Catalogue de vente du 20 septembre 2015
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Kapandji Morhange
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GILLIERS
(Joseph). Le Cannameliste français ou Nouvelle ins-
truction pour ceux qui désirent d’apprendre l’office, rédigé en forme de
dictionnaire… par le sieur Gilliers,…
Nancy, Abel-Denis Cusson, & chez
l’auteur (Lunéville), 1751. In-4; [4]-IV-238-14 pp., frontispice et [13]
planches dépliantes, relié veau marbré, dos à nerfs orné, pièce de titre maro-
quin rouge (quelques légères déchirures et salissures d’usage, bel exemplaire).
TRÈS RARE.
Un des plus fameux traité de cuisine du XVIII
e
siècle. L’ouvrage est
dédié au duc de Tenczin-Ossolinski, premier grand officier de la
Maison du roi de Pologne «Mécène de la Cour d’un Nouvel Auguste ».
C’est un manuel avec de nombreuses recettes de confitures, pâtes,
biscuits, bonbons et nougats, autant de friandises pour lesquelles
Gilliers avait mis à contribution ses confrères de Nancy, Cécile, Travers
et Touchard.
L’ouvrage présente également un grand intérêt artistique, car, inspiré
par les grands ornemanistes, il renferme un frontispice et 13 planches
dépliantes de modèles de vaisselle, verres, gobelets, sourtouts de table,
cafetières, pièces montées et coupes variées. Ces planches dessinées par
Dupuis ont été gravées par Lotha.
Exemplaire à grandes marges.
(Vicaire 405 – Simon 759 – Bitting 185 – Cagle 215 – Oberlé 122).
Magnifique ouvrage réalisé à Luneville sous le règne de Stanislas Leszc-
zinski, Duc de Lorraine et de Bar, roi de Pologne en exil et père de
l'épouse de Louis XV, connu aussi dans la région pour avoir « inventé »
le baba et la madeleine et grand amateur de desserts !
Celui chargé de préparer les desserts de Stanislas s'appelle Joseph
Gilliers, auteur de notre cannaméliste. Il a le poste de « chef d'office et
distillateur de sa majesté le roi de Pologne ».
Et Stanislas amoureux des Arts, n'oublie certainement pas les arts de
la table : les frais de table se montent à 20000 livres pas mois. On a le
premier maître-d'hôtel du roi, puis 3 maîtres-d'hôtel ordinaires, puis
5 chefs-cuisiniers, des rôtisseurs, des pâtissiers, des panetiers… Le bon
roi Stanislas met sur ses tables magnifiquement décorées des fontaines
monumentales, des petits pavillons miniatures et des scènes de chasse
ou de mythologie. Mais ce qu'il aime, lui, ce sont les desserts !
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La cannamelle, étant la canne à sucre, Gilliers précise, « je veux ensei-
gner la manière de confire toutes sortes de fruits tant secs que liquides
et à l’eau-de-vie, de faire tous les ouvrages de sucre que je pratique avec
la méthode de s’en servir. J’y joins la connaissance générale des cuissons
du sucre, la manière de faire les liqueurs rafraîchissantes, les pastillages,
toutes sortes de neiges, mousses et fruits glacés avec la méthode de
les colorer ». On est surpris au travers de l’énoncé des desserts, et en
général, des plats mitonnés dans les cuisines du roi, de découvrir la
richesse des échanges en ce XVIII
e
. Ainsi, l’ananas arrive directement
des Indes, mais pour une meilleure conservation il est confit à l’origine
au sucre de canne. Les noisettes, dites aveline, viennent directement
d’Espagne. Elles ont une amande grosse, ronde, d’un gout excellent.
Gilliers les utilise pour ses biscuits et macarons. La bergamote très
utilisée pour les mousses, et neiges, est tirée d’un poirier greffé avec
une branche de citronnier. Elle vient d’Italie. À la rubrique «Biscuits »
on lit les recettes des biscuits du Portugal avec un insert de ‘marmelade
d’orange et de râpures de citron’. Parfois on remplace dans les salades
cuites les cornichons par le ‘bled’ de Turquie qui ressemble à un jeune
épi de maïs, confit au vinaigre. Le thé vient de Chine, du Japon ou du
Siam. On le préfère à la table du roi en feuille entière, vert, avec un
goût de violette. La cuisine servie au Château de Lunéville est inter-
nationale. Et quel raffinement ! Le beurre fait à l’office, est toujours
servi sur de la glace pilée pour garder sa fraicheur. Le café en grains
vient directement d’Arabie Heureuse – ce sont les termes de Gilliers
–. Après le café on pourra savourer « l’hypocras», liqueur composée
de vin du Rhin, de pommes de reinette, d’épices : girofle, cannelle,
et coriandre, on y ajoute à titre d’aphrodisiaque, un grain d’ambre
gris, dans un petit sachet de linge, trempé une heure, pour lui donner
du goût. Enfin on appelle les sorbets à l'époque « fruits glacés » ou
« fromages glacés ». On leur donne la forme d'un fruit en les plaçant
dans un moule adéquat et on les colore. On les place ensuite dans une
« sarbotière » avec de la glace pilée !
Très rare et intéressant ouvrage à "conserver", dans sa bibliothèque.
Voir les reproductions.
4000 / 6000 €