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Littérature
épouvantable. Nous nous embarquâmes le
lendemain sur l’unique bateau à vapeur de
l’île, qui sert à faire le transport des cochons
à Barcelone. […] Nous étions en compagnie
de
cent pourceaux
dont les cris continuels
et l’odeur infecte ne laissèrent aucun repos,
et aucun air respirable au malade. Il arriva
crachant toujours le sang à pleines cuvettes,
et se traînant comme un spectre ». On a pu
heureusement le soigner…
Elle ne décolère pas contre l’Espagne, « une
odieuse nation ! […] On est dévot, c’est-à-
dire fanatique et bigot, comme au temps
de l’inquisition. Il n’y a ni amitié, ni foi, ni
honneur, ni dévouement, ni sociabilité »...
Ils sont enfin à Marseille. « Chopin a très
bien supporté la traversée. Il est ici bien
faible, mais allant infiniment mieux sous tous
les rapports », et très bien soigné par le
Dr Cauvière…
Correspondance
, t. IV, p. 582 (date inexacte).
tombe en loques, les
Stanze
sont tellement
noires qu’on y voit tout ce qu’on veut. C’est
dans quelques galeries que l’on distingue
enfin quelques personnages de Raphaël qui
vraiment ne laissent rien à désirer. Mais hors
de là son œuvre est une grande blague, et
lui-même est pas mal poseur. Voilà mon
impression, je vous la donne pour ce qu’elle
vaut. En fait de MICHEL-ANGE c’est une autre
paire de manches. Toute abîmée, trouée,
cachée, enfumée qu’elle est, la Chapelle
Sixtine, les plafonds surtout, vous laissent une
stupeur, une terreur, un enthousiasme qui
vous font en pitié regarder tout le reste, les
Ghirlandajo, les Albane, les Salvator [Rosa] et
tutti quanti, – mais non pas M. Titien et autres
Vénitiens que l’on retrouve à Florence, ni les
Rubens et les Van Dyck que l’on retrouve à
Gênes. Mais s’il faut vous le dire, Michel-Ange
comme statuaire écrase tous les antiques, et
comme peintre égale tous les modernes. Sa
couleur est superbe à Rome. Ah ! comme j’ai
pensé à vous, à vos belles pages, les seules
dignes de lui ! Et quand j’ai vu le Moïse, la
Pieta, les tombeaux des Médicis, le Christ
aux bras de la Vierge, l’Adonis et deux ou
trois autres groupes de sa jeunesse que
l’on vante moins et qui malgré quelques
défauts peut-être, sont aussi empreints de
son génie que le reste, comme je me suis
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SAND George (1804-1876).
L.A.S. « G. Sand », [Nohant] 27 juillet
[1855], à Eugène DELACROIX ; 5 pages
in-8 à son chiffre, à l’encre bleue.
2 500 / 3 000 €
Très belle lettre à Delacroix sur la peinture
et sur l’Italie
.
Delacroix vient de lire dans
La Presse
le
chapitre d’
Histoire de ma vie
qui lui est
consacré, mais qui était tronqué : « Je vous
enverrai donc tout l’ouvrage quand il sera
complet. Je trouve qu’on ne peut pas lire
autrement et que ne pouvoir pas se dire
devant un livre, je le lirai à mon jour et à mon
heure, est une manière inventée par ceux qui
n’aiment pas la lecture. Mon ouvrage n’est
pas du genre de ceux qui peuvent plaire en
feuilletons, si tant est que quelque chose
puisse être lisible dépecé ainsi. Je vous
remercie donc beaucoup de ne pas l’avoir
lu de cette manière. Plus tard, vous me direz
votre avis sur l’ensemble, rien ne presse.
Travaillez, c’est vous qui avez un monument
à continuer pour l’écrasement de tous ces
pygmées ».
Elle a été en Italie au printemps dernier : « J’ai
revu à Gênes, et à Florence les vieux maîtres,
j’ai vu Rome que je ne connaissais pas et tous
les RAPHAËL que je n’avais jamais vus. En fait
de Raphaël il y en a de beaux parmi une foule
d’apocryphes. J’entends par apocryphes les
fresques dont il n’a fourni que les cartons
et que ses élèves ont peinturlurés en rouge
brique, en jaune serin et en bleu de prusse.
Ce sont justement ceux-là devant lesquels
les Ingristes se pâment, des Galatées que je
ne voudrais pas avoir en dessus de portes, et
des saints de tout calibre qui ont l’air d’être
faits par des enfants de dix ans, bêtes. Les
Loges se voient avec les yeux de la foi, tout
rappelé notre longue station au palais des
Beaux-Arts devant tous ces modelages en
plâtre, que vous m’appreniez à voir et que
notre pauvre bon CHOPIN ne voulait pas voir.
Vous en souvenez-vous ? Vous souvenez-
vous aussi d’un bas-relief de Luca Della
Robbia représentant des petits chanteurs ?
J’ai retrouvé cela à Florence dans un coin et
je me suis vue avec vous remuant ce plâtre à
peine déballé et découvrant avec vous que
c’était un chef-d’œuvre de naïveté. Tout cela
est plus beau en marbre, c’est plus fin, plus
évidé, plus transparent, surtout ces vieux
marbres polis et jaunis. Le Moïse a l’air d’être
vivant, on le voit respirer, et comme il n’a rien
d’un simple mortel, on est prêt à se sauver
devant une pareille apparition. Eh ! bien, je
suis revenue de tous ces chefs-d’œuvre,
un peu dérouillée de mon long somme à
Nohant, et en arrivant à Paris vers le 15 mai,
j’ai couru à l’exposition, comptant un peu
plus qu’auparavant sur ma raison et sur mon
sentiment. J’ai revu toute votre œuvre, je n’ai
guère regardé autre chose, et je suis sortie
de là vous mettant toujours, sans hésitation
et sans crainte d’aucune partialité, à côté
des plus grands dans l’histoire de la peinture
et au-dessus, mais à deux cent mille pieds
au-dessus de tous les vivants »…
Correspondance
, t. XIII, p. 266.