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«
M
AIS MOI
SI
CHANGEANT AVEC
LES AUTRES
,
SI OUBLIEUX DÈS
L
'
ABSENCE
...
»
«
Mon cher Louis, nous sommes de
mauvais correspondants ! Quand je
t'écris tu ne me réponds pas, et toi tu
m'as écrit dernièrement une gentille
lettre et je ne t'ai pas encore répondu.
Au reste, tu imagines assez la cause de
mon silence. Tu me demandais si tu
pouvais venir dans la journée. Comme
CHAQUE
JOUR
J
'
ESPÈRE
INAUGURER
LE
LENDEMAIN UNE VIE DE
JOUR
, j'attendais
toujours pour t'écrire : "oui".
H
ÉLAS
,
LES
JOURS
PASSENT
,
COMME
ILS
PASSENT
DEPUIS
PLUSIEURS
ANNÉES
DÉJÀ
,
SANS
APPORTER
L
'
AMÉLIORATION
qui me
permettrait de te voir le jour. Il y a
bien quelques jours isolés. Mais ne le
sachant pas d'avance, si je voulais te
prévenir, je ne saurais où te trouver et
c'est trop rare pour tabler là-dessus.
Peut-être même cette lettre ne te
trouvera-t-elle plus à Paris et es-tu
déjà parti pour le Midi. Moi, je crois
que je resterai à Paris jusqu'au mois de
juillet mais je crois bien que cette fois
j'aurai la raison de n'y revenir jamais.
D'ailleurs mon bail expire et je ne
chercherai pas d'autre appartement.
J
E
T
'
ASSURE
QUE
SOUVENT
JE
REGRETTE
QUE
LA
VIE
ET
MON
ÉTAT
DE
SANTÉ
NE
NOUS
AIT
PAS
PERMIS
DE
DONNER
SUITE
À
CETTE
BELLE
PRÉFACE
D
'
AMITIÉ QUE
NOUS
AVIONS
EUE
. M
AIS MOI
SI
CHANGEANT
AVEC
LES
AUTRES
,
SI OUBLIEUX DÈS
L
'
ABSENCE
,
J
'
AI POUR
TOI
SEUL UNE VERTU DE
FIDÉLITÉ
.
Et je t'ai gardé sinon toute
l'affection immense d'autrefois, au moins je t'assure une amitié bien profonde qui, si jamais la vie plus
heureuse lui en donnait l'occasion, reprendrait bien vite racine auprès de toi.
N
OUS AVONS
EN
COMMUN
TROP DE
TRISTES
ET DE DOUX
SOUVENIRS
POUR QUE
JE
PUISSE
JAMAIS
PENSER À
TOI AUTREMENT QU
'
AVEC UNE
VÉRITABLE
TENDRESSE
.
Et les souvenirs de ta bonté ne s'effaceront jamais de mon cœur...
»
44
PROUST
(Marcel). Lettre autographe
signée «
Marcel Proust
». «
Samedi
» [14 mars
1908].
1.000/1.500
4 pp. in-8, liseré de deuil ; date de réception du 16 mars 1908 au
composteur, apostille autographe du destinataire, «
Répondu
».