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Histoire
çaise. […] La France a commis un crime, mûri
à la fin du XIX
e
siècle, consommé au début
du XX
e
: elle n’a plus fait d’enfants. De 1814 à
1914 sa position démographique en Europe
est passée du premier rang au quatrième.
De plus, l’entrée sur la scène mondiale de
deux empires géants, Russie et États-Unis,
introduit une nouvelle optique mondiale
qui la fait paraître petite entre les “nouvelles
nébuleuses”. La France doit donc renoncer
à un éclat solitaire. Il lui faut s’amalgamer
aux nouvelles constellations qui se forment
en Europe : l’ère des Alliances est ouverte,
même si celle des Patries n’est pas close.
Par la pratique de la fédération on parviendra
peut-être à évoquer l’âme de l’Europe. […]
l’auteur invite les Français à se recueillir dans
une méditation sévère sur le sens de l’effort
humain. En commettant son “crime” : n’avoir
pas fait assez d’enfants pendant un siècle, la
France n’a peut-être péché que par excès
de civilisation et a démontré son sens de la
mesure. Elle a eu le mérite de mettre au jour
qu’il faut empêcher le pullulement de l’Eu-
rope. D’autre part, la religion épuisante de la
Production soulève une grande interrogation
“sur les fondements de notre civilisation”. La
réponse à cette question angoissante qui
fait le tragique du monde moderne ne sera
pas nécessairement trouvée par le peuple
qui semble peser le plus par ses masses »
(Frédéric Grover).
Citons l’étonnante conclusion, quand on
songe au destin de Drieu : « Il ne s’agit pas
de Révolutions, de Restaurations, de superfi-
ciels mouvements politiques et sociaux, mais
de quelque chose de plus profond, d’une
Renaissance. Tandis que le XX
e
siècle verra
s’épanouir et s’exagérer le principe présent
de la civilisation, il faut que par un travail
souterrain qui renouvelle pierre à pierre les
fondements de l’Esprit ce siècle soit l’amorce
d’une époque où l’automatisme menaçant,
dont les manifestations viennent d’être énu-
mérées, sera surmonté. Il faut renoncer à
demain et travailler pour un jour à venir. Si
l’on croit que la vie mérite d’être vécue et
que son objet est de produire un enfant,
une statue, un poème clos. À moins qu’on
ne préfère s’écarter du centre conventionnel
de choses, marcher vers les confins, explorer
la mort ».
Provenance
Bibliothèque Dominique de VILLEPIN,
Feux &
Flammes
, I
Les Voleurs de feu
(28 novembre
2013, n° 109).