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les collections aristophil

de mystère ! gibet ! Je vous serai éloquent tel quel ? Vous vous

balancerez ? »

qui devient

« lecteurs, spectateurs, vrais de vrais

demandent qu’une chose, qu’on vous suspende ! et vite ! haut,

court ! Vous vous balancerez ? »

Certains extraits raturés sont écrits avec plus de fièvre encore.

« La petite Anne Franck avait le monde entier pour elle, nous

le monde entier contre… La petite Anne Franck rigolait dans son

grenier d’Amsterdam, nous on a passé pour d’autres ! On nous

as pas tourné un film, la propagande ce qu’elle fait du pognon et

honneurs […] »,

qui devient après rature,

« La petite Anne Franck

préparait son film dans les greniers d’Amsterdam, nous on a rien

tourné […]. »

Certains mots sont réécrits, probablement par Marie Canavaggia,

qui était la secrétaire littéraire de Céline et en qui il avait une

confiance absolue. « Mais il faut me garder Marie Canavaggia.

Ah j’y tiens absolument ! Elle fait partie du travail. » (Lettre du

13 janvier 1952,

Lettres à la N.R.F. : 1931-1961,

Paris, Gallimard, 1991,

p. 143. Probablement adressée à Claude Gallimard.)

Envoi autographe signé :

« Hommage à Renée Cosima Bollore [sic]

maman d’Anne. Meudon 6 juin 60 LF Céline »,

sur la dernière page.

Une demi-douzaine de « languettes » manuscrites numérotées

sont intercalées entre les feuillets.

Document exceptionnel, à la fois manuscrit de travail et version

définitive du roman.

Sentant la mort arriver, Céline a préféré

avancer rapidement et ne pas rédiger de nouvelle version au

propre de son manuscrit. Cette hâte explique l’écriture parfois

saccadée des dernières pages.

Très légers frottements à la coiffe.

La version dactylographiée remise à Gallimard le 23 décembre

1959, est la stricte transcription du présent manuscrit.

Avec cette œuvre, Céline continue d’opérer sa métamorphose

stylistique amorcée dans

Mort à Crédit

, en déstructurant la phrase

et en l’étirant. 90 mots pour une phrase courante dans

Nord

contre respectivement 11 et 16 mots pour

Mort à Crédit

et

Voyage

au bout de la nuit

(François Richaudeau, « Les phrases de Céline

ou la cohérence dans le délire »,

Communication & Langages,

1984, p. 53-75).

Nord

est le deuxième ouvrage de la trilogie allemande célinienne

composé de

Rigodon

et

D’un château l’autre.

L’intrigue de

Nord

se situe quelques mois après la libération de

Paris en 1944. Hitler décide d’installer le gouvernement vichyste en

exil dans le château allemand de Sigmaringen. Parmi les partisans

du régime, on retrouve Lucien Rebatet, l’acteur Robert le Vigan

et enfin Céline qui va se nourrir de cet épisode historique pour

échafauder sa trilogie.

Nord

décrit une Allemagne en ruines et décimée par les

bombardements. De Baden Baden à Zornhof au nord ouest de

Berlin, le narrateur tente d’échapper à l’Épuration. Entouré de

Lili, Bébert ou encore La Vigue, il raconte non sans humour noir

ses manœuvres, ses désaveux, ses subterfuges pour atteindre le

Nord, et fuir par le Danemark.

Les très nombreux mots ou passages biffés, corrigés ou

ajoutés, témoignent de la personnalité minutieuse de l’auteur

qui retravaillait inlassablement ses brouillons. Il entoure, rature

et appose des croix à côté des mots ou des tournures qui lui

déplaisent.

« lecteurs, spectateurs, vrais de vrais demandent

qu’une chose, qu’on vous suspende ! et vite ! haut, court ! pas