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les collections aristophil

1194

MOZART WOLFGANG AMADEUS (1756-1791).

MANUSCRIT MUSICAL autographe,

Zu ein[em] 4

tett

, 6

passages pour quatuor à cordes pour son élève Thomas

ATTWOOD, [seconde moitié de 1786] ; 2 pages oblong in-4

au recto et verso d’un feuillet (23 x 31,8 cm) ; monté dans un

album oblong de maroquin brun avec titre en lettres dorées

sur le plat sup.

120 000 / 150 000 €

Très intéressant manuscrit de Mozart pédagogue, enseignant

la composition du quatuor à cordes à son élève et ami Thomas

ATTWOOD.

Thomas ATTWOOD (1765-1838), jeune musicien anglais, protégé du

prince de Galles, futur George IV, partit, grâce à son protecteur, per-

fectionner ses connaissances musicales à l’étranger, d’abord à Naples

en 1783, puis à Vienne, où il arriva en août 1785. Il commença bien

vite une série de leçons avec Mozart. Ces leçons durèrent jusqu’à la

fin de l’année suivante. Selon Michael Kelly, dans ses

Riminiscences

,

les deux musiciens se lièrent d’une amitié sincère, Mozart ayant

déclaré qu’Attwood comprenait mieux son style qu’aucun autre de

ses étudiants. Il rentra en Angleterre au début de 1797 avec le cahier

manuscrit contenant ses études avec Mozart et ses exercices de com-

position revus et corrigés par Mozart [K.506a], aujourd’hui conservé

à la British Library (Add. Ms 58437) à l’exception de quelques rares

feuillets, dont celui-ci. Les 144 feuillets du cahier d’Attwood témoignent

de la minutieuse attention que portait Mozart aux études d’Attwood.

Ces leçons sont d’autant plus remarquables qu’elles correspondent

à une des périodes les plus productives de sa propre vie créative.

Le présent feuillet date de la dernière étape des études d’Attwood,

à la fin de 1786, alors qu’il travaillait à des formes de composition

libres, notamment pour quatuor à cordes. Sur un feuillet oblong à 16

lignes, Mozart a noté à l’encre brune 67 mesures dans 6 systèmes de

quatre portées ; quatre autres mesures ont été ajoutées à la fin par

Attwood ; au verso, on relève les annotations : « Adagio », « Rondò »

et « Buono ».

Il comprend des sections remaniées issues de trois mouvements pour

quatuor à cordes composés par Attwood (un

Allegro

en sol, un

Adagio

perdu en ut et un

Thème et Variations

en sol). Dans les deux premiers

cas, le manuscrit apparaît comme de brèves corrections à des com-

positions présentes dans le manuscrit Attwood. Le recto comprend

quatre sections de l’

Allegro

, en commençant par une refonte complète

de six mesures issues du premier sujet d’Attwood. Il s’ensuit une légère

modification des 16 mesures suivantes, et une troisième section se

concentrant sur les huit dernières mesures du développement, dans

laquelle on peut voir Mozart présenter un motif en syncope dans le

2

e

violon, qui vient couper le dialogue instauré entre le 1

er

violon et

l’alto. La quatrième esquisse est une refonte du 2

e

sujet qui introduit

une variation et ramène l’alto au premier plan. Le long passage en

do majeur au bas du recto et qui se poursuit au verso, serait, selon

Daniel Heartz, à rattacher à une partie d’un mouvement lent perdu

du quatuor en ut d’Attwood, dont il suggère qu’il aurait été une des

plus remarquables compositions des études d’Attwood. La dernière

contribution de Mozart est une brève amélioration à la 6

e

variation

du thème et variations en sol (dont le thème et les quatre premières

variations sont perdus), continuant une correction commencée sur le

manuscrit même d’Attwood. Les quatre mesures ajoutées à la fin par

Attwood remplacent un passage tellement corrigé par Mozart dans

le cahier qu’il en était devenu illisible. La musique de ces fragments

reflète la forte influence sur les quatuors d’Attwood des « Quatuors

Haydn » de Mozart, notamment des n

os

5 et 6, à tel point qu’Alfred

Einstein, dans l’édition de 1937 du

Köchel-Verzeichnis

, a catalogué

le présent feuillet sous le n° K.465a comme une page d’esquisses

pour le 6

e

des Quatuors dédiés à Haydn K.465. Il est fascinant de

voir ici le génie créatif de Mozart s’appliquant à améliorer et polir

des musiques inspirées par ses propres œuvres.

Ce feuillet a été authentifié au recto par Georg Nikolaus NISSEN

(1761-1826, premier biographe de Mozart, dont il avait épousé la

veuve Constance) : « von Mozart und sein Handschrift » ; puis par

l’éditeur et musicologue Julius ANDRÉ (1808-1880) : « Die Echtheit der

Handschrift von W. A. Mozart bestätiget. Julius André », qui appose

son sceau de cire rouge ; ce qui permet de supposer que ce feuillet

aurait pu rester entre les mains de Mozart. En 1975, le manuscrit a

été montré par son possesseur à Yehudi et Hepzibah Menuhin, qui

ont signé la page de garde de l’album le contenant.

Provenance

: Thomas Attwood (1765-1838) ; à sa mort, son cahier

d’études musicales avec Mozart passa à Sir John Goss, son succes-

seur comme organiste à Saint-Paul Cathedral ; la veuve de Goss le

vendit à l’un de ses élèves, Sir Frederick Bridge (1844-1924) ; après sa

mort, le manuscrit est acheté à la vente de la bibliothèque Bridge par

Cecil B. Oldman, puis acquis par la British Library (Add. Ms 58437).

Le présent feuillet semble toutefois avoir été séparé du manuscrit

principal bien plus tôt, ou être resté entre les mains de Mozart,

comme le laissent à penser les annotations de Nissen et André ; il

apparaît en 1911 dans le catalogue du libraire de Francfort Joseph

Baer & Co. (catal. 4, lot 4287), puis lors d’une vente aux enchères

de Leo Liepmannsohn (Berlin, 27-29 mars 1913, lot 2140, vendu 960

Marks) ; vendu par Albi Rosenthal (Otto Haas) à Londres, en septembre

1974, à Frederick Lewis Maitland Pattison (ex libris, vente Christie’s,

Londres 21 mai 2014, n° 19).

Références

:

Neue Mozart Ausgabe

X/30/1 (1965), p. 253-254 [IV/87-

88] et p. XVIII ; et

Kritische Berichte

(D. Heartz & A. Mann), band 1

(1969), p. 107-108.