246
EINSTEIN Albert (1879-1955).
L.A.S. « Dein Papa », Caputh 8 octobre 1932, à son fils Eduard
EINSTEIN; 1 page ¾ in-4 (papier jauni, fente au pli réparée);
en allemand.
Longue lettre à son fils cadet Eduard dit Tetel, souffrant de schi-
zophrénie
.
Que Tetel ne s’inquiète pas d’avoir dû se faire interner pour être soigné
(« in klösterliche Behandlung »). Un ami de sa connaissance à Pasa-
dena était dans un tel état de dépression due à la douleur, au début
de la Guerre, qu’il a dû se rendre dans un hôpital neurologique. Quand
il s’est enfin remis, après y avoir séjourné un an, et qu’on a voulu le
relâcher, il y est resté quand même, en déclarant qu’il n’y avait pas
meilleur refuge pour un travailleur intellectuel (« kein besseres Asyl
für einen geistigen Arbeiter »), et le voilà à ce jour, de bonne humeur
et en excellente santé. Et d’abord, Tetel ne doit plus se tourmenter de
l’affaire du testament : son père n’en parlera plus, qu’il se rassure et
qu’il lui fasse confiance. Ce serait merveilleux qu’il vienne lui rendre
visite avant décembre, époque du voyage d’Einstein en Californie.
Lui-même ne peut quitter Caputh, car il a besoin de son collaborateur
pour d’importants travaux. Il espère emmener son fils en Amérique
l’an prochain; cette année c’eût été trop coûteux, et aussi trop ardu,
puisqu’Einstein a des responsabilités épuisantes en Californie (« weil
ich in Californien austrengende Verpflichtungen habe »). Mais l’année
prochaine, il passera cinq mois à Princeton, près de New-York, un
endroit tranquille et hospitalier, parfait pour lui. En ce moment il passe
ses jours à travailler et à faire de la voile (« Ich verbringe meine Tage
mit Arbeit und Segeln »)… Son fils aussi devrait s’efforcer de se créer
une vie aussi simple et paisible que possible. A-t-il lu les contes de
fée de Hans Christian Andersen ? Il y a si longtemps, qu’il les a lus,
qu’il compte les relire. Récemment il a lu la seconde partie de
Faust
,
sans en être aussi impressionné que la plupart des gens (« In der
letzten Zeit hab ich den zweiten Teil vom Faust gelesen, bin aber
nicht so begeistert davon wir die meisten andern Menschen »). Il prie
Tetel d’écrire bientôt, et en détail, au sujet de ses soucis. Ilse était à
Carlsbad après plusieurs années de psychanalyse qui l’ont beaucoup
aidée. Il faudra un jour, quand Tetel lui rendra visite, qu’il enseigne à
son père la psychanalyse : Einstein promet de faire attention, et surtout
de rester sérieux. Mais le plus important, c’est de se ressaisir, pour
enfin pouvoir venir le voir…
3 500 - 4 000 €
TB
116