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ACADÉMIE FRANÇAISE

502

BOILEAU-DESPRÉAUX Nicolas

(1636-1711) [AF 1684, 1

er

f].

L.A.S. « Despreaux », Paris 10 décembre 1701, à son ami

Claude BROSSETTE ; 3 pages in-4, montage à fenêtre

(portrait joint).

8 000 / 10 000 €

Superbe lettre avec des vers, sur Chapelain, Racine et la pronon-

ciation du latin

.

[Il y est notamment question du

Chapelain décoiffé

. Cette parodie

anonyme du

Cid

, qui se moque aussi du poème épique de Jean

CHAPELAIN

La Pucelle ou la France délivrée

, et des

Sentiments de

l’Académie sur le Cid

qu’il avait rédigés, est une œuvre collective

composée par les joyeux poètes qui se réunissaient à l’auberge de

la Croix blanche

, notamment Boileau, Chapelle, Furetière, La Fon-

taine, Racine ; elle avait paru pour la première fois en 1665, et avait

fait depuis l’objet de plusieurs éditions.]

L’auteur des

Satires

, avec beaucoup de verve, critique les deux livres

que Brossette lui a envoyés (le 25 novembre), et récuse l’attribution

qui lui en a été faite. Il ne peut être l’auteur d’écrits aussi médiocres :

« Jay aussitost examiné ces deux ouvrages et je vous avoue que

j’en ay esté très peu satisfaict. Celui qui porte pour titre

L’Esprit des

Cours

[gazette publiée en Hollande par Nicolas Gueudeville] vient

d’un Auteur qui a selon moi plus de malin vouloir que d’esprit et qui

parle souvent de ce qu’il ne scait point. C’est un mauvais imitateur du

Gazetier de Hollande et qui croit que c’est bien parler que de parler

mal de toutes choses. A l’égard du Chapelain décoeffé c’est une pièce

ou je vous confesse que M

r

RACINE et moi avons eu quelque part

mais nous n’y avons jamais travaillé qu’a table le verre a la main. Il

n’a pas esté proprement faict

currente calamo

mais

currente lagenâ

et nous n’en avons jamais escrit un seul mot. Il n’estoit point comme

celui que vous m’avés envoié qui a esté vraisemblablement composé

après coup par des gens qui avoient retenu quelques unes de nos

pensées mais qui y ont meslé des bassesses insupportables. Je n’y

ay reconnu de moi que ce trait

Mille et mille papiers dont la table est couverte

Semblent porter escrit le destin de ma perte

et celui ci

En cet affront la Serre est le tondeur

Et le tondu Pere de la Pucelle

.

Celui qui avoit le plus de part a cette piece c’estoit FURETIÈRE et

c’est de lui

O perruque m’amie,

N’as tu donc tant vescu que pour cette infamie

.

Voila Monsieur toutes les lumieres que je vous puis donner sur cet

Ouvrage qui n’est ni de moi ni digne de moi. Je vous prie donc de

bien détromper ceux qui me l’attribuent ».

Puis Boileau en vient à la prononciation du latin [il avait posé à l’Aca-

démie des Médailles la question : « Selon notre manière de prononcer

la prose et les vers latins, sentons-nous la véritable harmonie ? »]. Il

attend la décision de « vos Messieurs » [de l’Académie de Lyon] « sur

la prononciation du Latin et je ne vous cacherai point qu’ayant proposé

ma question a l’Academie des medailles il a esté decidé tout d’une

voix que nous ne le scavions point prononcer et que s’il revenoit au

monde un

civis Latinus

du temps d’Auguste il riroit a gorge deploiée

en entendant un francois parler Latin et lui demanderoit peut estre,

quelle langue parlés vous la ? Au reste apropos de l’Academie des

medailles je suis bien aise de vous avertir qu’il n’est point vrai que

j’en sois ni pensionnaire ni Directeur et que je suis tout au plus quoi

quen dise l’escrit que vous avés vu un volontaire qui y va quand il

veut mais qui ne touche pour cela aucun argent »...

Œuvres complètes

, Bibl. de la Pléiade, p. 660.

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