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Littérature
336.
Alfred de VIGNY
(1797-1863). L.A.S., 8 décembre 1835, [à Charles
M
ichel
] ; 3 pages in-8 à son chiffre couronné.
600/800
B
elle
lettre
à
un
homme
qui
veut
se
suicider
[sur la lettre qu’il avait reçue de Charles Michel, Vigny a noté : « Suicide que j’ai eu le
malheur de ne pouvoir empêcher »].
« Je suis vivement ému de ce que vous souffrez [...] sans vous connaître et sans vous avoir vu, si j’avais la somme dont vous avez besoin,
je vous l’enverrais à l’instant, sans examen, car votre lettre est douloureusement vraie, mais je n’ai pas même la fortune de l’autre Poète
dont vous parlez et
Chatterton
fut un plaidoyer que j’adressai à la France entière, en faveur des malheureux jeunes gens que j’avais la
douleur de ne pouvoir secourir moi-même et que je voyais prêts à succomber. Votre devoir est de résister à la mauvaise fortune, [...] en
vivant, en travaillant avec courage et en repoussant l’idée criminelle et égoïste qui vous poursuit. Vous n’avez pas le droit de dire à la
Société qu’elle vous méconnait puisque vous n’avez fait aucune œuvre importante encore. Si vous vous sentez propre à une carrière tant
soit peu lucrative, je ferai mes efforts pour vous en ouvrir l’entrée, mais c’est malheureusement tout ce que je puis faire au milieu des
chagrins dont je suis accablé moi-même »...
Correspondance
, tome 3 (35-169).
337.
Alfred de VIGNY
. L.A.S., 30 novembre 1845, au vicomte Jehan de
C
lérambault
, au château de Kimkampois près de
Liège ; 4 pages in-8 très remplies, adresse avec cachet de cire rouge (légère mouillure sur la 1
ère
page).
500/600
B
elle
lettre
à
son
cousin qui
vient
d
’
avoir
une
fille
(Jehanne de
C
lérambault
est née le 31 août 1845).
Il avait « reçu une lettre charmante toute pleine d’un esprit gai et d’un cœur joyeux, lettre d’un jeune père tout blond qui m’apprenait
que son garçon était une fille, que ma jolie cousine Valérie était couchée sur un lit surmonté d’un trophée d’armes et que sa fille serait
nécessairement une amazone, à voir la quantité de sabres d’abordage et de lances qui l’entouraient ». Vigny s’amusait de sa lettre, alors
que Jehan assurait qu’il aurait un fils. Mais il a reçu la nouvelle de Djemmâ-Ghazaouat (sanglante embuscade tendue au Maroc par Abd-
el-Kader) : « Au milieu de toute cette horrible trahison, le 2
e
Hussards me frappe la vue ». Craignant que Charles, le frère de Jehan, ne
soit parmi les officiers tués, il court au ministère, puis va rassurer leur mère. Depuis, il a repoussé le moment de répondre : « J’ai dit
tous les jours à ta petite lettre : je te répondrai demain ma chère amie et je n’en ai rien fait. J’étais encore attristé de l’idée d’écrire : ta
fille est née et de penser : ton frère est mort. Nous sommes tous rassurés. […] Mais c’est égal le bouquet de la naissance m’est tombé des
mains au moment où je te l’envoyais, je n’ai pas pu le ramasser. […] Tu verras comme je gâterai ta fille. Je lui dirai qu’elle a bien fait de
ne pas être un garçon et de se nommer Jehanne de Liège et qu’elle a bien fait aussi de vouloir que son père demeurât auprès d’elle au
lieu d’aller revoir la mer qui ne le reconnaît plus. […] Eh bien ! moi aussi je te boude, je ne serre la main qu’à ton aimable beau-père, je
baise la main de ta Valérie et le front de Jehanne de Flandres. Puisque c’est une amazone elle fera des conquêtes »...
Correspondance générale
, tome 5 (45-126).
336