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Lettres & Manuscrits autographes
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26 mai 2020
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TWAIN Samuel Langhorne CLEMENS, dit Mark (1835-1910)
L.A.S. « S.L. Clemens », Florence 1
er
janvier 1893, à Frederick J. HALL ;
4 pages in-8 (légères traces d’insolation) ; en anglais.
Lettre confidentielle d’affaires financières au directeur de Webster
& C°, la maison d’édition fondée par Twain en 1885
[lancée par le
succès des
Mémoires
du général Grant et
Les Aventures de Huckleberry
Finn
, elle fera faillite en avril 1894].
Mrs. Clemens est désespérée, pensant que son mari a blâmé Hall,
mais cela ne se peut : certes il dit parfois des choses hâtives et
regrettables, mais il ne croit pas avoir pu agir de façon si ingrate ; si
c’est le cas, qu’on lui déverse des charbons ardents sur la tête (« I
tell her that although I am prone to write hasty & regrettable things to
other people, I am not a bit likely to write such things to you. I can’t
believe I have done anything so ungrateful. If I have, pile coals of fire
on my head, for I deserve it ! »)… Il se demande maintenant si sa lettre
de crédit n’est pas gênante, surtout s’il a fallu mettre le montant total
du crédit à sa disposition ; il n’a tiré dessus qu’en cas de nécessité,
croyant que Hall devait seulement alors mettre le montant retiré… Il
aurait bien pu se passer de son chèque mensuel, pendant deux ou
trois mois, et se serait contenté du solde de la lettre de crédit de sa
femme. Il va écrire à Whitmore d’envoyer à Mr. Hall le chèque de $1000
de
Century
, et il peut prendre celui de $2000 de Mrs. Dodge (Whit-
more a sa procuration, et pourra sans doute le lui endosser) : s’il faut
ces $3000 à la société, qu’il les encaisse et qu’il envoie à Whitmore
une reconnaissance de dette de la société, pour un an ; sinon, qu’il
remette l’argent à Mr. Halsey pour investissement pour Twain. Lui-
même est un piètre financier (« I’ve a mighty poor financial head »),
et il pourrait se tromper, mais aurait-il tort de croire qu’en prêtant
de l’argent à sa propre société à 6%, il pourrait payer 4% lui-même
et par là retirer seulement 2% ? Il ne faut pas rire, si c’est stupide…
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TOLKIEN John Ronald Reuel (1892-1973)
5 L.A.S. et 1 L.S. « Ronald Tolkien », « Toller » ou « JRRT »,
Oxford
1953-
1966, à George SAYER ; 13 pages in-8 à son adresse
76 Sandfield Road,
Hedington, Oxford
, 2 en-têtes
Professor J.R.R. Tolkien
; en anglais.
Intéressantes lettres à son ancien élève et ami, au sujet de l’édition
du
Seigneur des anneaux
.
[George SAYER (1914-2005) était directeur du département d’anglais
à Malvern College. En août 1952, Tolkien visita son ami à Malvern, et
Sayer enregistra Tolkien lisant des extraits du
Hobbit
et du
Seigneur des
anneaux
, dont il avait prêté le tapuscrit à Sayer
; la trilogie
The Lord of the
Rings
parut à Londres, chez George Allen et Unwin, en 1954 et 1955.]
28 avril 1953
. Il a tardé à remercier Sayer, mais il était dans un état
pitoyable, ayant envoyé les deux premiers livres le 11 avril, avec 17
jours de retard par rapport au contrat, ce qui lui laissait peu de jours
pour préparer sa conférence à Glasgow… Il a cependant envoyé l’essai
de Sayer à Allen et Unwin, avec quelques notes supplémentaires ; ils
ont répondu que leur département de publicité en ferait usage. Quel
usage, il n’en sait rien. Il lui est profondément reconnaissant, et en
rougit : c’était beaucoup lui demander, un travail difficile…
24 juin
1953
. Il tape à la machine, ayant mal à la main. Il a été très pris par des
devoirs administratifs et académiques, y compris la visite des fermes
qui appartiennent à Merton College, et il ne peut encore choisir de
dates pour un séjour à Malvern… Il voudrait des renseignements sur son
appareil enregistreur ; s’ils avaient le même, ou un modèle compatible,
il pourrait lui adresser de temps à autre une bobine à critiquer, ou pour
son usage…
25 avril 1957
. Ils seraient ravis de déjeuner avec Sayer,
qu’il n’a pas vu depuis une éternité…
6 avril 1962
. Il est désolé, surtout
de l’avoir déçu, et après toute la peine que le proviseur a prise pour
trouver des dates qui lui conviennent.Il connaît beaucoup de désappoin-
tements ces jours-ci, mais celui-ci est dû à la mauvaise chance d’une
chute de sa femme ; il ne peut la laisser seule, après ce nouveau choc.
Il a bien reçu les transcriptions de ses lectures, et signale de rares fautes
typographiques…
11 mars 1966
. Il éprouve du remords : George n’a
jamais reçu aucun témoignage de gratitude pour la bonté, le soutien
et son aide dans l’affaire du
L.R.
[
Lord of the Rings
], dans les jours
les plus sombres. Il allait prier ses éditeurs de lui envoyer le coffret de
luxe illustré par Pauline Boynes, quand il a été question d’une nouvelle
édition comprenant les additions et corrections conçues pour l’édition
de poche américaine autorisée, et augmentée d’un index. En ce qui
concerne les éditions dites
pirates
, quoique
parfaitement légales,
puisque le gouvernement anglais soutient Drake, Ace Books a capitulé
sous la pression de l’opinion publique et proposé à Tolkien un accord
à l’amiable, avec réimpression à la clé ; il a accepté. Il parle du volume
de mélanges présenté à Charles Williams, où l’Oxford University Press
s’est comporté de façon extraordinaire : Tolkien résume ses efforts pour
reprendre ses droits sur sa contribution [
On Fairy Stories
], alors que
l’O.U.P. négociait pour la réimpression de l’essai ou du volume entier !
Il invite Sayer à Merton College, pour la célébration de ses noces d’or
avec Edith : Donald Swann, qui viendra, a proposé d’accompagner
William Elvin dans l’interprétation du cycle de chansons du
Seigneur
des Anneaux
, de sa composition…
21 mars 1966
. Explications sur la
révision de la nouvelle édition : établissement du
copyright
, correction
d’erreurs, considération d’un lien rétrospectif au
Silmarillion
; mais
il doute que George trouve les différences sans comparer les deux
éditions, côte à côte… Et de protester : George a fait beaucoup ! Il a
fait les enregistrements, obtenu des devis pour l’impression, et lui a été
extrêmement bienveillant, alors que Tolkien était au plus bas… Et Tolkien
a
cru
en ses éloges, bien plus qu’en ceux de quiconque !...
5 000 - 7 000 €
Bien entendu, comme prévu, son ami a décliné d’acheter 25% de la
L.A.L.
[
Library of American Literature
, un coûteux recueil d’une dizaine
de volumes que Twain blâmera pour la faillite de sa maison d’édition],
pour $200 000. Il espérait une offre de $100 000, mais non, et si le
choléra éclate en Amérique dans quelques mois, il sera impossible
d’emprunter et d’acheter ; ils devront s’efforcer de lever cette somme,
et il voudrait le faire
avant
qu’il n’y ait d’alerte de choléra. Qu’il regrette
de n’avoir pas apprécié leur besoin de $100 000, quand il était à New-
York, l’été dernier ! Il aurait fait de son mieux pour collecter les fonds.
Cela leur aurait permis de supporter 1000 lots de
L.A.L.
par mois, mais
plus maintenant… Hall a réussi de façon magnifique, avec l’affaire, et il
leur
faut
lever les fonds d’une manière ou d’une autre, pour lui permettre
de récolter la récompense de tout ce labeur…
Letters to his publishers, 1867-1894
, n° 269.
1 200 - 1 500 €