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les collections aristophil
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PROUST Marcel
(1871-1922).
L.A.S. « Marcel », [31 décembre 1903], à Robert de FLERS ;
3 pages in-8 (deuil).
1 000 / 1 500 €
Jolie lettre accompagnant un cadeau choisi chez Émile Gallé, et
évoquant Louisa de Mornand
.
Il a été touché par la lettre de son « cher petit Robert », et a eu plaisir
« à condenser et à incarner mon amicale émotion en quelque verrerie
légère et allégorique de GALLÉ », en lui offrant « un petit souvenir.
Mais une fois chez Gallé j’ai renoncé à mon idée première ayant
vu un service de table qui m’a plu, très sobre mais qui poetise le
champagne et l’eau du joli bourgeon d’or qui s’encourbe autour de
l’écume de l’un et du cristal de l’autre. […] Tu verras qu’il te manque
une flûte à champagne. C’est que j’ai voulu sur celle qui servira à ta
chère femme [née Geneviève Sardou, épousée en 1901], faire graver
le nom de ton prochain triomphe, pour qu’elle puisse boire au succès
de la Montansier [
La Montansier
, comédie historique de R. de Flers
et G. de Caillavet, sera créée à la Gaité le 24 mars 1904]. Comme
c’est très difficile de graver un nom – même d’un succès durable –
sur cette surface fragile, que souvent le verre indocile se brise avant
d’avoir voulu le recevoir, cette flûte-là ne sera prête, avec son petit
air de triomphe, que dans quelques jours »...
Quant à Louisa de MORNAND (maîtresse de son ami Louis d’Albufera),
il est content que Robert ait pu lui rendre service en l’engageant (pour
la Montansier
) : « Mais j’ai été déçu que ce fût pour une pièce de toi.
Car si elle devait mal dire (et c’est bien possible) fût-ce une ligne de
toi, je ne me trouverais même pas entre mon amour et mon amitié,
n’ayant pas d’amour pour elle, et je serais tellement désolé que je ne
me consolerais jamais de te l’avoir recommandée »...
Correspondance
, t. III, p. 468.
1087
PROUST Marcel
(1871-1922).
L.A.S. « Marcel », [vers la mi-avril 1904], à Robert de FLERS ;
4 pages in-8 (deuil).
1 500 / 2 000 €
Remerciement pour une note signalant la parution de sa traduction
de
La Bible d’Amiens
de Ruskin
(dans
Le Figaro
du 3 avril).
« Par suite de maladies, c’est-à-dire d’aggravation de mon état habi-
tuel », il vient seulement de trouver cet article, « beaucoup plus ancien
que tu ne m’avais dit, ce qui est encore beaucoup plus touchant de
hâte gentille que je ne pensais. Et j’ai lu ces choses charmantes ; dans
le flot moqueur et transparent de ta dialectique agitée et profonde ce
grain de bon sens bien usé d’Alphonse Karr reprend une fraîcheur, un
éclat que je ne lui avais jamais trouvé. Tu es mieux qu’un sertisseur
de perles. Tu ressembles plutôt au personnage des Mille et une nuits
qui émerveilla mon adolescence et qui changeait les vieilles lampes
en neuves [Aladin]. Ce modeste miracle devient très grand quand il
s’agit des choses de l’esprit. Et tu as su rendre à cette vieille lampe
usée des feux, presque des rayons qui éclairent la situation présente
fort nettement. Oserais-je te confesser que ce n’est pas à cela que j’ai
été le plus sensible. Et que pour une fois ce que j’ai le plus aimé en
toi ce n’était pas comme dit Musset toi-même, mais moi, ou plutôt
toi-même par rapport à moi, le charmant, le doux de ton éloge,
toute la grâce de l’intention qui amenait ainsi
la Bible d’Amiens
du
fond de ces eaux tumultueuses et claires, comme l’église d’Is dont
on voyait le clocher au fond de la mer de Bretagne. Tu es un ami
exquis que j’adore »...
On lui a dit au
Figaro
que son départ avait été retardé par un mal
de gorge : « J’espère que cela n’a pas duré et que tu as pu goûter
un peu avec ta femme du soleil et des fleurs qui me font si mal mais
que j’aime tant. »
Correspondance
, t. IV, p. 113.