42
106.
Pauline VIARDOT
. L.A.S. « P.V. », Weimar 16 février 1869, à Ivan
T
ourgueniev
; 4 pages in-8.
600/800
S
a
passion
pour
W
agner
. Elle relate la visite du Grand-Duc Karl Alexandre de Saxe-Weimar : « L’amabilité en personne. […] Il
m’a dit avoir une admiration sans bornes comme sans restriction pour moi, pour ma carrière, pour la vie comme je me la suis faite.
[…] Nous avons beaucoup causé, de Liszt, de Wagner, de l’idéal, de l’éducation »… Elle évoque d’autres visites, avant de relater la
représentation de
Lohengrin
: « Cet ouvrage m’a plu bien plus encore qu’à Bade. Mlle Reiss (Elsa) n’est pas très fameuse, elle a une
voix aigrichonne et n’a rien de dramatique. Mme Barney (Ortrud, assez bonne), beaucoup de feu, flambant un peu trop. Lohengrin
Mr Meffert, style Brandes
aîné
. Telramund (Milde) excellentissime. L’orchestre parfait. Le cygne charmant est un vrai pigeon.
Décidément, oui, décidément,
W
agner
est le seul compositeur dont les ouvrages aient de l’intérêt pour moi. Oh, il n’y a pas à le
nier, je suis wagnérienne jusqu’au bout des ongles, mon pauvre ami ! je sens que c’est une pente qui m’entraîne irrésistiblement ».
On va donner le lendemain son opérette
Krake
(
Le Dernier Sorcier
) : « Si
L
iszt
va mieux, il viendra aussi. Ils m’emmènent à Iéna
entendre un concert intéressant ». Il y aura aussi musique chez la Grande Duchesse : « Il faudra que j’aille faire des visites à
mes prime donne. […] Je voudrais tant les faire étudier un peu, ne fût-ce que pour les mettre dans la bonne voie, avant qu’elles
n’apprennent leurs rôles tout à fait ! » Elle demande pour finir des « nouvelles. Travaillez bien. Comment va la nouvelle nouvelle
[
Le Roi Lear de la steppe
] ? Est-elle finie ? »…
Ivan Tourgueniev,
Nouvelle correspondance inédite
(1971), t. I, n° 167.
Reproduction page précédente
107.
Pauline VIARDOT
. L.A.S., Londres 28 octobre [1870], à Ivan
T
ourgueniev
; 4 pages in-8.
500/700
S
ur
la
guerre
de
1870
et
sa
vie
à
L
ondres
.
Elle apprend « la triste nouvelle de la capitulation de Metz. C’est, me paraît-il, le coup de grâce pour la pauvre France. Louis doit
en être bien abattu. Mon Dieu, que tout cela est triste et que va-t-il arriver maintenant ? À quoi pourront aboutir les démarches de
T
hiers
auprès de
B
ismarck
? Il faut absolument que vous arrachiez mon pauvre papa Loulou de son fond d’entonnoir [à Baden] et
que vous guettiez quelques jours de beau temps, les premiers qui se présenteront pour faire le voyage. Je le répète, la maison que
nous habitons est tout à fait suffisante. J’en ai vu plusieurs, mais je préfère celle-ci. Les maîtres sont comme il faut et font eux-
mêmes fort bien le service ». Elle s’inquiète d’être sans nouvelle de Mlle Arnholt (la gouvernante) qui devrait être arrivée : « Voilà
une incompréhensibilissimité ! »… Elle énumère les visites qu’elle a reçues, dont le violoniste Hamer et le violoncelliste Lasserre,
« ami de Saint-Saëns. Ces derniers sont venus s’offrir pour faire de la musique quand je voudrai. C’est toujours quelque chose ».
Elle craint que le violoncelliste russe Bernhard
C
ossmann
« ne trouve pas grand-chose à faire car il y aura cet hiver une avalanche
de râcleurs, souffleurs et tapoteurs. Si la tournée avec
B
eale
a lieu (ce qui est probable), il n’y aura que des chanteurs avec moi, un
quatuor et pas d’instrumentistes »... Elle a « un peu circulé hier, à pied, par un temps superbe. Nous avons été jusqu’au Crescent,
entre Oxford st. et Regent st. Que ce Londres est donc immense ! toutes les rues en sont longues à perte de vue ! »…
Ivan Tourgueniev,
Nouvelle correspondance inédite
(1971), t. I, n° 168.
108.
Pauline VIARDOT
. L.A., Londres 29 mars [1871], à Ivan
T
ourgueniev
; 2 pages in-8.
400/500
« Oh cher ami, hâtez-vous de revenir ! Ne restez pas une heure de plus qu’il n’est absolument nécessaire ! » Elle le supplie de
ne pas s’arrêter à Saint-Pétersbourg : « Promettez-moi de ne pas vous laisser retenir un instant dans cette fatale ville ! de grâce ».
Elle a rejeté l’offre de Nikolai
R
ubinstein
(d’être professeur de chant au Conservatoire de Moscou) : « Je ne puis pas me séparer
pendant 7 mois de ma famille, et avec Louis, on ne peut pas penser à l’y mener. Proposez-lui de ma part Louise [sa fille]. S’ils ont
besoin d’un bon professeur, il se pourrait qu’elle acceptât la place à Moscou, à présent qu’elle se porte mieux. Ils ne sauraient
trouver quelqu’un qui eût autant qu’elle la méthode de la famille ». Puis elle relate une soirée musicale dans l’atelier d’Edmund
L
eighton
: «
R
osenhain
a joué
parfaitement
, sa femme a chanté bien et peu sympathiquement
Kenst du das Land
de Beethoven,
la grosse petite
B
randes
a joué délicieusement du piano, moi, j’ai chanté la scène d’
Alceste
et la
Caña
. À mon grand étonnement,
j’étais très bien en voix, et il me semble que j’ai eu les honneurs de la soirée. Cette nuit, j’ai bien dormi, pour la 1
re
fois depuis
15 jours ! […] revenez, ami, revenez auprès de gens qui ne sauraient être heureux sans vous ».
Ivan Tourgueniev,
Nouvelle correspondance inédite
(1971), t. I, n° 169.
109.
Pauline VIARDOT
. L.A.S. « P. », Weimar 1
er
-2 mai [1879], à Ivan
T
ourgueniev
; 4 pages in-8.
600/800
S
oirées musicales
à
W
eimar
avec
sa
fille
L
ouise
H
éritte
, dont on va jouer l’opéra
Lindoro
(2 mai).
Il fait froid : « Un peu plus nous verrons des loups se prélasser dans les rues de Weimar ! Mais cela ne fait rien et n’empêche que
je n’aie très bien fait de venir avec Louise set que je n’aie déjà une forte envie d’être de retour. Bonjour, mon cher bon Tourgline,
si vous croyez qu’il me reste beaucoup de temps pour écrire des lettres, vous faites erreur. […] La répétition a été beaucoup mieux
qu’hier, quoiqu’il y ait bien à dire. En somme, cela ira bien, j’espère. J’attends mon équipage avec les chevaux beurre frais pour
aller donner ma leçon au château ». Elle va dîner chez
L
assen
(le chef d’orchestre du Théâtre Grand-Ducal) avec
L
iszt
: « Je dois
leur chanter quelques mélodies de Louise,
Lamento
, la
Manola
,
Malédiction
. Puis on rentrera s’habiller pour la soirée qui a lieu
chez Mme de
M
eyendorff
après le théâtre »...
Vendredi 2 mai
. « Après ma leçon, j’ai été retrouver Louise et Berthe chez Mme Lassen. Liszt y est venu aussi et pendant qu’on
apprêtait le dîner, j’ai chanté le
Lamento
, et Louise a chanté
son
Carnaval de Venise. Ces messieurs ont été très contents de ces deux
morceaux. Dîner excellentissime, très gai,
L
iszt
comme toujours
charmant
. Nous sommes rentrées nous reposer et nous habiller.
Chez Mme de Meyendorff, soirée gemüthlich. […] Liszt a joué avec Lassen un scherzo de
B
orodine
et une marche de
T
chaïkovsky
.