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d’édition, et « l’affaire Société des Nations », où il fut admirablement aidé par le comte
C
lauzel
, mais
roulé
par un haut
fonctionnaire [Arthur
F
ontaine
]...
Nice jeudi [30 mars]
.
L
ongue
lettre
sur
la
crise
avec
C
atherine
P
ozzi
: « le hasard vous a
fait en quelques heures connaître toute ma misère, ma plaie et mon injuste malheur. Vous m’avez vu, sur les ruines de
ma vie, recevoir la dernière insulte. Vous avez vu mes larmes, mon abandon, et toute la sottise de l’être désespéré.
Vous avez eu pitié de moi. [...] Cette journée terrible, je crois que sans vous, elle eût terriblement fini. Le grand blessé,
l’homme outragé, brisé, trahi, l’âme envahie de dégoût et de haine, et de cette terreur qui lui vient de regarder tout ce
qu’elle a à détruire en soi, tout l’ouvrage diabolique à défaire fil par fil, les souvenirs à arracher, les espérances à épuiser
et à tuer... Vous l’avez vu »... Mais elle l’a écouté, et la tête coupée pense encore. « Je souffre cependant affreusement
de l’injustice insensée de cette femme. Le grand mal, et presque toutes les choses humaines, vient de la stupidité. La
mienne m’a livré. La sienne m’a frappé »... Il est accablé, et pourtant il lui faut toutes ses forces : « Quel métier que
celui où il faut pour vivre, être toujours armé de bonheur ! Il faut chanter, et l’âme est rompue ! »... Il confie à Renée
« un papier à remettre à ma femme, le cas échéant »...
Samedi [2 avril]
. Il a résolu d’aller à Vence pour s’entretenir
avec Catherine. « C’est une résolution désespérée. Je vous dirai l’issue de ce combat – car je prévois une violente
confrontation. Mon cœur brisé doit combattre ; et mon âme, savoir. [...] Je vous quitte avec une émotion infinie. Je ne
vous la cacherai pas, à vous qui m’avez vu la tête perdue, – et à laquelle je voue une dévotion des puissances les plus
hautes de mon âme »...
Vence jeudi [6 avril]
. « J’ai éclairci toutes choses. Le mal qui me fut fait était fiction, mais terrible
réalité pour moi. Poison mortel. Tout ceci procédait d’une jalousie exaspérée et dont
j’ai vu le journal
. J’ai vu jour par
jour l’envers de mon supplice, et un autre supplice organiser le mien. Je suis plus calme, enfin ! Non pas heureux,
ayant connu de trop près les abîmes »...
Mercredi [Nice 12 avril]
. « Jamais je n’ai perdu la notion claire de ma terrible
situation cachée... Hélas, l’
Être
n’est pas le
Connaître
. Je le savais. Je l’ai cruellement éprouvé »... Il lui racontera ce
qui s’est passé : « Chose étrange, la crise aigüe à laquelle vous avez assisté à Nice, était due précisément à votre
présence auprès de moi !! – Il ne faut pas en vouloir à cette âme si douloureuse au fond, et dont je sais maintenant
que son martyre était égal au mien »... Il n’a pas dit à Catherine tout ce que Renée a vu : « Je la trouve bien maigre
et fragile. Une pitié immense me prend à la regarder, et je ne puis la regarder sans être sur le point de pleurer. Tant
de douleur et d’amertume, et tant de faiblesse, et cet attachement extraordinaire que nous nous trouvons l’un pour
l’autre, – mon cœur n’y résiste pas »...
Menton mercredi [19 avril]
. « Je suis attristé profondément d’avoir observé de
tout près la fragilité effrayante de cet être. J’excuse bien des blessures qui m’ont été faites, […] quand je songe à cet
état si affreusement précaire. La faiblesse extrême survient tout à coup. Le souffle lui manque, et ce sont des heures
de sombre et pénible concentration. Elle n’a plus que l’esprit et les os »... Il poursuit, le lendemain, dans « ce cimetière
marin “où tant de marbre est tremblant de tant d’ombres” », où il cherche et trouve la tombe de la mère de la baronne,
« comme une page de marbre devant moi. […] La mer scintille au-dessus de cette page. Je m’arrête longtemps ici, en
roulant bien des choses dans ma tête fatiguée. J’ai pensé à cette bonté qui a prié pour un insensé ». Il colle à la lettre
« une très petite plante que j’ai arrachée d’une fente du marbre même du tombeau »...
Tarascon 9 mai
. Il a été voir
son frère, gravement malade, à Montpellier...
Paris 1
er
août
. « Ma vie est en somme bien tourmentée. Et je dois la vivre
selon ma nature, qui est celle d’un écorché. Et tant d’ennuis, soucis, difficultés de tous genres, sont disposés autour du
Chagrin Central et de l’âme dévastée. – Mon fils ne m’a donné que les résultats attendus de son étrange insouciance.
Je n’ai plus rien vu ni connu, qui intéressât ma propre situation. Et après tout, cela vaut mieux que d’espérer à faux.
Je désespère sans dissonances »...
Bergerac dimanche [1
er
octobre]
. À La Graulet depuis quinze jours, il traîne une