80
310.
George SAND
.
M
anuscrit
autographe signé,
Autour de la table
, septembre 1856 ; 32 pages in-8.
4 000/5 000
M
anuscrit
complet
d
’
un
article
de
critique
dialoguée
. C’est l’avant-dernier d’une série de huit articles publiés dans
La Presse
du
24 juin au 25 octobre 1856 sous le titre
Autour de la table
, et recueillis en 1862, avec d’autres articles, dans un volume qui porte ce titre,
chez l’éditeur Dentu. Celui-ci, paru le 26 septembre 1856 sous le numéro VII, deviendra le dernier (VIII) dans le volume.
Le manuscrit, a l’encre bleue, présente de nombreuses ratures et corrections. Il est daté en tête « 15 7
bre
1856. Montfeuilly » [20
septembre dans
La Presse
et le volume], le lieu fictif de Montfeuilly n’étant autre que Nohant. Autour d’une table, se réunissent
les membres de la famille et l’auteur, dont Théodore, Julie, Louise, qui interviennent dans cet article pour discuter des « auteurs
nouveaux », et d’abord du
Livre du bon Dieu
d’Édouard
P
louvier
, avec des musiques de Joseph
D
arcier
. C’est l’occasion de débattre de
« l’association du chant et de la poésie ». À Julie qui soutient que la musique prime sur les paroles, Théodore répond : « Je vous accorde
que les paroles doivent être très simples, parce que la musique, étant une succession d’idées et de sentimens par elle-même, n’a pas
besoin du développement littéraire, et que ce développement recherché et orné lui créerait une entrave et un trouble insurmontables. Je
crois que de la musique de
B
eethoven
sur des vers de
G
oethe
(à moins qu’ils n’eussent été faits
ad hoc
, et dans les conditions voulues)
serait atrocement fatigante. Mais, de ce que j’avoue qu’il faut que le poëte s’assouplisse et se contienne pour porter le musicien, il n’en
résulte pas que j’abandonne, comme vous, le texte littéraire à un crétinisme de commande. Nous sommes, du reste, en progrès sous ce
rapport et j’ai entendu, dans ces derniers temps, des opéras très bien écrits et d’excellens ou de charmants vers qui ne gênaient en rien
la belle musique : entr’autres la
Sapho
de
G
ounod
, dont Émile Augier avait fait le poëme. Et si vous voulez monter plus haut encore
dans la région de l’art, vous reconnaîtrez que le
Dies irae
de
M
ozart
doit l’ampleur sublime de son style à la couleur sombre et large du
texte latin »... On lit les poèmes de Plouvier, et on en fait l’éloge, les rapprochant des
Contemplations
de Victor Hugo : « Vous verrez que,
chez les poëtes vraiment inspirés de ce tems-ci, la réhabilitation par l’expiation est annoncée, et que cette doctrine, sortant victorieuse
de la démonstration philosophique, a trouvé dans l’art son expression éloquente et sa forme vulgarisatrice. C’est la prédiction du progrès
indéfini, c’est la bonne nouvelle des âges futurs, l’accomplissement des temps, le règne du bien vainqueur du mal par la douceur et la
pitié ; c’est la porte de l’enfer arrachée de ses gonds, et les condamnés rendus à l’espérance, les aveugles à la lumière ; c’est la loi du
sang et la peine du talion abolies par la notion du véritable Évangile […] Le dix-neuvième siècle a pour mission de reprendre l’œuvre de
la Révolution dans ses idées premières. […] Nos poëtes descendent aujourd’hui dans l’arène du progrès pour purifier le siècle nouveau,
et cette fois leur tâche est à la hauteur d’un apostolat »…
On parle ensuite de
La Tentation
du poète italien Giuseppe
M
ontanelli
, « un des hommes dont
s’honore l’Italie patriotique et littéraire », grand poème dominé par « l’idée de douceur,
de chasteté, de dévouement et de pitié », dont Théodore résume les
différents chants, peignant la lutte du Christ contre Satan ;
mais c’est aussi « une œuvre philosophique et patrio-
tique […] une large esquisse symbolique de
l’histoire de l’Italie », par un homme
appartenant « à la politique
révolutionnaire libé-
rale de son pays », qui
conclut à « l’alliance
avec la monarchie
sarde pour sauver la
nationalité italienne » …
On finit par
La Mort
du Diable
de Maxime
D
u
C
amp
: « La forme est un
mélange de tristesse, d’iro-
nie et d’enthousiasme : c’est
ce que l’on peut appeler de
l’humour
, et vous verrez que
cela mène à une conclusion phi-
losophique […] Théodore nous
lut ce poëme remarquable, abon-
dant, facile, un peu trop facile par-
fois, mais dont les longueurs sont
rachetées par des traits brillants et un
sentiment profond »... On en conclut
qu’il « est bien temps que l’homme soit
guidé vers le bien par l’idée du beau,
et que le laid périsse en prose comme en
vers. […] C’est par la foi, ce rêve sublime,
que tout ce à quoi l’homme aspire devient
une certitude, une conquête, une réalité ».