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1940
.
8 juin
. Il va se rendre à Machecoul, avec la crainte de se trouver sans bibliothèque. « La soif de livres en France (presque morbide)
est une fièvre qui va durer. Reste à trouver du papier. Tout est là. –
Le Fleuve étincelant
[de Charles
M
organ
] est un grand succès »...
28
juin
. Portrait d’Hitler par François-Poncet, dans le
Figaro
: « Il ne manque que quelques traits (le charme, la bonté). C’est cela qui achève
le côté diabolique. Évidemment tout cela était une affaire de sorcellerie. Le Romantisme est sorcellerie. [...] Paul Morand, Maurois, Léon
Bérard, à la dérive. Curieux, ces gens d’extrême bon sens, de mesure, de prudence (comme J. Renaud) culbutés par les événements,
comme des étourdis »... – Projet avec Plon d’une société d’exploitation en Afrique du Nord. – Exode : « J’ai croisé plusieurs convois de
blessés très réconfortants […] il semble bien que notre artillerie dévaste l’ennemi »…
1941-1942
.
19-22 août
. Éclaircissements sur le fonctionnement de la censure, avec allusion à une « bévue » de
W
intermayer
,
« qui ne connaît rien à la littérature », à l’encontre de Valéry, Fargue et Montherlant. « Les “attentats” continuent, assez fréquents.
Notamment une grenade jetée au milieu d’un groupe de soldats à l’exercice.
A
rland
a été réquisitionné pour une battue dans la forêt
de Fontainebleau. [...] Il n’y a pas encore de punitions pour la population. La volonté d’être patients est certaine ». Précisions sur le
succès des « engagements pour la relève », et échos de source allemande, de la faveur donnée aux volontaires russes, l’ouvrier russe
étant « l’ouvrier modèle », une « inépuisable machine humaine »...
Saint-Honoré-les-Bains 8 juillet
. « On s’aperçoit que l’opinion public,
c’est zéro. Il y a ce que l’on «pense» et ce qui se fait. La “collaboration” se fait vertigineusement. C’est même de l’osmose, et dans les
deux sens »... Il a lu une lettre de prisonnier de guerre, « dans des dispositions d’entente l’an passé. – À présent c’est un réquisitoire.
[...] On reconnaît tout l’attirail de la propagande anglophile »... Vive recommandation du
Journal de la France
de
F
abre
-L
uce
...
17-19
juillet
. Propos d’un industriel concernant la proposition d’échange d’ouvriers français contre des prisonniers de guerre : « Il dit que
“les patrons” se gardent bien d’aider
L
aval
. Ils pensent à sauver la France, à leur idée. [...] Les industriels se procurent des matières
premières bien au-delà du contingent. – L’entente est parfaite entre ouvriers communistes et patrons anglophiles. – On ne veut pas
gâter cette lune de miel. Laval s’est douté du coup. Il va faire fermer une partie des usines. Il faut toujours en venir à la contrainte »...
Réflexions sur les éditeurs dans les deux zones, et sur la politique littéraire de l’occupant...
La Frette 4 août
. « Je m’aperçois que dans les
genres les plus divers les allemands ont un talent fou. Mais il n’ont pas fait le tri chez eux »... Il a relevé à Saint-Honoré le « ton général
collaborationniste que prend le pays. L’Église se tient sur la réserve, mais le sens de son action est net. Si
P
étain
faisait un plébiscite sur
son nom, on serait surpris. Ce débarquement attendu en vain a beaucoup vexé, notamment les Bretons. On n’a plus guère d’espoir »...
6 septembre
. Selon
S
aint
-E
xupéry
, l’Amérique nous hait : « elle bombardera l’Europe avec volupté ; et supprimera les villes de France
comme le reste. Personne ne doute que dans un an ou deux elle n’aura une grande, peut-être une gigantesque aviation. Nul doute que
New-York ne soit juif ; c’est tout dire. Mais il lui faut l’Angleterre comme porte-avion. – Si l’Amérique peut détruire toutes les villes
d’Europe, l’Allemagne peut encore plus vite et plus facilement raser l’Angleterre, quand elle disposera d’énormes forces libérées par
la conquête du Caucase et du proche Orient ; et ceci dans quelques mois »... L’Amérique ne se retirera pas du conflit : « Il y a les juifs
il y a le Japon, il y a sa nécessité interne de transformation qui ne peut s’opérer que par la préparation à la guerre et la guerre ; il y a
sa puérilité. Je la vois en guerre dix ans et plus »... Et de déployer sa vision d’une Allemagne industrielle allant du Rhin à la Volga,
« inébranlable » et victorieuse... « Excellent discours de
R
ibbentrop
»...
La Frette 27 septembre
. Rumeurs de crise à Vichy : « Le groupe
des jeunes et des purs (Bonnard, Benoist-Méchin, Marion) de forte teinte fasciste, ne veulent plus de
L
aval
, et se prétendent sûrs de
l’emporter. [...] Les Allemands regardent, et soutiennent Laval dont ils ne sont pas mécontents. “C’est des choses intérieures, toutes
françaises” me disait tristement Hel[ler]. [...] Si dans tout cela,
P
étain
conserve sa tête, elle est solide »... Annonce de son départ au
congrès d’écrivains à Weimar, avec Pierre Benoit, Giono, Drieu La Rochelle et Montherlant... Écho d’une demande d’armistice des
Russes, et du refus de l’Allemagne de traiter avec
S
taline
...
Jeudi [novembre ?]
. « Un espoir m’est venu du côté de l’Amérique, c’est qu’ils
s’effondrent financièrement. Il y a eu un cri d’alarme de
R
oosevelt
hier. Il est certain que le système monétaire ancien ne permet pas
de tenir comme le système allemand. [...] Ne pensons plus à la censure, pour quelque temps. C’est-à-dire ne présentons rien (sauf les
impressions dans l’autre zone) »...
1943
.
Mercredi [avril ?].
Les rumeurs d’un débarquement augmentent la nervosité ambiante et la fréquence des attentats. « Martin du
Gard me disait hier que Benjamin
C
rémieux
venait d’être arrêté à Toulouse,
C
assou
passe en conseil de guerre. Ces lascars étaient des
insurgés déclarés. En réalité, il y a eu mansuétude infinie pendant deux ans »... Interrogations sur l’avenir de la France dans ce contexte
de guerre civile...
Le Merlerault dimanche
. Admiration pour la compagnie de S.S. dans le bourg, « gaillards splendides hauts comme les
portes » qui font rêver, vétérans du front russe, représentatifs de « l’homme nouveau » : « Êtres simplifiés, réduits à la foi (foi en Hitler)
et à l’héroïsme brutal, voués à la mort, et le sachant. Pas du tout des soudards. Rien de vulgaire. Quelque chose de pur et de terrible.
Inimaginable. Une armée qui a ce
noyau
, ne sera peut-être pas victorieuse ; mais jamais battue. [...] Cette légion, cette création d’hommes
sans aucun rapport avec l’humanité commune, n’a pas été faite pour rien. Elle est déjà maîtresse d’événements immense que nous ne
voyons pas. Puis elle disparaîtra. Ces archanges pour grosses besognes seront éphémères »...
1944
.
1
er
janvier
. « Il est probable que l’attaque du continent est proche » ; il faut faire des provisions au marché noir... –
[Début
juin ?]
. « Tu as su le bombardement de Rouen (la manière). “Ces Américains sont des brutes, disait hier
D
rieu
; ils vont faire des
choses atroces.” – La mobilisation des “affectés spéciaux” est chose à peu près décidée et proche. Mutations de peuples. Une partie de
l’Allemagne est souterraine ; on creuse une colline, près d’ici. Étrange nouvelle Europe, inconcevable, qui sortira des entrailles de la
terre. – On regarde du côté de Dakar avec émoi. Tension partout »...
[Juin ?]
. Il incline « aux méthodes et au parti Rebatet-Déat. Sera-t-il
assez fort ? Ils semblent brouillés avec
D
oriot
. [...] Reste le “gouvernement”
L
aval
, et ce qui se fera à la suite de Laval, dans la même
ligne, avec la “légalité”, l’héritage de Vichy aussi, poids très lourd, avec, en effet l’Église, une armée de badernes, une administration
de crétins rétifs. Bref, une France sans “révolution”, sans purges, tâchant d’éliminer peu à peu ses poisons. Au bout, je le crains, par
nécessité, un gouvernement occulte, étranger. Celui qui a foi dans la France, qui ne craint pas pour elle des remèdes trop forts, et qui
veut son bien sera fasciste »...