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les collections aristophil
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STENDHAL (1783-1842).
L.A.S. « Lecœur S
s
L
t
», B[runswick] 10
juillet [1807], à sa sœur Pauline Beyle
à Grenoble ; 3 pages in-4, adresse
avec marque postale
N° 51 Grande-
Armée
(déchirure par bris de cachet
sans toucher le texte, petite fente
réparée).
2 000 / 2 500 €
Lettre à sa sœur, signée d’un pseudonyme
fantaisiste, deux jours après la paix de
Tilsitt
.
[Henri Beyle est alors adjoint aux
commissaires des guerres de la Grande
Armée, en poste à Brunswick.]
« Il est probable, ma chère amie, que la
paix va se faire. A cette grande époque que
deviendrai-je ? Resterai-je en Allemagne avec
les troupes qui y resteront probablement en
subsistance, rentrerai-je en France; enfin
serai-je employé à l’expédition des Grandes
Indes ? On oublie les gens qui vont si loin,
sans cela je ne haïrais pas un voyage de
long cours. De toutes mes passions mortes
celle de voir des choses nouvelles est la
seule qui reste.
Je suis très bien à B[runswick] et je m’y
ennuye souvent. Je ne m’ennuierais
certainement pas en fesant la guerre en
Turquie. Tout cela sont des peutêtre. M
r
D[aru] me laissera dans un coin, pour paraître
docile il faudra y rester ».
Il aimerait que « mon grand papa » fasse
une petite lettre pour Martial [Daru] « qui
en écrirait 2 lignes à Z. C’est le seul moyen
de fixer l’attention de cet homme qui a tant
de choses dans sa tête. J’ai voulu avoir la
douceur de te parler un moment avant un
grand dîner de cérémonie où je ne puis
manquer. C’est 2 h.d’ennui.
Pourquoi ne m’écris-tu pas, je ne te demande
pas de raisons, pas d’excuses, écris moi tout
bonnement ce que tu penses, ce que tu fais
ce jour là. Pourquoi veux-tu que nous soyons
morts l’un pour l’autre avant le terme fatal.
Si je vais en Égypte et que j’y sois tué tu te
reprocheras ce cruel silence.
Demande de l’argent dont définitivement je
ne puis plus me passer ».
Il ajoute sur le feuillet d’adresse : « Rien
de nouveau p
r
la paix. Le roi de Suède
recommence la g[uer]re le 19 J
et
».
Correspondance générale
, t. I, p. 606 (n° 279).
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STENDHAL (1783-1842).
L.A., V[ienne] 4 septembre 1809, à sa
sœur Pauline PÉRIER-LAGRANGE à
Grenoble ; 3 pages 1/3 in-4, adresse
avec marque postale
N° I Arm.
d’Allemagne
(légère tache brune).
3 000 / 4 000 €
Belle lettre de Stendhal amoureux à Vienne
.
« Il y a bien longtems que tu ne m’as écrit, ma
chère et bienaimée Pauline. J’ai eu ici avec
moi mon cher Félix [Faure] pendant un mois.
Il part demain pour Grenoble, mais ne parle
pas de son voyage. J’ai reçu une grande lettre
de mon oncle. Je vois que vous avez perdu
encore une belle-sœur. Je crains que tous
ces deuils ne t’attristent. Je voudrais te voir
voyager. Vous êtes à la porte de la Suisse et
de l’Italie. Profitte de ta liberté actuelle. Il faut
secouer la vie autrement, elle nous ronge.
Je t’ai écrit étant assez agité. La passion
qui causait tous ces
spasimi
s’est terminée
d’une manière assez singulière. Elle avait
deux objets liés ensemble. Le 1
er
est devenu
impossible. Quant au second je crois qu’on
a actuellement de l’amour pour moi et qu’on
n’en a que pour moi. Je viens de passer
2 heures dans le tête à tête le plus tendre.
Mais une petite maladie m’empêche de
profitter de cet amour. Je te conterai tout ça
un jour. 2 ou 3 personnes qui connaissent ma
conduite me reprochent d’avoir trop fait pour
l’amour. Mais on ignore tout cela ici. On est
à mille lieues de me croire amoureux. J’ai
cependant fait une imprudence aujourdhuy.
C’est le jour de naissance de B. Ce jour-là
est un jour de fête dans ce pays. Je lui ai
envoyé un joli petit citronnier tout couvert