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les collections aristophil
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GENET JEAN 1910 1986
LE PRÉTEXTE. Ensemble de manuscrits en grande partie
inédits, circa 1953-1954. 62 pages in-folio et in-4.
15 000 / 20 000 €
Ensemble de manuscrits en grande partie inédits pour un livre inachevé,
à la fois réflexions sur l’homosexualité, la pédérastie, l’amour et la mort.
Ces manuscrits de premier jet se rattachent au projet inabouti d’une
lettre ouverte à « Décimo, ou Enfers, ou Infernal, ou la Mort », dont
on connaît seulement des fragments publiés dans le numéro 105
des « Temps Modernes » en août 1954 et repris en volume en 1990
chez Gallimard.
Jean Genet subit une crise di²cile. Conçue comme une lettre à Décimo
(Décimo Christiani, jeune voyou et prostitué romain) et comme un
« poème pédérastique », composée « d’éléments autobiographiques de
réflexions esthétiques et de considérations universelles et abstraites. »
(Edmund White). Cette œuvre inachevée présente l’homosexualité
comme un bagne, un enfer, une malédiction, et un état de solitude
souvent sordide. La stérilité, la misère, la maladie, la mort lente et le
suicide, sont des thèmes qui se développent dans ces pages, tantôt
avec brutalité, tantôt dans une transfiguration poétique.
C’est « l’ébauche d’un ouvrage futur fondant une nouvelle morale,
une nouvelle esthétique, à partir des données de l’homosexualité.
Or, l’homosexualité est morte. Cet ouvrage toujours projeté, jamais
publié, est « l’œuvre impossible de Genet, ce centre invisible autour
duquel tout le reste s’organise » (Jean-Bernard Moraly).
Le dossier comprend une ébauche puis deux versions élaborées
avec d’importantes variantes du texte « Le Prétexte » recueilli dans
« Fragments » dans lequel Genet évoque clairement le suicide.
… « La pensée – non le goût – mais la pensée du suicide en moi
apparut clairement vers ma quarantième année amenée par l’envie de
vivre et par un vide intérieur que rien, sauf le glissement définitif, ne
pourrait pouvoir combler ... Une métaphysique de la pédérastie me
conduisait nécessairement aux concepts de stérilité, de discontinuité,
de rupture, de fin en soi, donc au mal … Phèdre, reine vivante
amoureuse d’Hippolyte, voilà le crime … Le crime, exécuté hors du
criminel abolit sans doute une vie mais dans l’âme du criminel, il
accomplit des ravages … S’il est vrai que toute œuvre ne s’achève
selon une rigueur qui ne se réfère à rien d’autre qu’une constante
loyauté … La fin sera fastueuse, le moyen misérable. »
Bien d’autres textes sont inédits, certains sont des réflexions sur le
projet même du livre : « Ce livre est un crime et son expiation. Ce bagne
d’où vient-il ? De la mélancolie peut-être ? D’éviter le bagne de fait.
Le fait d’ailleurs ne su²rait pas à partir de lui, de sa lamentable vie il
faudra se repenser, tenir de lui une métaphore ou tenter de vivre. » …