Previous Page  13 / 80 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 13 / 80 Next Page
Page Background

histoire

11

pouvons vraiement dire que l’univers entier disparaît pour nous et que

nous ne pensons qu’à nous deux et à notre amour, qui est devenu

notre vie »… Sa lettre a dû dissiper ses idées de mauvaise volonté,

à propos de leur rencontre manquée, ce matin, et de son retard

involontaire après dîner. Demain, selon la température, « nous nous

rencontrerons ou bien à pied, ou bien en traineau. Jeudi, si je ne vais

pas à la chasse, en traineau, ainsi que vendredi et le soir à 6 h dans

notre cher nid. – Je vais me coucher en te répettant le cri de mon

cœur, c.-à-d. du tien : que je t’aime plus que la vie »…

Mercredi 3/15 janvier 1868, 9 h ½ du matin-6 h ¾ du soir

« N° 3 ». « Oh !

merci, merci, du fond de mon âme, pour toutes tes bonnes paroles

et encore une fois pour la délicieuse surprise, que tu m’avais préparé

dans notre cher nid et tout le bonheur que tu m’as donné et dont

je me sens encore tout imprégné. C’est bien moi qui me sens fou

de tout ton être et heureux d’avoir pu te faire partager la jouissance

inouïe que ton contacte me fait toujours éprouver. Rappèles-toi

seulement de l’expression de mes yeux et mon bonheur d’en voir

le reflet dans les tiens pendant que nous étions

un

. Il y a vraiement

de quoi devenir fou, de devoir la plus grande jouissance, qui existe

dans cette vie, à l’être aimé et de l’éprouver en commun, c’est pour

cela que nous adorons

nos bingerles

et que nous sommes heureux

de nous être donnés l’un à l’autre et de ne former plus qu’un être de

corps et d’âme. La seule chose qui nous manque, c’est de pouvoir

nous donner devant Dieu et les hommes le nom que nous nous

donnons tous les deux dans nos cœurs. J’espère qu’Il ne nous

refusera pas ce bonheur dans l’avenir »… L’après-midi, il a le bonheur

de la rencontrer en traineau, en route au ballet, et avant de se rendre

à l’Institut Nicolas ; le soir, il se défend contre le reproche d’être allé

au théâtre au lieu d’avoir cherché à la voir… « N’oublies pas que toute

ma vie est en toi et pense un peu à nos bons moments d’hier pour

te redonner du courage »…

Vendredi 5/17 janvier 1868, 11 h ½ du soir

« N° 5 ». Il est « tout imprégné »

de leur chère soirée, qui a passé trop vite : « ce qu’il m’en coûte quand

vient l’horrible moment où nous devons nous séparer, tandis que nous

voudrions ne jamais nous quitter. Oh ! que Dieu ait pitié de nous et

nous accorde un jour ce bonheur, car nous sentons tous les jours

davantage que nous ne pouvons plus vivre l’un sans l’autre. Tu as vu,

cher Ange, tout le bonheur que tu as su de nouveau me donner et

combien j’ai été surtout heureux quant à la fin je suis parvenu à te faire

partager la jouissance inouïe, que tu sais toujours me faire éprouver.

Je regrette seulement de n’avoir plus eu le temps de te contenter,

comme je l’aurais voulu et d’avoir dû te quitter au beau milieu de notre

2

d

bingerle. Et j’étais à peine remonté que mon fils Serge est venu me

chercher pour le thé, pour lequel ma sœur nous a fait la surprise de

venir. Heureusement encore que tout s’est passé bien et sans aucune

explication. J’espère que le bracelet, que je t’ai donné ce soir et que

nous embrassâmes ensemble, pendant notre bingerle, te rappelera

nos moments de délire de bonheur »… Cependant il s’interroge sur

ses moments de mauvaise humeur, et ses accusations de manquer

de bonne volonté lorsqu’ils ont du guignon pour se rencontrer à la

promenade : « Au point où nous en sommes et nous connaissant à

fond, il me semble qu’il serait temps que tu saches à quoi t’en tenir

et ne pas me faire de la peine et me blesser même par ton manque

de confiance, qui dans le fond n’existe pas en toi, mais que tu fais

semblant de me montrer rien que par caprice. […] Je m’aperçois de

nouveau que notre bingerle, qui nous fait toujours oublier l’univers

entier, m’a derechef fait oublier de te parler de l’affaire que je voudrais

t’arranger selon tes désirs »… Il espère la voir le lendemain soir à la

noce : « j’ai soif de te voir aussi dans le monde,

pour jouir

et être fier

de mon bien, comme je l’ai éprouvé à Paris »…

1302