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Lettres & Manuscrits autographes

26 mai 2020

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SAND George (1804-1876)

L.A.S. « George », [Paris fin novembre 1842 ?], à son amie Rozanne

BOURGOING ; 6 pages petit in-4 à son petit chiffre gothique (légèrement

fendue au pli).

Très longue et belle lettre sur l’art du roman, sur les revues et les

éditeurs, et sur son roman

Consuelo

.

Elle a lu le « roman » de Rozanne [

Héléna

, nouvelle publiée à Vienne

en 1844] « Il y a de très jolies choses, des caractères, de la poësie,

des vérités philosophiques, et beaucoup de cœur. Il n’y a pas assez

d’incidens, trop de simplicité dans le sujet et dans les événemens.

C’est trop une histoire réelle et véritable, et pas assez un roman. Ce

n’est point un tort de ton esprit et de ton caractère, au contraire c’est

un mérite. Mais le roman demande plus d’animation et de variété, des

scènes plus inattendues, des personnages moins faits d’une pièce, une

intrigue plus compliquée, plus

d’art

enfin.

L’art n’est pas fait pour toi,

tu n’en as pas besoin.

Mais le roman ne peut guère s’en passer, et à

ta place je recommencerais celui-là, ou j’en ferais un autre. Ne prends

mon avis cependant, que pour ce qu’il te semblera valoir. Il est possible

qu’à force de faire des romans moi-même, j’aie le goût gâté, comme

on l’a sur le bon vin quand on a trop

humé le piot de Boutarin

. J’ai fort

peu de confiance en mon jugement et te supplie de ne pas l’accepter

sans examen ».

Elle peut l’aider à publier

Héléna

, « mais les difficultés sont grandes.

D’abord la

Revue indépendante

n’a que trop de romans, outre les

miens ; on lui en présente tous les jours, et elle demande au lieu de

cela des articles de politique, de bibliographie et de science, dont le

monde actuel est fort pauvre, ou fort avare. La

Revue de Paris

m’est

fermée comme le Paradis l’est au diable. Buloz et Bonnaire en tiennent

les clefs d’une main et celles de la

Revue des 2 Mondes

de l’autre. Ma

recommandation serait donc très fâcheuse, brouillés avec nous, furieux,

désespérés qu’ils sont dans ce moment-ci ». Il faudrait trouver un éditeur,

mais « ces messieurs ne veulent point se risquer sur un nom inconnu

[…] Il n’y a plus d’éditeurs confians en la parole d’autrui, encore moins

d’éditeurs aventureux pouvant et voulant risquer une petite somme. Ils

sont tous ruinés, le public est blâsé. Le commerce va à la diable : voilà

ce qu’ils disent tous, et quand j’aurai essayé tout ce qui est possible,

pour la centième fois de ma vie en pareille rencontre, j’aurai un refus ».

Elle essaiera, mais elle prévient : « On t’imprimera à condition que tu

payeras les frais d’impression et

les annonces

si tu en veux (ce qui est

indispensable au succès du livre et coûte fort cher). Ensuite le libraire

consentira à vendre en partageant avec toi les profits. Mais il prélèvera

sa part, et quand il l’aura prélevée, il ne s’occupera plus de la vente,

ton livre sera épuisé, oublié, il n’en vendra pas vingt exemplaires à ton

compte. Je le suppose seulement indolent et peu délicat comme ils sont

tous

. S’il est radicalement fripon comme ils le sont

presque tous

, il te dira

qu’il n’a rien vendu et te demandera encore des indemnités pour s’être

chargé de tout cet embarras. Car enfin, la surveillance de l’impression,

l’emmagasinement des exemplaires, les démarches auprès des débi-

teurs en détail, &c. tout cela représente une peine qui demande salaire.

Les moyens de contrôle sont impossibles ». Ainsi, elle pense qu’on la

« trompe épouvantablement sur le tirage de

Consuelo

en volumes in-8º.

Mais je ne puis le prouver et il faut que j’aie l’air de ne pas m’en douter.

Il y a de grands éditeurs tels que Gosselin &c. d’honnêtes éditeurs tels

que Perrotin qui fait mon édition populaire. Mais ceux-là ne veulent point

faire de petites opérations. Elles leur prennent trop de tems et nuisent

aux grandes. PERROTIN ne veut plus éditer un à un les romans que je

publie en

in-8º

depuis qu’il a commencé mon édition complète

in-18 »

.

193

SAND George (1804-1876)

L.A.S. « George Sand », Nohant 29 septembre 1856, [à Léon LAURENT-

PICHAT] ; 1 page in-8.

Elle recommande « un travail de M

r

Henri COZIC sur Jeanne d’Arc. Ce

sont des scènes historiques dans la forme de celles de M

r

Vitet. C’est un

travail intéressant ; M

r

Henri Cozic, auteur des

Harmonies républicaines

,

est un talent sérieux et élevé. Il me semble que la forme et la donnée

de son travail conviendraient parfaitement à la

Revue de Paris

»…

[Cette

Jeanne d’Arc

, « drame historique en 10 tableaux », sera publiée

chez Dentu en 1857 sous le double nom de Louis Jouve et Henri Cozic

(poète breton né en 1822).]

Nouvelles lettres retrouvées

, n° 162.

300 - 400 €

194

SAND George (1804-1876)

L.A.S. « G. Sand », Nohant 21 janvier 1862, à Elme CARO

; 4 pages et

demie in-8 à son chiffre.

Longue lettre en faveur de sa nièce Léontine Simonnet et de ses

petits-neveux

.

Elle demande « aide et protection pour ma nièce. Me voilà faisant du

népotisme

, voyez-vous ? mais je crois que ma nièce a bien des droits.

Son mari s’est tué pour l’empire. C’est à la lettre. En 48 et 49 il a pris

tellement feu pour détruire la république qu’il en est mort de fatigue et

d’agitation. L’empire était sa passion, son idéal. Ce n’était pas le mien.

Il s’est brouillé avec moi. Que Dieu lui fasse paix ! Mais il a laissé une

veuve charmante qui est la fille de mon frère et trois enfans que j’aime

tendrement. La petite femme a eu un énorme courage pour élever ces

trois fils dont un est maintenant grand garçon, un

cœur d’or

». Elle a des

« droits à la protection du gouvernement, ses faibles ressources, ses

dépenses forcées, enfin l’état de gêne et de péril où elle se trouve ».

Mais G. Sand voudrait savoir si sa supplique a des chances d’aboutir.

« Je sais que le ministre de l’instruction publique aime à faire le bien, et

peut-être sait-il, de son côté, que certains dissidents en matière d’opinion

peuvent être de très honnêtes gens et des cœurs très reconnaissants.

D’ailleurs je plaide ici pour les enfans d’un homme à qui l’on n’eut pas

pu faire les mêmes reproches qu’à moi, et, que ce soit par égard pour

lui, ou grâce à votre bienveillant appui, je n’en prendrai pas moins à ma

charge, très sincèrement et sans effort une bonne part de la dette de

reconnaissance que nous fera contracter le ministre »…

Nouvelles lettres retrouvées

, n° 220.

300 - 400 €

195

SAND George (1804-1876)

L.A.S. « G. Sand », Palaiseau 14 août [1864, au Docteur Pierre-Paul

DARCHY] ; 4 pages et demie in-8 à son chiffre.

Émouvante lettre sur la mort de son petit-fils Marc

(21 juillet 1864).

« La mort de ce pauvre enfant a été si douloureuse que nous en avons

été brisés, moi par contrecoup, en voyant la douleur et la fatigue de mes

enfants, car je suis arrivée à Guillery le lendemain de la mort. J’ai pu

soutenir mes enfans dans cette crise terrible, et les mettre en route pour

un voyage de distraction que la chaleur leur rend encore plus pénible

qu’agréable. Ils sont en ce moment, à Ronjoux, en Savoie, chez Buloz,

[…] mais Maurice ne se console pas. Lina a mieux supporté le coup. La

providence le veut ainsi, la mère sent instinctivement sa mission d’avenir.

Moi je ne dis rien et ne veux rien dire de moi. Je ne veux même pas

savoir le mal que cela me fait : à quoi bon ? C’est un déchirement où la

conscience n’a rien à voir. Je sais bien qu’il n’y a pas de mort, et dans

tout ce que la croyance et le raisonnement peuvent se répondre l’un

à l’autre, j’ai toujours donné au sentiment une puissance plus grande

qu’à la démonstration. Donc je crois autant et plus que jamais que la

mort n’est pas un abime et que mon enfant est bien là où il est. Mais

le perdre est une souffrance pour nous et un chagrin immense si on le

compare au peu de durée de notre vie. Cela n’est pas en proportion

et il faut subir cette loi, la même pour tous ceux qui voient partir les

objets de leur affection. La douleur de Maurice est venue s’ajouter à

la mienne et je souffre pour deux et pour trois, car la pauvre

Lina a été bien brisée aussi »…

Correspondance

, XVIII, n° 11080.

400 - 500 €

Cela risque donc de coûter 2 500 à 3 000 fr. par volume, « sans beau-

coup d’espoir d’être indemnisée par la vente. Si le roman a du succès,

tu trouveras des éditeurs sans peine, et le second roman marchera

tout seul ». Mais on ne sait à quoi tient le succès : « Avant tout, il faut

amuser le lecteur, ou l’étonner »...

Elle a réabonné Rozanne à la

Revue indépendante

, que ne dirige pas

Anselme Pététin, « mais deux hommes qui sont dans les mêmes idées

et les mêmes sentiments qui ont gouverné la revue jusqu’ici. LEROUX

leur a donné cette direction qui lui prenait trop de temps, et l’empê-

chait d’écrire et de faire paraître avec exactitude. Ces Messieurs ont

apporté des fonds, et nous ont mis à même de faire un cautionnement

et de paraître tous les 15 jours. Leroux continue à y écrire comme par

le passé, et moi aussi assidûment,

Consuelo

étant encore destinée à

faire beaucoup de numéros. J’y vais mettre aussi des morceaux qui ne

seront pas de sitôt publiés à part. Enfin je crois que si cette revue t’a

intéressée jusqu’ici, elle ne t’intéressera pas moins à l’avenir et j’y porte

quant à moi le même intérêt de cœur et le même zèle »...

Correspondance

, V, 2533.

1 500 - 2 000 €

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195