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ACADÉMIE FRANÇAISE

eslu vous ne vous feriés plus prier pour

occuper une place qu’on ne pouroit plus

vous soupconner d’avoir recherchée. Il s’est

trompé et vous l’avés refusée. Je veux croire

que c’est pour de bonnes raisons. Vous m’en

allégués mesme une considerable c’est asca-

voir l’embarras d’avoir à louer dans vostre

harengue l’Ennemi des Homeres et des Vir-

giles [PERRAULT]. On pouroit neanmoins

vous respondre que c’estoit au contraire

une belle occasion à un Isocrate comme

vous de montrer ce que peut l’Eloquence

sur les sujets les plus ingrats. Quoi qu’il en

l’Academie. Tout m’en paroist extraordinaire

et principalement le zele immoderé de Mr

de TOUREIL. Il semble que ce traducteur de

Demosthene n’ayt faict voir en cela toute sa

prudence ordinaire. Je vous avoue nean-

moins que je ne sçaurois condamner la

violente intention qu’il a eue de donner à

l’Academie un associé de vostre merite et de

vostre dignité. Quelque peu disposé que vous

parussiés à accepter la place d’Academicien

il a creu vraisemblablement entrevoir dans

vos yeux une envie d’y estre forcé et s’est

persuadé qu’au moment que vous seriés

soit vostre gloire est entierement à couvert

et quelque mauvaise humeur que les Aca-

demiciens concoivent contre vous ils ne

scauroient nier qu’ils ne vous ayent tous

donné leur suffrage. Il n’en est pas ainsi de

l’Academie et un refus comme le vostre

ne sçauroit jamais lui faire honneur. Elle a

pourtant taché depuis peu de rhabiller sa

gloire en eslisant à vostre place Monsieur le

Coadjuteur de Strasbourg [ROHAN] et elle a

pris à mon sens un très sage parti. Quelque

merite neanmoins qu’ayt ce Prince et quelque

beau que soit le nom de Soubize je doute

que dans une Compagnie de gens de lettres

comme l’Academie il sonne plus agreable-

ment à l’oreille que le nom de La Moignon.

Cependant Monsieur quelque beau que

soit vostre triomphe je suis persuadé que

de l’humeur noble et modeste dont je vous

connois vous estes très fasché davoir causé

ce déplaisir à une compagnie apres tout

très illustre qu’aucun motif de vanité ne sest

meslé dans les considerations qui vous ont

empesché dy vouloir estre admis et que vous

affecterés de les tesmoigner ainsi à toute

la Terre. C’est le parti à mon avis que vous

devés prendre. Du reste faictes moi aussi de

vostre costé la grace de croire que jay pour

vous et pour toute vostre illustre maison le

mesme zele que jay eu autrefois. Cest de

quoy j’espere les vacations prochaines vous

entretenir plus particulierement à Basville

Au

pié de ces costeaux où Polycrene espand

ses liberales eaux

 »…

Œuvres complètes

, Bibl. de la Pléiade, p. 819.

Provenance

 : collections Mathieu-Guillaume

VILLENAVE (inscription en tête de la lettre),

puis marquis de L’AIGLE (25 mai 1973, n° 208)

L’Académie française au fil des lettres

,

p. 88-91.

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