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n’y fait, au contraire tout cela excite la rage des méchants et l’homme de bien est proscrit. On dit que le Roi a lu ces mémoires, qui lui

ont fait verser des larmes de sang, je ne le crois pas, puisque M. de

L

a

C

halotais

a été arrêté sur la dénonciation de ses accusateurs […]

C’est un bonheur inoui que le mémoire de M. de La Chalotais ait pu percer les murs de sa prison et parvenir jusqu’au public. Il fait

une sensation terrible, il n’est personne qui ne pleure sur son sort et j’ose espérer que cet effet pourra le changer. Ô M. de

C

alonne

, où

cacherez-vous l’infamie dont votre trahison doit vous couvrir ? qui pourra jamais réparer les outrages et maux que l’homme de bien a

souffert ? Quels monstres que les hommes ! »… Il attend « Platon [

D

iderot

] qui va venir diner et conferer avec moi plus particulièrement

que nous n’avons pu le faire encore sur l’affaire en question. J’en ai beaucoup causé hier au soir avec Protagore [

d

’A

lembert

], personne

ne dit non mais cela vaut la peine d’y penser. Platon pense bien comme vous sur la révolution que cela pourrait produire et il est sûr

que rien ne seroit plus capable d’accélérer les progrès du bien »…

Il évoque ensuite l’exécution du chevalier de

L

a

B

arre

le 1

er

juillet pour sacrilège : « Vous avez su l’affreuse tragédie d’Abeville, tout

ce qu’il est possible d’avoir, l’annecdote du Cardinal

L

e

C

amus

est bien singulière et mérite d’être consacrée, son sort et celui de son

parent forment un étrange contraste et qu’il ne faudra pas oublier, comme la fatalité se joue des hommes ! »

Puis il en vient à l’affaire

S

irven

(protestants faussement accusés d’avoir tué leur fille, et en fuite) : « La générosité du Roi de Prusse

[

F

rédéric

II] pour Sirven, nous a fait à tous un plaisir bien vif et bien doux. Touttes les ames ne sont donc pas attroces, nous roüons,

nous emprisonnons, nous brulons, nous pendons, nous dépouillons les innocens. Les étrangers les secourent ! Nous persecutons le

merite et la vertu, ils leurs offrent des aziles. Quelle honte pour la nation et quelle gloire pour eux ! Élie de

B

eaumont

est actuellement

occupé à terminer le mémoire de Sirven, il ne le quittera point qu’il ne sera entièrement fini […] Ô Dieux quelle liste de crimes, on passe

d’indignation en indignation […] Gemissons, et soyons prudents »…

345.

VOLTAIRE

. L.S. « Voltaire », Ferney 22 décembre 1767, [à Marc

D

uval

, lieutenant général civil et criminel du bailliage

de Gex

]

 ; la lettre est écrite par son secrétaire Jean-Louis

W

agnière

 ; 2 pages in-4 (petite trace de rouille).

800/1 000

L

ettre

inédite

.

« Je suis très sensible à toutes vos bontés. J’espère encore que cette ridicule affaire n’aura point de suitte, et qu’elle

apprendra aux Procureurs à ne jamais intenter un procez sans l’ordre exprès de leurs comettants. Il est clair que

B

alleidier

[procureur à

Gex et surintendant de Ferney] a fait tout le contraire de ce qu’il fallait faire. Il ne s’agissait que d’un chemin, il devait demander qu’il

fut réparé par ceux qui sont accusés de l’avoir rendu impraticable ; c’était la chose du monde la plus simple. Une attestation des habitans

suffisait. Balleidier au lieu de prendre cette voie courte et légale s’est avisé sans me consulter de faire une espèce de procez criminel. Il a

accusé très injustement un habitant d’avoir volé des pierres. Je me flatte encore une fois que pareille illégalité ne se commettra plus »…

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