les collections aristophil
92
76
COCTEAU JEAN
7 L.A. (minutes, certaines signées),
[1938]
; 20 pages in-4 ou in-8.
1 500 / 2 000 €
Intéressant ensemble au sujet de
l’interdiction de sa pièce
Les Parents
terribles
par la Ville de Paris
.
Il s’agit de brouillons de lettres de Jean
Cocteau destinées à diverses instances dont
le Président du Conseil municipal de Paris,
le Préfet de Police et le Conseil municipal
de la Ville de Paris, voire le Président de la
République.
Créée le 14 novembre 1938, la pièce fut
aussitôt un triomphe, malgré les attaques
d’une certaine presse qui y voyait une
apologie de l’inceste. Mais lorsque le
directeur du Théâtre des Ambassadeurs,
où se jouait la pièce, songea à offrir des
matinées gratuites à la jeunesse des écoles,
ce fut le scandale
: on parla d’invitation à la
débauche. La Ville de Paris, représentée par
le Conseil Municipal, était en effet pour partie
gérante du théâtre
; et elle l’obligea à retirer
l’œuvre. Le dramaturge Henry Bernstein
appuyait ces manœuvres.
«
Le Conseil Municipal vient de se couvrir
de honte et de ridicule. […] De quel droit,
je le demande, quarante-sept Messieurs
incultes osent-ils prendre, vis-à-vis de la
jeunesse des écoles, des mesures qui ne
devraient être prises que par leurs maîtres
».
Dans un post-scriptum biffé, Cocteau réagit
aux « menaces policières
» portées contre
lui
: « Depuis trente ans, j’habite une maison
de verre. Si je fais des choses terribles, je
les crie sur les toits, je ne demande qu’un
scandale qui me permettrait de m’exprimer
au grand jour
»…
Au Président du conseil municipal. «
Je
n’hésite plus à m’adresser à votre haute
autorité pour me plaindre, non pas qu’on me
retire le théâtre où je ne resterai sous aucun
prétexte (tous les directeurs de Paris m’ayant
offert leurs salles), mais d’une insulte et d’une
injustice propres à compromettre mon
œuvre et les Lettres françaises à l’étranger. Le
Conseil municipal a décrété, sans connaître
ma pièce, qu’elle était pornographique. […]
la manœuvre du Conseil municipal se base
sur la mauvaise foi. Je n’ai pas convoqué les
élèves des écoles mais bien leurs maîtres,
afin qu’ils décident eux-mêmes. Je m’excuse,
Monsieur le Président, de vous faire juge
d’un pareil scandale, mais il me déborde et
risque de mettre la France au rang des pays
qui brûlent les œuvres qui les honorent
»...
Au Président du Conseil municipal de Paris
:
«
Il serait grave que la France devînt un de
ces pays qui brûle les livres et chasse les
artistes au nom d’une fausse morale. […] Une
pièce est une action. Elle ne saurait être
ni une bonne ni une mauvaise action. Les
siècles le prouvent
»…
Lettre ouverte aux
Heures de Paris
(qui la
publia le 29 décembre 1938). « Je déteste la
boue et je refus de continuer à m’y mouvoir.
C’est fini
». Il quitte les Ambassadeurs pour
les Bouffes… «
Dire que ma pièce est
pornographique est odieux. Dire qu’on
réglera une question d’art devant les
tribunaux est odieux. Je m’élève contre ces
manœuvres à cause du danger qu’elles
représentent pour l’avenir des lettres. Il est
insupportable d’imaginer une France qui
brûlerait les livres et chasserait les artistes
au nom d’une ignorance hypocrite
»...
Lettre ouverte à Henry Bernstein
: « Notre
amitié ne peut être atteinte. […] Vous aimez
et convoitez les Ambassadeurs. Prenez-les.
J’irai n’importe où transporter ma roulotte.
[…] Je vais, joyeux, dans un vrai théâtre, un
théâtre dans le style du Vaudeville et du
Gymnase, un théâtre où j’ai appris à vous
admirer, où
le Secret
m’a donné l’exemple de
vos secrets
»... On joint la réponse d’Henry
BERNSTEIN (L.S., 28 décembre 1938).
Note pour la presse (au dos de la
dactylographie de la lettre ouverte à
Bernstein)
: « Parler de moi n’est plus parler
de moi – la question s’est singulièrement
élargie – France et les pays de censure. […]
Je n’accepte qu’un tribunal, c’est celui de
chaque soir, la salle comble qui acclame
mes artistes
»…
On joint
la copie autographe d’extraits
d’articles (1 p. in-4 à en-tête du
Théâtre des
Ambassadeurs
)
; et le tapuscrit corrigé d’un
manisfeste aux
Étudiants
(3 p. in-4).