Previous Page  68 / 180 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 68 / 180 Next Page
Page Background

66

d’édition, et « l’affaire Société des Nations », où il fut admirablement aidé par le comte

C

lauzel

, mais

roulé

par un haut

fonctionnaire [Arthur

F

ontaine

]...

Nice jeudi [30 mars]

.

L

ongue

lettre

sur

la

crise

avec

C

atherine

P

ozzi

 : « le hasard vous a

fait en quelques heures connaître toute ma misère, ma plaie et mon injuste malheur. Vous m’avez vu, sur les ruines de

ma vie, recevoir la dernière insulte. Vous avez vu mes larmes, mon abandon, et toute la sottise de l’être désespéré.

Vous avez eu pitié de moi. [...] Cette journée terrible, je crois que sans vous, elle eût terriblement fini. Le grand blessé,

l’homme outragé, brisé, trahi, l’âme envahie de dégoût et de haine, et de cette terreur qui lui vient de regarder tout ce

qu’elle a à détruire en soi, tout l’ouvrage diabolique à défaire fil par fil, les souvenirs à arracher, les espérances à épuiser

et à tuer... Vous l’avez vu »... Mais elle l’a écouté, et la tête coupée pense encore. « Je souffre cependant affreusement

de l’injustice insensée de cette femme. Le grand mal, et presque toutes les choses humaines, vient de la stupidité. La

mienne m’a livré. La sienne m’a frappé »... Il est accablé, et pourtant il lui faut toutes ses forces : « Quel métier que

celui où il faut pour vivre, être toujours armé de bonheur ! Il faut chanter, et l’âme est rompue ! »... Il confie à Renée

« un papier à remettre à ma femme, le cas échéant »...

Samedi [2 avril]

. Il a résolu d’aller à Vence pour s’entretenir

avec Catherine. « C’est une résolution désespérée. Je vous dirai l’issue de ce combat – car je prévois une violente

confrontation. Mon cœur brisé doit combattre ; et mon âme, savoir. [...] Je vous quitte avec une émotion infinie. Je ne

vous la cacherai pas, à vous qui m’avez vu la tête perdue, – et à laquelle je voue une dévotion des puissances les plus

hautes de mon âme »...

Vence jeudi [6 avril]

. « J’ai éclairci toutes choses. Le mal qui me fut fait était fiction, mais terrible

réalité pour moi. Poison mortel. Tout ceci procédait d’une jalousie exaspérée et dont

j’ai vu le journal

. J’ai vu jour par

jour l’envers de mon supplice, et un autre supplice organiser le mien. Je suis plus calme, enfin ! Non pas heureux,

ayant connu de trop près les abîmes »...

Mercredi [Nice 12 avril]

. « Jamais je n’ai perdu la notion claire de ma terrible

situation cachée... Hélas, l’

Être

n’est pas le

Connaître

. Je le savais. Je l’ai cruellement éprouvé »... Il lui racontera ce

qui s’est passé : « Chose étrange, la crise aigüe à laquelle vous avez assisté à Nice, était due précisément à votre

présence auprès de moi !! – Il ne faut pas en vouloir à cette âme si douloureuse au fond, et dont je sais maintenant

que son martyre était égal au mien »... Il n’a pas dit à Catherine tout ce que Renée a vu : « Je la trouve bien maigre

et fragile. Une pitié immense me prend à la regarder, et je ne puis la regarder sans être sur le point de pleurer. Tant

de douleur et d’amertume, et tant de faiblesse, et cet attachement extraordinaire que nous nous trouvons l’un pour

l’autre, – mon cœur n’y résiste pas »...

Menton mercredi [19 avril]

. « Je suis attristé profondément d’avoir observé de

tout près la fragilité effrayante de cet être. J’excuse bien des blessures qui m’ont été faites, […] quand je songe à cet

état si affreusement précaire. La faiblesse extrême survient tout à coup. Le souffle lui manque, et ce sont des heures

de sombre et pénible concentration. Elle n’a plus que l’esprit et les os »... Il poursuit, le lendemain, dans « ce cimetière

marin “où tant de marbre est tremblant de tant d’ombres” », où il cherche et trouve la tombe de la mère de la baronne,

« comme une page de marbre devant moi. […] La mer scintille au-dessus de cette page. Je m’arrête longtemps ici, en

roulant bien des choses dans ma tête fatiguée. J’ai pensé à cette bonté qui a prié pour un insensé ». Il colle à la lettre

« une très petite plante que j’ai arrachée d’une fente du marbre même du tombeau »...

Tarascon 9 mai

. Il a été voir

son frère, gravement malade, à Montpellier...

Paris 1

er

août

. « Ma vie est en somme bien tourmentée. Et je dois la vivre

selon ma nature, qui est celle d’un écorché. Et tant d’ennuis, soucis, difficultés de tous genres, sont disposés autour du

Chagrin Central et de l’âme dévastée. – Mon fils ne m’a donné que les résultats attendus de son étrange insouciance.

Je n’ai plus rien vu ni connu, qui intéressât ma propre situation. Et après tout, cela vaut mieux que d’espérer à faux.

Je désespère sans dissonances »...

Bergerac dimanche [1

er

octobre]

. À La Graulet depuis quinze jours, il traîne une