32
105.
Max JACOB
. 2 poèmes autographes signés (l’un suivi d’une L.A.S.), Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret) 4 octobre
1921, et s.d. ; 2 pages in-4 et 1 page petit in-4.
800/1 000
Poèmes pour
F
euillets d
’
art
(2
e
année, n° 2, janvier 1922).
Devant une pierre
, dédié « au lieutenant Louis Vaillant », composé de 5 quatrains :
« Si cette pierre a la mousse
Ma pauvre âme a la douleur.
Pierre, elle vit sous sa housse.
Hélas ! Ma pauvre âme en meurt »...
Non signé, il est suivi d’une L.A.S. d’envoi : « Autant de vers que vous voudrez ! tant que vous ne me demanderez pas de
prose, tout ira bien, je fais des vers presque tous les jours »…
Zéphyrs, soyez propices
(nocturne)
, signé, est dédié au poète Georges Gabory (1899-1978). Il se compose de 11 quatrains :
« Rose blanche ! Le crapaud s’est tu !
Périclès ou bien Alcibiade,
Monde païen, d’où me viens-tu ?
D’où, ombre blanche en cavalcade ? »…
Reproduit en page précédente
106.
Max JACOB
. Manuscrit autographe signé,
Miracles de l’art et de la foi
, [vers mars 1922] ; 6 pages petit in-4.
1 200/1 500
Bel hommage à Saint Dominique et Fra Angelico destiné à
F
euillets d
’
art
(2
e
année, n° 4, mai 1922).
« Ma pensée hésite à monter l’escalier de ton trône, ô Immaculée ! Tu oserais t’approcher de la Pureté révélée à la pureté
du moine, suave peintre, ô âme graveleuse ! Et toi, main lourde, style empesé, tu en oserais écrire ? L’angélique visionnaire !
Le peintre émouvant ! [...] Saint ? Oh ! non ! Tu n’as pas, Guidolino, étonné l’Église par des miracles, ceux de la Foi, mais tu
as étonné l’Univers par ceux du Génie. Si tu n’es pas sanctifié, tu as sanctifié tes modèles, et tu fus envoyé du Ciel pour ces
miracles-là »... Il n’a pas, comme Saint Dominique, ressuscité les morts, mais il a prolongé la vie terrestre de ceux qui ont déjà la
céleste : « c’est une résurrection ! Parce qu’il a sanctifié son pinceau, il a sanctifié ce que crée son pinceau : tout ce qu’il a touché
de son pinceau est devenu sacré »... Jacob esquisse, parallèlement, les vies de Dominique et du peintre dominicain, présentant la
peinture comme une prêche picturale, apte à interpréter la parole du saint et à convertir les âmes. Il parle de son œuvre à Rome,
Fiesole et Florence, et en particulier des fresques du couvent San Marco. Il raille son siècle qui réclame des preuves scientifiques
et non des miracles : « Mon siècle ! Tu attends un art sans brûler de l’Amour qui fait l’art et de la foi qui fait l’amour ! »... Et
il termine par une prière : « Ô Fra Angelico ! Si ton pinceau prédicateur t’a obtenu une place sur l’escalier chatoyant du Trône
Céleste, demande à Dieu des peintres qui prêchent comme toi car le monde n’a plus de missionnaires justement parce qu’il en a
besoin. Grand saint Dominique qui contemple la puissance, hélas ! de Satan sur l’univers, fais ce miracle que l’Église lui rende
l’ordre et l’harmonie par l’obéissance aux lois divines »...
Le texte est suivi d’une note pour Marcel Astruc, réclamant des épreuves « au nom du Ciel. Si c’est trop long, ne faites pas
de coupures, renvoyez le moi pour les faire »...
Reproduit en page précédente
107.
Max JACOB
. L.A.S., Monastère de Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret) 6 décembre 1923, à « Mon cher poète » [René
Crevel] ; 2 pages petit in-4.
500/600
Belle lettre après l’article de Crevel,
La Mysticité quotidienne de Max Jacob
, paru dans
Le Disque vert
(2
e
année, n° 2,
novembre 1923). « Le titre seul de la belle page que vous m’offrez en ce
Disque Vert
, honneur de ma vie est une absolue et
définitive psychologie. Le quotidien !... Il faut que vous soyez catholique vous-même pour connaître ce qu’il y a de quotidien
(malheureusement) dans nos efforts de croyants. Cette pureté du matin qui se salit avec la journée et qu’on doit renouveler le
soir si l’on peut ! Je ne veux pas seulement vous remercier de ce tribut de sympathie si délicieuse à mon vieux cœur, tant déchiré,
je veux vous féliciter au haut de mon expérience quadragénaire et non pas seulement pour tout ce que je lis de vous fort souvent
si parfaitement moderne avec des qualités classiques qui tiennent à votre esprit solide et déductif [...]. J’aime ce réalisme de
votre esprit profond parce que je sens que lui aussi est tourmenté plus qu’il n’avoue l’être et envahi par des aspirations hautes.
Certainement !! Je ne m’attendais pas qu’on prît si peu au sérieux ma conversion et j’ai une grave gratitude à ceux qui disent
la gravité de mes sentiments »...
108.
Max JACOB
. L.A.S., Saint-Benoît-sur-Loire 17 mars 1925, à René Crevel ; 2 pages petit in-4.
500/600
Belle lettre. « Un livre intelligent et intelligible est chose rare ! Celui-ci (je parle de
Détours
) mêle d’admiration l’amitié
que j’ai pour toi. Ce n’est pas un jouet, c’est ce que j’en puis dire en outre, mais la manifestation et le manifeste de notre ère.
Le présent du présent. Un homme clair, solide, assis, humain, autochtone, autodidacte, auto-mobile dans son désert d’homme.
Là-dessus je pourrais comme tout le monde fait semblant de faire de la critique. Mais tu comprends que j’ai compris et tu
permets que je t’aime. Combien primitif est notre temps et c’est la beauté dont ce livre est la couronne. Soyez-le toujours
davantage (primitifs) et si loin de Georges Meredith et autres anglais, innomables. Fuir ! fuir ! fuir ! C’est le devoir des hommes
d’aujourd’hui : je commence après 25 ans de littérature seulement à m’en douter. J’ai acheté à Paris pour la 1
re
fois de ma vie
un Rimbaud afin de savoir enfin fuir celui-là aussi et surtout ! Fuir ce qui n’est pas le sérieux absolu et faire la grève de la faim.
Je pense qu’une nation de primitifs a envahi les Beaux Arts tellement intelligents avec cette candeur qui te fait ressembler à
un ange un peu méchant, un peu orgueilleux et trop rieur pour être sérieusement pervers. Ceci n’empêche pas le luxe de nos
bracelets moraux. Mais pas d’hamletisme (ceci dit à moi-même) »...