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les collections aristophil
1090
PROUST Marcel
(1871-1922).
2 L.A.S. « Marcel Proust », [juillet 1907], à Robert de FLERS ;
3 pages in-8 (deuil), et 4 pages in-8.
3 000 / 4 000 €
Deux émouvantes lettres lors du décès de la grand-mère mater-
nelle de Robert de Flers, Mme de Rozière, à laquelle Proust était
très attaché
.
[Mme Eugène de ROZIÈRE, née Louise-Claire Giraud (1830-1907),
est décédée le 20 juillet ; elle sera enterrée dans les caveau familial
au Malzieu (Lozère). Proust lui a consacré un émouvant article,
Une
grand’mère
, paru dans
Le Figaro
du 23 juillet 1907, dans la rubrique
« La vie de Paris ».
[21 juillet]
. « Mon cher petit Robert Je peux à peine t’écrire les larmes
m’aveuglant, je viens de lire la note du
Figaro
, je ne la verrai plus jamais
ta chère, ta bien aimée petite grand’mère ! Mais mon pauvre petit
que vas-tu devenir, que deviendrais-tu sans cette douce conscience
d’avoir été la fierté, la douceur, la gaîté, la vie de sa vie, le souffle de
son corps survivant pour toi. Cher Robert que ta chère femme de
son choix comme du tien qui sut si délicatement et si délicieuse-
ment ne jamais s’offenser de sa jalouse tendresse immense pour toi
doit t’être bonne en ce moment. Que je voudrais pouvoir tâcher de
t’embrasser et de pleurer avec toi. Je vais tâcher de me lever, mais
je garde le lit de nouveau depuis quinze jours, n’importe. Mon cher
petit je suis à toi de toute l’immensité de nos souvenirs communs,
de toute l’amertume de mon cœur navré, aujourd’hui où tu aurais si
besoin de celle que tu perds pour t’adoucir la seule douleur où elle
ne puisse pleurer avec toi »…
102 boulev
d
Haussmann [vers le 25 juillet]
. Il s’inquiète de n’avoir rien
reçu de Robert « à propos d’un article que j’ai fait dans
le Figaro
sur
ta grand’mère » ; il sait « qu’on ne songe pas écrire des lettres à ces
moments-là et que souvent on ne le peut pas. D’ailleurs mon affec-
tion pour ta grand’mère était trop grande pour que cette marque de
souvenir me fût si naturelle qu’elle ne comportait dans ma pensée nul
remerciement obligé. Seulement Reynaldo m’a dit avoir le jour même
reçu une lettre de remerciements de toi ». Alors il craint qu’une lettre
soit partie à son ancienne adresse : « je suis maintenant boulevard
Haussmann, […] et c’est peut’être mon silence à moi qui t’étonne! »…
Il s’était préparé pour partir en Lozère, « mais j’ai été au dernier
moment trop malade, et cela a épargné un voyage inutile, car on avait
dit chez toi quand je t’avais fait porter ma lettre que l’enterrement était
au Malzieu le Mardi. Et voyant que je n’étais pas en état d’y aller, que
des fleurs n’arriveraient que fanées j’ai remplacé les adieux que j’aurais
voulu dire à ta grand’mère par ces adieux écrits. Et cela a mieux valu.
Car ainsi elle est aimée et appréciée d’une foule d’inconnus dignes
de la comprendre et qui m’écrivent : “Quelle femme exquise devait
être Madame de Rozière.” Il me semble que grâce à mes pauvres
lignes, on vous aimera et admirera tous deux encore un peu plus et
cela m’est très doux dans ma peine. Puisse cela te l’être aussi dans
ton désespoir. Je ne sais si tu auras pu lire cette lettre écrite avec
une plume atroce de mon lit où je n’en ai pas d’autre, sur cet affreux
papier. Tendrement à toi mon cher petit »... Il regrette de n’avoir pu
dire « que ta grand’mère adorait aussi ta mère et tes sœurs », et aussi
qu’on ait coupé un passage de l’article…
Correspondance
, t. 227 et 233.