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“Retournant dernièrement du Piedmont avec les bandes vieilles, pour avec icelles me conduire au camp que vous dressez en Champagne
(Roi très chrétien), l’affection & l’amour paternel me permit, que passant près de Lyon, je ne misse tout hasard & danger en oubli, pour
aller voir mon petit fils & visiter ma famille. Étant là quatre ou cinq jours (pour le contentement de mon esprit), ce ne fut sans déployer
mes thrésors & prendre garde, s’il n’y avait rien de gâté ou perdu. Mes thrésors sont non or ou argent et pierreries (...) mais les efforts
de mon esprit tant en Latin qu’en votre langue Française (...) je trouvai de fortune deux dialogues de Platon, par moi autrefois traduits
et mis au net” (
Second Enfer
, pp. 52-53).
Ce texte constitue donc le lien factuel par lequel Dolet lie la publication des deux dialogues à sa première épître
au Roi dans lequel il se présentait lui-même comme “traducteur” (cf.
supra
). Autre lien physique cette fois, car
relevant de l’imprimerie elle-même, Dolet rédige un avis
Au lecteur
qu’il placera au verso de la page de titre :
“Au lecteur. Après l’
Enfer
de Dolet, tu trouveras deux Dialogues de Platon” (p. 2 ; A1v). De même, dans l’épître
de Dolet
à ceulx de sa nation
(p. 50), le poète-imprimeur annonce-t-il la publication de ses deux traductions.
Ainsi le livre est-il cousu. C’est ce livre qui le conduira au bûcher puisque Mathieu Ory et les autorités
trouveront dans l’
Axiochus
cette fameuse phrase semblant condamner l’immortalité de l’âme : “après la mort
tu ne seras plus rien
du tout
”. Ce
du tout
inhabituel (cf. lot 46) ajouté aux autres accusations qui pesaient contre
lui, décida de son triste sort.
Claude Longeon a établi autrefois un récit de l’impression du
Second Enfer
qui ne tient plus guère à l’examen
de cet exemplaire. Dolet aurait envoyé son projet de livre à sa femme restée à Lyon, qui aurait maintenu l’atelier
en fonctionnement. Elle aurait imprimé alors le
Second Enfer
sous une forme constituant la première édition
que l’on connaît par quatre exemplaires : Chantilly, Mazarine (Rés. 21994), Göttingen, Bibliothèque Nationale
de Vienne (USTC 15489 — Longeon 250). Or cette édition est éminent fautive, “hâtive” reconnaît même
Longeon. Si elle présente bien les dialogues de Platon, elle ne s’apparente en rien à une impression de Dolet :
absence totale de lettrine, typographie malheureuse, erreurs dans les titres courants inconnues chez celui qui
relisait si bien ses épreuves typographiques. Le titre courant “Au Roy” apparaît n’importe où.