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les collections aristophil

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HEMINGWAY ERNEST 1899 1961

L.A.S. À ALFRED H. BARR,

La Havane, Cuba 29 octobre

1934.

3 pages in-8, enveloppe conservée.

6 000 / 8 000 €

Lettre autographe signée en anglais à Alfred H. Barr, directeur du

Musée d’Art Moderne sur papier imprimé de l’Hôtel Ambos Mundos,

avec la mention « privé » sur l’enveloppe d’origine.

Cette lettre débute par ses réflexions sur l’Art moderne et se poursuit

sur la guerre civile espagnole.

… « Merci infiniment pour votre lettre et d’avoir conseillé à M. Sheiser

d’organiser le salon de Quintanilla. Il l’a arrangé pour la galerie de

Pierre Matisse… Vous aviez entièrement raison au sujet des prix pour

le Miró (« La Ferme » résiste merveilleusement bien). Il a plutôt gagné

que perdu. Je suis allé voir ses dernières œuvres et ça ne m’a pas

fait grand-chose sauf que c’était agréable. J’ai souvent constaté que

certaines choses que je ne comprends pas à un moment donné

finissent par s’avérer trop évidentes. Je crois que c’est une chose

merveilleuse pour la peinture moderne que le prix des mauvais tableaux

ait chuté. C’est dur pour les gars mais de meilleurs tableaux seront

peints. Les bons tableaux vaudront tout autant et bien plus au final.

(Nous serons tous morts mais les tableaux resteront) ».

« Entre nous, le pauvre vieux Quintanilla est en prison à Madrid depuis

deux semaines, en attendant un procès devant la Cour Martiale.

L’armée a vaincu la révolution pour la dernière fois. Je serai informé

par télégramme dès qu’il aura été jugé. Il vous plairait, c’est l’une des

plus grandes intelligences que nous connaissons et ses gravures à

l’eau-forte sont très bonnes. Ces petits bâtards des alentours de

New-York qui parlent de la révolution ne connaissent pas grand-chose

en pratique. Ils devraient uriner sur leurs propres mains pour tenter

de nettoyer la trace produite par le tir d’une mitraillette Thompson

enlevée de son support, entre le pouce et l’index, sur un toit bientôt

assailli par des troupes en train de gravir des escaliers – les mains

des gens c’est ce que les soldats regardent. A New-York pour être

révolutionnaire, il su²t de manifester devant l’entreprise Macaulay

avant d’aller à un thé littéraire. Si tu ne réponds pas, ils te classent

comme un fasciste… Je vais à KW (Quai West) ce soir et je posterai

cette lettre là-bas » …

Le tableau « La Ferme » est un chef-d’œuvre de Miró qu’Hemingway

acheta à Paris en 1925 et qu’il orit à sa femme Hadley. Le poète

américain Evan Schipman, qui convoitait également le tableau, proposa

de jouer aux dés pour gagner le droit de l’acheter. Hemingway gagna

un montant de cinq mille francs et acheta le tableau même s’il était

au-dessus de ses moyens. Miró vint voir le tableau accroché au-dessus

du lit d’Hemingway, content qu’il fut tombé entre de si bonnes mains.

Le tableau « La Ferme »

fut légué plus tard à la National Gallery of

Art à Washington par Mary sa veuve.

(Légères déchirures dans les plis de la lettre ainsi que sur l’enveloppe).

La lettre est signée Ernest Hemingway.