage

à lui fait par le membre

Roquetaillade […] »

Cette lettre qui parodie un arrêt de justice a été signée du pseudo-

nyme de Joseph Prunier que Maupassant emploiera pour signer un

de ses premiers contes :

La main d’écorché

. Maupassant reproche

à son correspondant Roquetaillade de s’être « excusé », c’est-à-dire

d’avoir trouvé un prétexte pour ne pas se rendre à une réunion de

l’« Union de la majorité ». Circonstances aggravantes : le signataire

Prunier, c’est-à-dire Maupassant lui-même, a « refusé aujourd’hui

même une invitation à dîner chez une jeune et très jolie femme en

compagnie de deux auteurs célèbres ».

Roquetaillade sera puni en n’étant pas admis à une réunion prochaine

qui promet une attraction salace : « la présentation à Joseph Prunier

d’une femme colosse postérieurement baisée emmanchée par le

membre Tomahawk qui désire la faire recevoir à l’Union et faire admirer

ses formes nues et toutes unionesques au [mot manquant] Prunier. ».

Guy de Maupassant a pris l’habitude d’organiser des cérémonies

coquines sur les bords de Seine, du côté d’Argenteuil avec quelques

amis en galante compagnie dans le cadre d’associations éphémères

auxquelles il donne des noms farfelus. Il a ainsi créé l’Union des Cré-

pitiens. Mais cette lettre porte l’entête manuscrit d’une autre société

« L’Union de la majorité ». Elle est cosignée par des camarades de

bamboche eux-aussi dissimulés derrière des pseudonymes. On

reconnaît Henri Brainne, ami de l’auteur, derrière celui de Tomahawk.

Quant à Roquetaillade à qui la lettre est adressée, il s’agit vraisem-

blablement du paysagiste René Billotte.

Un montage a été fait par collage dans le coin supérieur gauche du

feuillet. Au verso figure la mention autographe à la mine de plomb

« dessin libre/coupé par/ un hypocrite ! » qui, compte-tenu de ce

qui précède, devait représenter une femme nue.