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150. PROUST (Marcel). Lettre autographe signée à Rosny aîné, s.d. [septembre 1919], 8 pages in-12,
sous chemise demi-maroquin moderne.
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€
I
MPORTANTE LETTRE INÉDITE AU SUJET DU PRIX
G
ONCOURT
.
L'écrivain Rosny aîné (1856-1940) s'affirma toujours comme un ardent partisan de Proust, qu'il avait connu à
Cabourg en 1910. Comme le rapporte Painter, il disait à ses confrères : "Proust, c'est du nouveau". Il avait
même été le seul à voter au Goncourt de 1913 pour
Du côté de chez Swann,
ce que Proust ne pouvait oublier.
Surtout, c'est lui qui avait encouragé, et de manière décisive, l'écrivain à présenter
À l'ombre des jeunes filles
en fleurs
au prix Goncourt 1919. Cette lettre - qui répond précisément à une lettre où Rosny aîné incitait Proust
à se présenter (voir Painter, II, 368) - montre bien tout le désir que celui-ci avait d'obtenir le prix, en même
temps que ses hésitations.
Je ne puis vous dire à quelles profondeurs votre lettre me touche,
commence Proust. Rosny vient en effet de
lui écrire pour le féliciter de
Pastiches et Mélanges
(Gallimard, 1919) et lui dire tout son plaisir :
Quand vous
me dites que vous avez ri aux larmes du pastiche de Goncourt, je suis heureux autant que mon terrible état de
santé me permet de l'être.
Malade, il n'a justement pu faire paraître en même temps que les
Jeunes Filles, les
volumes suivants qui sont tous terminés. On se serait mieux rendu compte
- poursuit-il -
d'une construction
rigoureuse, et que tant de lecteurs s'imaginent que je me suis contenté de me laisser aller au fil de mes
souvenirs !
Rosny lui ayant promis sa voix au Goncourt, Proust en est extrêmement touché et s'en explique :
J'ai beaucoup tenu au Prix Goncourt
[en 1913],
et cette année, pour bien des raisons, j'y tiens de nouveau.
Mais il veut justement le sonder, et il le fait en répondant directement à l'objection qu'on lui fait souvent, son
âge :
Je crois savoir que vos confrères sont très bien disposés pour mon livre. S'ils avaient un scrupule quant
à mon âge, vous pourriez leur dire que je n'avais pas 42 ans quand Swann a paru et déjà les épreuves du "Côté
de Guermantes" étaient corrigées. Ce n'est pas ma faute si la guerre survenant alors, je suis resté cinq ans
sans imprimeurs
… Il résume :
tout en ayant 47 ans, je suis un auteur de 42 ans. Mes pastiches avaient paru
dès 1906 ou 7, dans le Figaro. Mes mélanges, plus tôt, au Mercure.
Puis il s'excuse de répondre si tard :
j'ai
changé trois fois de "meublé" (la seule chose qu'on puisse trouver actuellement à Paris).
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