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les collections aristophil

1086

PROUST Marcel

(1871-1922).

L.A.S. « Marcel », [31 décembre 1903], à Robert de FLERS ;

3 pages in-8 (deuil).

1 000 / 1 500 €

Jolie lettre accompagnant un cadeau choisi chez Émile Gallé, et

évoquant Louisa de Mornand

.

Il a été touché par la lettre de son « cher petit Robert », et a eu plaisir

« à condenser et à incarner mon amicale émotion en quelque verrerie

légère et allégorique de GALLÉ », en lui offrant « un petit souvenir.

Mais une fois chez Gallé j’ai renoncé à mon idée première ayant

vu un service de table qui m’a plu, très sobre mais qui poetise le

champagne et l’eau du joli bourgeon d’or qui s’encourbe autour de

l’écume de l’un et du cristal de l’autre. […] Tu verras qu’il te manque

une flûte à champagne. C’est que j’ai voulu sur celle qui servira à ta

chère femme [née Geneviève Sardou, épousée en 1901], faire graver

le nom de ton prochain triomphe, pour qu’elle puisse boire au succès

de la Montansier [

La Montansier

, comédie historique de R. de Flers

et G. de Caillavet, sera créée à la Gaité le 24 mars 1904]. Comme

c’est très difficile de graver un nom – même d’un succès durable –

sur cette surface fragile, que souvent le verre indocile se brise avant

d’avoir voulu le recevoir, cette flûte-là ne sera prête, avec son petit

air de triomphe, que dans quelques jours »...

Quant à Louisa de MORNAND (maîtresse de son ami Louis d’Albufera),

il est content que Robert ait pu lui rendre service en l’engageant (pour

la Montansier

) : « Mais j’ai été déçu que ce fût pour une pièce de toi.

Car si elle devait mal dire (et c’est bien possible) fût-ce une ligne de

toi, je ne me trouverais même pas entre mon amour et mon amitié,

n’ayant pas d’amour pour elle, et je serais tellement désolé que je ne

me consolerais jamais de te l’avoir recommandée »...

Correspondance

, t. III, p. 468.

1087

PROUST Marcel

(1871-1922).

L.A.S. « Marcel », [vers la mi-avril 1904], à Robert de FLERS ;

4 pages in-8 (deuil).

1 500 / 2 000 €

Remerciement pour une note signalant la parution de sa traduction

de

La Bible d’Amiens

de Ruskin

(dans

Le Figaro

du 3 avril).

« Par suite de maladies, c’est-à-dire d’aggravation de mon état habi-

tuel », il vient seulement de trouver cet article, « beaucoup plus ancien

que tu ne m’avais dit, ce qui est encore beaucoup plus touchant de

hâte gentille que je ne pensais. Et j’ai lu ces choses charmantes ; dans

le flot moqueur et transparent de ta dialectique agitée et profonde ce

grain de bon sens bien usé d’Alphonse Karr reprend une fraîcheur, un

éclat que je ne lui avais jamais trouvé. Tu es mieux qu’un sertisseur

de perles. Tu ressembles plutôt au personnage des Mille et une nuits

qui émerveilla mon adolescence et qui changeait les vieilles lampes

en neuves [Aladin]. Ce modeste miracle devient très grand quand il

s’agit des choses de l’esprit. Et tu as su rendre à cette vieille lampe

usée des feux, presque des rayons qui éclairent la situation présente

fort nettement. Oserais-je te confesser que ce n’est pas à cela que j’ai

été le plus sensible. Et que pour une fois ce que j’ai le plus aimé en

toi ce n’était pas comme dit Musset toi-même, mais moi, ou plutôt

toi-même par rapport à moi, le charmant, le doux de ton éloge,

toute la grâce de l’intention qui amenait ainsi

la Bible d’Amiens

du

fond de ces eaux tumultueuses et claires, comme l’église d’Is dont

on voyait le clocher au fond de la mer de Bretagne. Tu es un ami

exquis que j’adore »...

On lui a dit au

Figaro

que son départ avait été retardé par un mal

de gorge : « J’espère que cela n’a pas duré et que tu as pu goûter

un peu avec ta femme du soleil et des fleurs qui me font si mal mais

que j’aime tant. »

Correspondance

, t. IV, p. 113.