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BAUDELAIRE, Charles.

Les Fleurs du Mal.

Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1857.

In-12 de (3) ff., 248 pp., (2) ff. ; maroquin noir, dos à quatre nerfs, sur le premier plat, grand

cuir incisé, incrusté et peint avec rehauts d'or représentant une femme nue étendue sur un canapé,

encadrement intérieur du même maroquin orné d'un jeu de filets dorés et à froid, doublures et

gardes de moire ocre, rouge et verte, tranches dorées sur témoins, couvertures conservées

(reliure de

Marius Michel, cuir incisé de Guétant, 1910).

Édition originale.

L'exemplaire, bien complet des six pièces condamnées, comporte la faute “Feurs” au titre courant des

pages 31 et 108, et la faute “captieux” pour “capiteux” au premier vers de la page 201, marques de

première émission. En revanche, la couverture est en seconde émission.

Exceptionnel exemplaire de Sainte-Beuve enrichi, sur le faux titre, d'un envoi autographe signé :

à Sainte Beuve,

amitié filiale,

Ch. Baudelaire

La dédicace autographe témoigne de l'affection du poète pour son aîné. Le respect et la fidélité que

Baudelaire manifesta sa vie durant envers “l'oncle Beuve” ne fut pas dénuée d'ambiguïté et souvent à

sens unique.

Lorsqu'il s'attela à la rédaction de son

Contre Sainte-Beuve

, Marcel Proust releva le déséquilibre de la

relation : “Sainte-Beuve, touché de l'admiration, de la déférence, de la gentillesse de Baudelaire qui

tantôt lui envoyait des vers (…) et lui écrivait sur

Joseph Delorme

, sur

Les Consolations

, sur ses

Lundis

les

lettres les plus exaltées (...) n'a jamais répondu aux prières réitérées de Baudelaire de faire même un

seul article sur lui. Le plus grand poète du XIX

e

siècle ne figure pas dans les

Lundis

(…). Du moins,

il n'y figure qu'accessoirement. Une fois, au moment du procès, Baudelaire implore une lettre

de Sainte-Beuve le défendant : Sainte-Beuve trouve que ses attaches avec le régime impérial le lui

interdisent, et se contente de rédiger anonymement un plan de défense dont l'avocat était autorisé à

se servir, mais sans nommer Sainte-Beuve (…). Mais il avait adressé à Baudelaire une lettre sur

Les Fleurs du Mal

qui a été reproduite dans les

Causeries du lundi

, en faisant valoir, pour diminuer sans

doute la portée de l'éloge, que cette lettre avait été écrite dans la pensée de venir en aide à la défense.

Il commence par remercier Baudelaire de sa dédicace [et] ne peut pas se décider à dire un mot

d'éloge.” Et Proust d'ironiser sur la célèbre et probablement unique phrase témoignant de l'intérêt

critique de Sainte-Beuve pour les poèmes de son ami : “Vous avez dû souffrir beaucoup, mon cher

enfant”… “Avec Sainte-Beuve, que de fois on est tenté de s'écrier : quelle vieille bête ou quelle vieille

canaille !” (Proust,

Contre Sainte-Beuve

, Pléiade, 1971, pp. 243-245).

En dépit de l'attitude hautaine du critique, l'envoi témoigne bien d'une “filiation” : la lecture de

Sainte-Beuve – tout particulièrement celle du recueil

Volupté

– fut en effet décisive pour le jeune

Baudelaire qui composa un poème en hommage au livre dénué de toute flagornerie.

“Ce fut dans ce conflit de molles circonstances / Mûri par vos sonnets, préparé par vos stances, / Qu'un soir, ayant flairé

le livre et son esprit, / J'emportai sur mon cœur l'histoire d'Amaury (…) / J'en ai tout absorbé, les miasmes, les parfums,

/ Le doux chuchotement des souvenirs défunts (…) / J'ai partout feuilleté le mystère profond / De ce livre si cher aux âmes

engourdies / Que leur destin marqua des mêmes maladies, / Et devant le miroir j'ai perfectionné / L'art cruel qu'un Démon en

naissant m'a donné, / De la douleur pour faire une volupté vraie, / D'ensanglanter son mal et de gratter sa plaie.”